Les vies de papier

viedepapierTout Beyrouthin d’un certain âge a appris qu’en sortant de chez lui pour une promenade il n’est jamais certain qu’il rentrera à la maison, non seulement parce que quelque chose peut lui arriver personnellement mais parce qu’il est possible que sa maison ait cessé d’exister

Aaliyah a soixante douze ans, les cheveux bleus et toute une vie de papier derrière elle. Chaque année cette solitaire par choix, choisit un roman qu’elle apprécie et le traduit en arabe avant de le ranger soigneusement dans un carton et de passer à un autre. Elle s’est donnée des règles, a développé des rituels et ainsi sa vie se passe, plus ou moins confortable en fonction du baromètre, des voisins ou des guerres, dans l’étourdissante virtuosité des mots, des idées, des vies de papier qu’elle traduit sans fin et qui deviennent un peu les siennes, quelque part au coeur de ce Beyrouth qu’elle aime et qu’elle n’a jamais quitté…

La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue.

Il est bien difficile de résister à Aaliyah, son humour, son esprit, son amour des livres – j’ai noté des pages de titres, ses amitiés de papier – ses auteurs favoris s’invitent sans façon au détour de chaque page – sa timidité maladive, son manque de sociabilité, sa fermeté adamantine quand il s’agit de protéger son quant-à-soi. Elle sonne juste Aaliyah, on la croit, on l’accompagne dans ses souvenirs, son enfance un peu cabossée, son mariage désastreux à seize ans, son indépendance soigneusement préservée, sa vie de lectrice boulimique. On a l’impression de la connaitre, on aimerait l’avoir rencontrée. Un plaisir de chaque page, un hymne à la magie du verbe, à recommander absolument. Réjouissant !

Les vies de papiers – Rabih Alameddine – traduit de l’anglais par Nicolas Richard – Les Escales 2016

L’avis de Cuné qui m’a donné envie

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23 réponses à Les vies de papier

  1. BlueGrey dit :

    Ah ah ! Moi aussi j’ai noté des pages et des pages de références ! Et j’en ai même déjà lu certaines, “Exils” de Nuruddin Farah notamment ! 🙂

    • yueyin dit :

      Ah oui ? c’était bien ? J’ai trouvé les boutiques de cannelle de Bruno Schulz et Austerlitz de W G Sebald (dont je n’avais jamais entendu parlé) mais il y a plein d’autres titres qui me tentent 🙂

      • BlueGrey dit :

        Oui ! Vraiment bien ! C’est l’histoire d’un homme qui, après 20 ans d’exil, revient en Somalie. Mais il réalise vite qu’il a perdu le mode d’emploi de cette Somalie déchirée par la guerre civile… C’est un beau roman, bien écrit, qui permet aussi d’en apprendre plus sur l’histoire récente de la Somalie.

        Et moi aussi j’ai fait plein de découvertes d’auteurs dont je n’avais encore jamais entendu parlé… Plein de belles lectures en perspective ! 🙂

  2. Aifelle dit :

    J’ai beaucoup aimé ce livre, Aaliyah est le genre de personnage que l’on aimerait rencontrer dans la vie .. et j’ai été bluffée par la connaissance pointure de la littérature de l’auteur.

  3. keisha dit :

    Je lis ton billet, et j’ai encore plus envie de découvrir ce livre (emprunté sûrement par des gens de la bibli -ils ont le droit- mais ça dure)

  4. Un chouette roman dont je regrette qu’on n’en ait pas plus parlé !

  5. Il sera lu en 2017, promis! 🙂 Il est sur la liseuse, mais la nouveauté pousse toujours le vieux…

  6. Karine:) dit :

    Tiens, je ne connaissais pas du tout. Si tu dis que c,est réjouissant et que ça parle de livres… comment résister!

  7. Megan dit :

    Ce roman me semble magnifique.

  8. Papillon dit :

    Beaucoup aimé aussi (mais pas fait de billet), j’ai noté plein de références littéraires à découvrir.

  9. bladelor dit :

    Comment résister après pareil billet ?! Je note de ce pas…

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