La septième fonction du langage

7efonctionlangageFévrier 1980, au sortir d’un déjeuner avec Mitterrand, candidat à l’élection présidentielle qui s’annonce, Roland Barthes est renversé par une camionnette devant le collège de France et meurt quelques semaines plus tard. L’accident fait l’effet d’un tsunami dans l’intelligentsia parisienne de l’époque qui se précipite à son chevet par réel intérêt, curiosité, vanité ou – peut-être – pour des raisons plus obscures… Et qui sont donc ces inconnus aux accents divers et aux accessoires mortels qui rôdent alentour, japonais en Fuego, bulgares à parapluies, infirmière trop blonde ? Le pouvoir en place lui-même aimerait bien en avoir le coeur net, alors accident, pur hasard, malveillance ou, pire, complot ?

Vous a-t-on annoncé un roman déroutant ? et bien sachez qu’il l’est et plus encore. Commençant comme un polar allègre teinté de roman d’espionnage, il tourne rapidement au roman d’apprentissage avec la formation de l’improbable tandem de détectives Bayard le flic, Herzog le sémiologue, se mue en uchronie historique – merci wikipédia qui permet de trier le réellement arrivé de l’invention pure jus –  teintée d’érudition bon teint et de règlements de compte sanglants sur fond de philosophie, de politique, de tennis, de linguistique et d’une bonne dose de rhétorique. C’est drôle, c’est enlevé, déconstruit, érudit, surprenant et méchant comme tout, en un mot jubilatoire. J’ai ri comme une bossue tout en apprenant des tas de choses sur Barthes, Jacobson, Derrida, Foucault, Althusser, Kristeva, Sollers et bien d’autres – avoir une fille linguiste a ses avantages, je connaissais le principe de l’énoncé performatif avant d’ouvrir le roman – mais quand tout est dit je me demande quand même ce que pensent certains des personnages réels qui s’ébattent dans ce roman – car beaucoup sont bien vivants, de ce que l’auteur leur fait dire et subir dans ses pages. Sont-ils amusés, vexés, scandalisés, dégoûtés ? Désapprouvent-ils sur le fond, approuvent-ils l’audace dans la forme ? Oui je me demande. Drôle et foutraque!

La septième fonction du langage – Laurent Binet – Grasset 2015

L’avis de Ys tête de lecture qui m’a donné envie

PS : Pour les inquiets, rassurez-vous, l’inspecteur Bayard étant des plus ignorant de tous les sujets sémiologiques, son comparse Herzog est là pour tout traduire – qui est qui, qui dit quoi et ce que cela peut bien signifier, se métamorphosant pour l’occasion en détective-décodeur façon Guillaume de Baskerville lui-même hommage d’Umberto Eco – grand sémiologue –  à Sherlock Doyle… mises en abime et clins d’oeil littéraire, comme il se doit dans un roman qui traite finalement du pouvoir des mots.

PPS : J’ai l’impression (à tort ou à raison) que l’auteur partage avec moi une certaine prédilection pour le bon Umberto, présent dans le roman mais étonnamment épargné par sa verve.

c'est la rentrée

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30 réponses à La septième fonction du langage

  1. keisha dit :

    3ème billet tentateur, la tension monte… ^_^

  2. Eva dit :

    Il ne me disait rien, mais après tous ces billets plutôt jouissifs, je suis plus qu’intriguée!
    à tenter, ne serait-ce que par curiosité!

  3. J’ai adoré ! Comme toi, j’ai ri, franchement ri, et, même si je suis un peu familière de ces notions de par mes études, c’était une révision fort rafraîchissante !

    • yueyin dit :

      Je ne sais pas si tu es d’accord mais il y avait du règlement de compte à ok corral parfois, je ne voudrais pas spoiler mais enfin la punition lors du défi au grand Protagoras m’a semblé euh… particulière 😀

  4. Tiens tiens… Où as-tu trouvé que Roland Barthes s’était jeté sous une camionnette après un déjeuner bien arrosé avec François Mitterrand ?

  5. Framboise dit :

    Commandé aujourd’hui ! Encore un billet bien trop tentateur 😉
    merci pour ce joli billet <3 vais aller rigoler un peu hein dans cette affreuse rentrée voilà exactement ce qu'il me fallait 😉
    mille bises et mojitos (oui aujourd'hui g aussi grand besoin de mojitos même en début d'après midi !!!)

  6. Il est dans ma short list ! Je sens que je vais prendre mon pied et j’ai hâte de voir la Grande Librairie de jeudi !

  7. Mais qui oserait s’attaquer à ce cher Umberto ?

  8. Jerome dit :

    Je viens d’être tellement dérouté par ma dernière lecture que je vais attendre un peu, mais on sent à quel point tu as été emballée 😉

  9. Karine:) dit :

    Je veux, je veux, je veux.
    Comme tut peux t’imaginer!

  10. Theoma dit :

    Le sujet me tente un peu, pas assez pour passer à l’acte. Trop de choix, c’est vraiment une drôle d’idée la rentrée littéraire.

  11. serialecteur dit :

    Surtout drôle, et une nostalgie d’un autre temps …

  12. noukette dit :

    Si c’est foutraque, je prends !! 😉

  13. Le Papou dit :

    Je me demande si je vais tout comprendre ou si je devrais retourner aux études ??
    Le Papou

    • yueyin dit :

      Oh oui, ça se comprends très bien puisque le policier qui n’est pas linguiste (et même un peu réticent en matière d’intello qui se la pète) se fait accompagner d’un interprète et c’est très drôle 🙂

  14. Stephie dit :

    Ce n’est pas une urgence mais je suis certaine de finir par le lire 😉

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