Lointain souvenir de la peau

Kid, 22 ans, s’est réfugié avec son lézard Iggy sous l’échangeur de la voie rapide, sur une petite île de béton où s’entassent tous ceux qui comme lui n’ont plus le droit de vivre ailleurs, de l’autre côté des ponts, là où vivent les gens normaux. Oh ils peuvent y aller bien sûr, faire leur courses, éventuellement dans les poubelles, chercher un petit boulot, éventuellement avec espoir, mais y rester, dormir, s’installer c’est interdit et grâce aux bracelets qu’ils portent tous, impossible d’y couper. L’univers de Kid se résume donc à cet amoncellement de tentes, cahutes et autres cabanes fabriquées de bric et de broc, où essait de s’organiser le rebus de l’humanité. Jusqu’à la nuit où la police charge, détruit, disperse, chasse, blesse et tue parfois, histoire de nettoyer l’endroit devenu par la grace d’un media ou d’un autre officiellement indésirable. Le moment pour Kid de se demander réellement où est sa place, ou plutôt s’il lui reste une place quelquepart, ou une vie peut être…

Rassurez-vous – ou pas d’ailleurs – Russel Banks ne s’est pas tout à coup mis à la science fiction, ce roman se passe bel et bien de nos jours dans la riante Floride comté de Calusa et y suit le parcourt erratique mais également philosophique d’un de ces nouveaux lépreux de la société américaine, condamné, emprisonné puis relaché avec obligation de rester dans le comté qui l’a jugé mais interdiction de s’installer à proximité d’autres humains. Une nouvelle version de la cadrature du cercle particulièrement poignante qui épingle les dérives d’une société pétrifiée dans un tout sécuritaire hystérique mais sans laisser le lecteur s’installer dans sa bonne conscience. Car Kid comme les autres est un délinquant sexuel, ce que chacun peut vérifier en se connectant gratuitement sur internet, et qui donc, le sachant, accepterait de le laisser s’installer près de chez lui ? La prose de Banks, que je découvre avec ce roman, est aussi puissante qu’impitoyable, elle dérange, gratte, questionne et laisse le lecteur avec un goût de cendre et un grand appétit de rédemption. Perturbant !

Lointain souvenir de la peau – Russel Banks – 2011 – Traduit de l’américain par Pierre Furlan – acte sud 2012

L’avis de Cuné que je remercie pour le prêt et la découverte de l’auteur…

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38 réponses à Lointain souvenir de la peau

  1. In Cold Blog dit :

    Apparemment un grand cru de chez Banks. j’ai hâte de le trouver en bouquinerie.

  2. Cuné dit :

    Quel beau billet ! Tu dis parfaitement l’essence de ce roman que j’ai trouvé génial.

    • yueyin dit :

      Encore merci Cuné de m’avoir fait découvrir Banks et ce roman… je ne savais pas comme présenter le truc, qui m’avait tellement marqué (d’où le temps qu’il m’a fallu) et puis en décrivant la situation je me suis rendu compte qu’on aurait pu prendre ça pour le début d’une dystopie ou d’un roman post apo 🙂 (en même temps ça fait peur !)

  3. clara dit :

    Une découverte qui m’a scotchée !

  4. Ys dit :

    J’aime cet auteur et ce livre-là, il me le faut !

  5. Le Papou dit :

    Je suis fort perturbé. Comment ton petit coeur mou peut-il apprécier ce genre de bouquin. Tu dois être affaiblie par la grippe.

     

    Le Papou

  6. Cryssilda dit :

    J’aime bien le style de Russel Banks, et le thème m’intéresse… je le note pour plus tard, donc !

  7. Jules dit :

    Il est dans la PAL, je ne lis que de bons commentaires!

  8. Lilly dit :

    Il me fait envie, c’est horrible… tout comme son prix malheureusement… Je viens à peine de découvrir Banks, mais je ne doute pas que ce livre est génial.

  9. DeL dit :

    Déjà noté chez Cuné 😉 Ton avis me donne encore plus envie de le lire.

  10. lou dit :

    Les dessous d’échangeurs comme refuges, cela existe chez nous, sous le périphérique ou tout près. Le SAMU social, des unités spéciales de la police, et d’autres institutions ou associations patrouillent tous les matins, toutes les nuits pour apporter… ce qu’ils peuvent.

    Il y en a aussi qui font leur coin derrière la glissière de sécurité, s’il y a un talus et un peu d’herbe.

    Ils ne mangent pas nos cotisations sociales puisqu’ils fuient, le plus souvent, les soins médicaux, et que leur espérance de vie est bien en deça de l’âge de la retraite.

    Certains s’installent sous les ponts, à l’ancienne : vue imprenable sur les péniches. Il y a quelques années, à l’occasion de je ne sais plus quelle visite officielle, Bertrand Delanoé les avait fait virer avec leurs cabanes. A Paris, il n’y a pas de pauvres !

    http://www.libellus-libellus.fr/article-2009-2008-2007-le-devoir-de-memoire-43020781.html

    Il est où, Bertrand ? Oh, moi, la politique…

  11. Un auteur que je ne connais pas. Une description de l’envers du décor du rêve américain. Je me laissreai bien tenter.

  12. Grominou dit :

    Bigre, à lire le premier paragraphe j’étais certaine qu’il s’agissait d’une dystopie!

    Si tu veux en lire un autre du même, j’ai beaucoup aimé The Darling, qui se déroule en grande partie en Afrique.

  13. gambadou dit :

    J’aime l’écriture de cet auteur. Le thème est assez spécial… à voir

  14. Suzanne dit :

    Dans ma pal;e et à lire bientôt. Très beau billet.

  15. Alice dit :

    Je ne connais pas du tout cet auteur mais ton billet me donne envie de lire ce livre

  16. Eléa dit :

    Je me réjouis de le lire, vu à la fnac l’autre jour mais j’ai hésité, par contre la couverture est magnifique avec ce lézard tout en couleurs.

  17. Theoma dit :

    sacrément perturbant en effet… A un tel point, toujours pas écrit de billet. Il me hante !

  18. Pascale dit :

    J’ai vu un reportage un jour sur cet endroit sous ce pont. Effrayant. Ce livre me tente bien.

  19. keisha dit :

    Un très bon roman, tu as raison, j’en ai lu les 2/3, et j’ai dû rendre le livre à la bibli, maintenant j’attends pour connaitre la fin… Grrr!

    Le personnage du Professeur est plein d’ombres aussi, je l’aime!

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