La déesse des mouches à feu

mouches à feuDans les années quatre-vingt-dix à Chicoutimi, Catherine vient de fêter ses quatorze ans – l’âge où on a le droit d’aller trainer derrière le centre commercial, de zoner avec sa gang d’amis, d’échapper à l’influence de parents devenus bien peu intéressants, de passer ses soirées à boire dans des “campes”, d’avoir un chum ; l’âge enfin de toutes les expériences…
De prime abord, ce roman peut faire peur. La langue est rugueuse, populaire, idiomatique, dans le plus pur style de ce que David Lodge appelle le skaz adolescent – un récit à la première personne reproduisant le vocabulaire, la syntaxe et le rythme de la langue parlée. Ce procédé – quand il est réussi, ce qui est le cas ici – donne au propos une authenticité, une puissance étonnante l’élevant pratiquement au rang de témoignage symptomatique d’une époque ou d’un état psychologique.  Ajouté à un propos souvent dérangeant, le résultat pourrait apparaitre excessif pour ne pas dire glauque. Mais derrière la vie sans dessus dessous de Catherine, sa cruauté, son égoïsme abyssal, son langage cru et ses expériences trash, affleure sans cesse une certaine naïveté, une vulnérabilité somme toute assez enfantine – faite d’apparence, de solitude et de désir de succès amoureux ou autre. Et c’est précisément cette dualité – tellement adolescente – qui  donne à ce roman sa fraicheur et son intensité. On s’inquiète pour Catherine, on lui souhaite de passer cette étape sans trop se blesser, on tremble un peu dans l’absolu aussi car tous ces jeunes se mettent en danger avec une inconscience qui fait frémir et des résultats parfois tragiques – et même si finalement il se passe relativement peu de choses dans cette histoire, on est accroché et bien accroché.
Quant au final – une catastrophe bien réelle et qui a laissé des traces au Saguenay – il clôt magnifiquement l’année de Catherine – à la veille de son quinzième anniversaire, apparaissant symboliquement comme un cataclysme purificateur, l’annonce d’un changement, d’un passage accompli. Décoiffant !
La déesse des mouches à feu – Geneviève Pettersen – 2014 – La Quartanier
L’avis enthousiaste de Karine (qui vient du même coin que Catherine et ça c’est un signe)
PS : Pour les français un conseil, attachez bien vos tuques parce que ça parle comme au Saguenay et ça dépayse sec…

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10 réponses à La déesse des mouches à feu

  1. Valentyne dit :

    Bonjour 🙂
    Noté chez Karine et renoté ici 🙂
    Le titre le fait penser à “sa majesté des mouches” un rapport ?
    Bonne journée 🙂

  2. le Papou dit :

    Je veux le lire ne serait-ce que pour comprendre Karine certaines fois 🙂
    Le Papou

  3. Jerome dit :

    J’avais vu l’enthousiasme de Karine mais je me demande si le vocabulaire si particulier de cette région et de ses habitants ne constituerait pas un frein trop important pour moi.

  4. C’est pas la saison des tuques, encore !

  5. Karine:) dit :

    J’avoue que le langage peut surprendre, surtout celui de mon coin! Imagine si vous, français, pouviez entendre l’accent! :)))

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