La Tâche

Il y a des livres comme ça ! Avant même de les avoir terminés, j’ai envie de les relire. De voir comment ce que j’avais compris s’articule avec les nouveaux éléments de l’histoire. La construction des romans de Philip Roth se prête particulièrement à ce type de relecture et ce roman-ci plus encore. Dans cette histoire à tiroir, chaque nouvelle séquence jette un jour surprenant sur les précédentes. Peu à peu le puzzle se forme sous nos yeux, époustouflant.

Bien sûr c’est la société américaine qui se trouve encore une fois minutieusement disséquée dans ses contradictions, ses hypocrisies, ses haines, son communautarisme et son sacro-saint respect des conventions, changeantes en apparence mais profondément vissées dans la conscience collective. Dans un pays qui prône par-dessus tout la liberté individuelle, Philip Roth épingle les risques encourus à vouloir se dégager de ces contraintes de groupe, de ce qu’il appelle « la donne reçue à la naissance ».

Bien d’autres sujets se croisent autour de ce thème central en fonction des flash-back, digressions, intrusions diverses dans la vie des personnages, mais toujours on en revient au carcan du regard des autres. Avec une grande subtilité et une puissance impressionnante Roth nous convie cette fois encore à une plongée sans concession dans l’Amérique contemporaine.

Après une carrière universitaire brillante et une vie personnelle et familiale plutôt harmonieuse, Coleman Silk au seuil de la retraite se trouve au centre d’une cabale l’accusant de racisme. La réaction du vieil enseignant à ce complot somme toute assez ridicule surprend tout le monde par sa violence, y compris ceux qui avaient participé aux ragots. Trop tard cependant, Silk démissionne et se coupe du monde. Mais pourquoi cette indignation si brutale, cette haine mal maîtrisée, Nathan Zuckerman, sans l’avoir vraiment voulu, se retrouve le confident de cet homme peu commun et petit à petit il va percer les secrets d’une existence hors norme. Exceptionnel !

l’avis de Loupiote, de livrovore et plein de chose sur ce roman et tout Roth chez les chats.

La tâche – The human Stain – Philip Roth – 2000 – (traduit par José Kamoun 2002)

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19 réponses à La Tâche

  1. Anne dit :

    Je crois que ce titre est le dernier d’une saga? Je n’ai rien lu de P.Roth aussi c’est le cas peut-être vaudrait-il mieux que je commence par le premier de la série? Ta critique me donne bien envie de le découvrir.

    • yueyin dit :

      Ce titre fait partie de ce qu’on appelle le trilogie américaine : pastorale américaine, j’ai épousé un communiste et la tâche ! Mais les trois livres sont complètement indépendant. Le seul lien, outre l’analyse vitriolée de la société américaine, c’est le narrateur Nathan Zuckerman … tu peux donc commencer par lire n’importe lequel (je l’ai ai tous trouvé géniaux !)

  2. C. Sauvage dit :

    Superbe papier car tu donnes envie de lire Roth (ce qui devrait être reconnu d’utilité publique) sans dévoiler le mystère de ce livre ou les scènes les plus fortes et dieu sait s’il en contient. Oui, il faut lire Roth. De la trilogie j’ai préféré la Pastorale et été déçu par J’ai épousé…

    Mais on pourrait aussi noter au passage combien les écrivains américains sont les premiers critiques du rêve américain. Surtout à un moment où cette société se referme sur elle-même et sur ses fausses fondations ( les pélerins du Mayflower, les bigots, etc). L’Amérique perd le sens de la Liberté et en même temps laisse ses auteurs (des gens bien moins importants que les PDG, les boursiers, les champions , les réalisateurs de films, etc) critiquer ses dérives dans des romans d’une ampleur et d’une force qui manque à nos chétifs auteurs français.

    Merci à Roth (les deux), Harrisson, DeLillo,  et combien d’autres

    • yueyin dit :

      Je ne voulais pas affadir pour d’autres lecteurs l’effet qu’à eu sur moi l’assemblage de la mosaïque. C’est vrai que j’avais envie de revenir en arrière pour être sûre de pas rêver mais je ne pouvais pas, je voulais allerplus loin. Un drôle d’effet…

      La patorale est le premier que j’ai lu… j’ai été complètement éblouie ! mais la tâche m’a plu tout autant… je crois que je vais continuer à lire Roth 🙂

      Je me suis souvent demandé comment l’amérique si intransigeante et rigide sous certains aspects pouvait laisser certains de ses auteurs la montrer aussi crument… Est-ce de l’indifférence, un moyen de garder bonne conscience  ou simplement une forme suprême de mépris pour cette forme d’art particulière : raconter des histoires ?

  3. Moustafette dit :

    J’avais noté ton article sur La pastorale. Il va falloir vraiment que je m’attaque à cet auteur.

  4. Florinette dit :

    Je sais que je peux le trouver à la biblio, mais j’en ai tellement à leur rapporter que je vais devoir patienter avant de lire ce très tentant roman !
    Bon dimanche Yue yin !

  5. Killroy dit :

    Coucou Yue !

    Ok c’est bon tu m’as convaincu… Dès que je réduis un peu les étagères de ma biblio avec des livres en attente, je commande celui-ci 🙂

    Je te souohaite un très bon WE, bizzzz

  6. Bellesahi dit :

    je vais te surprendre mais je n’ai pas réussi à lire ce livre et mon mari non plus d’ailleurs. Mais je ferai une autre tentative plus tard.

  7. Turquoise dit :

    J’avais déjà été tentée avec la critique de Livrovore ; avec la tienne en plus, j’ai été totalement convaincue ! Je l’ai emprunté hier à la bibli (en espérant que je trouverai le temps de le lire…)

  8. Bellesahi dit :

    Ce n’est pas une question de densité, j’aime les romans denses. J’aime même les pavés ! Non celui-là me tombait des mains. 

     

  9. Turquoise dit :

    J’ai commencé les premières pages. Et je peux déjà dire que Philip Roth sait écrire, lui !

  10. karamzin dit :

    J’aime beaucoup Philip Roth moi aussi. La tache, la pastorale américaine et la contrevie que je suis en train de lire en ce moment (et qui a pour l’instant ma préférence) sont tous d’excellents romans. Toutefois, j’aurais quand même un reproche à lui faire. En effet, est-il vraiment nécessaire que le lecteur doive subir toute la généalogie de son héros principal - quand ce ne pas la liste de ses amis aussi- pour comprendre le(e) thème(s) que celui-ci véhicule? Pas sûr, et ce d’autant plus qu’il complique bcp à digresser. OK, j’admets bien volontiers que parfois ça à son charme.

    • yueyin dit :

      La contrevie est mon prochain Philip Roth… une fois que j’aurais enfin publié ma critique de l’écrivain des ombres… Pour l’instant c’est un sans-faute… j’ai tout aimé de lui. Quant aux digression, s’il n’y en avait pas, est-ce que ce serait quand même du Philip Roth 🙂 disons que son écriture fait passer pour moi ses dérives les plus innattendues, cela dit je sais que c’est ce qui repousse certains lecteurs… Tiens du coup j’ai hâte de me replonger dans son univers…

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