Le Cercle

le-cercleQuand Mae est engagée par le Cercle grâce à la recommandation de sa meilleure amie, cadre haut placé de l’entreprise, elle croit voir s’ouvrir les porte du paradis. Hier encore elle était coincée dans un poste sans intérêt, d’un service public miteux d’une petite ville ennuyeuse et là voilà membre à part entière de l’entreprise “la plus influente au monde”. En fait de paradis, la réalité s’avère encore plus belle que prévue, car le Cercle qui vient d’absorber le Gafa* au grand complet, offre à ses employés des conditions de travail somptueuses, restauration haut de gamme, salle de sport high tech, fêtes incessantes, matériel de pointe et management hautement bienveillant car le Cercle se veut bienfaiteur de l’humanité en promouvant – grâce à son système TruYou – une transparence sans faille gage d’une sécurité et d’une probité parfaite. Et encore, Mae ne peut prévoir l’ascension fulgurante qui va être la sienne…

Est-ce de la science fiction ? Je crains que non. Le monde du Cercle, c’est déjà demain. Toute les innovations qui nous sont présentées ici et une grande partie de leurs usages sont déjà utilisés, prévus ou en test mais c’est plutôt l’évolution des comportements et des mentalités des utilisateurs – nous, en somme – et les – excellentes – questions que cela pose qui sont prenantes. Certes Dave Eggers n’a guère creusé ses personnages, faisant de Mae l’archétype de la cruche bien conditionnée, une jeune femme intelligente, éduquée même mais aussi imbue d’elle-même que crédule et influençable, et de tous ses personnages des caricatures du même acabit. Mais une psychologie sommaire convient finalement bien à cette simplification à outrance des relations sur une base binaire – j’aime/j’aime pas – ou l’opinion d’une multitude d’inconnus devient l’aune chiffrée de l’estime de soi et le but ultime de la vie même : être aimé à grand coup d’émoticônes. De même le style un peu pesant de l’auteur ne fait que renforcer le côté asphyxiant de l’histoire à mesure que les écrans, symboles d’asservissement s’il en fut, se multiplient dans le bureau de Mae et que l’angoisse du lecteur grandit tandis que ses propres habitudes défilent dans sa tête et qu’il se demande s’il est bien pertinent de publier une photo de son dernier repas sur un ou plusieurs réseaux sociaux car après tout « Les secrets sont des mensonges. Partager, c’est aimer. Garder pour soi, c’est voler ». Big Brother ne fait pas que vous regarder, en fait Big Brother c’est peut être bien vous. Bienvenue dans le totalitarisme inversé* ! Passionnant ET oppressant.

Le Cercle – Dave Eggers – 2014 – traduit de l’anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson – Gallimard – 2016

*Le Gafa, c’est le petit nom pour Google Apple Facebook Amazon les gens, les exploiteurs du big data quoi 🙂
** Théorie du philosophe américain Sheldon Wolin qui voir la domination de l’économique sur le politique  comme constitutive d’une nouvelle forme de totalitarisme.

L’avis de Papillon, Delphine-Olympe et Cuné

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12 réponses à Le Cercle

  1. Etre aimé à grands coups d’emotikon : voici une bonne définition des aspirations que l’on a aujourd’hui ! J’ai trouvé ce roman très pertinent de ce point de vue-là.

  2. “restauration haut de gamme”
    Vu comme ça, j’aime le totalitarisme. Où est le comptoir d’embauche ?

  3. Jerome dit :

    Je n’aime pas les lectures oppressantes, même si j’imagine à quel point le sujet peut être passionnant.

  4. Papillon dit :

    C’est dingue comme ce roman (malgré ses défauts) m’a marquée. J’y pense sans arrêt à ce que l’internet des réseaux sociaux est en train de faire de nous. .. Ce que j’ai trouvé terrifiant chez Mae c’est qu’elle n’a aucun recul sur ce qu’elle vit. Elle ne remet rien en question, même quand on lui explique qu’elle est égoïste de faire du canoë sans en parler à personne. En ce sens, elle n’est plus si caricaturale que ça. …

    • yueyin dit :

      Ah mais tout à fait… il me tourne dans la tête depuis que je l’ai lu, et j’ai mis du temps à trouver comment écrire dessus… ça partait dans tous les sens dans ma tête… je vois tellement de gens sans recul sur les réseaux, qui réagissent à chaud et au quart de tour et je ne te parle pas des leçons de moral qui fleurissent partout (la partie la plus lourde du roman je crois mais tellement crédible 🙂 ) bref c’est très bien vu et comme dit cuné, ça pose les bonnes questions …

  5. Le Papou dit :

    Je ne sais pas si ça me tente, moi et les bidules electromodernes, ça ne fonctionne pas bien. J’ai un nouveau bracelet Bio pour boozté mon entretien physique et je n’arrive même pas à le faire marcher. Triste je suis.
    Le Papou

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