Sire Gauvain et le chevalier vert, comme son nom l’indique, fait partie de la vaste matière de Bretagne ou du cycle arthurien comme il vous plaira de l’appeler. C’est un poème en vers allitératifs, comme beowulf mais en moyen-anglais, datant de la fin du XIVe siècle. Voyez comme c’est beau et déjà bien plus compréhensible que le dit-Beowulf :
SIÞEN þe sege and þe assaut watz sesed at Troye,
Þe borȝ brittened and brent to brondeȝ and askez,
Þe tulk þat þe trammes of tresoun þer wroȝt
Watz tried for his tricherie, þe trewest on erthe:
Évidemment tout est relatif et d’ailleurs je l’ai lu en français. Mais revenons en à l’histoire, un jour de l’an neuf où Arthur et ses braves chevaliers baffraient gentiment, surgit un chevalier immense tout de vert revêtu jusqu’à sa barbe et le poil de son cheval. Le visiteur lança au roi un défi, relevé par le très brave Gauvain, il s’agissait de lui porter un seul coup sans qu’il esquisse le moindre geste de défense et de gagner ainsi l’énorme hache chamarrée de vert qu’il tenait en main. En échange, Gauvain s’engageait à le retrouver où qu’il soit un an jour pour jour plus tard pour se soumettre à la même épreuve. Gauvain trancha d’un unique coup la tête du vert provocateur, mais celui-ci n’en parut pas prendre ombrage, la ramassa, la cala sous son bras et repartit d’où il était venu, non sans avoir rappelé sa promesse à son vainqueur du jour. A la Toussaint suivante, Gauvain fit ses adieux et s’harnacha de rouge et d’or pour entamer la quête qui devait le conduire à un sort qu’il imaginait funeste…
Et oui c’est le genre de l’époque, une quête impossible, un courageux chevalier qui ne sait dans quoi il s’engage, des cavaliers qui partent muser à cheval (pauvres bêtes) en armures complètes, de lourdes parures étincelantes de pierreries diverses (mais assorties, vertes pour le chevalier mystérieux, rouges pour Gauvain), des épreuves, des tentations… Tout y est et fort bien mené, j’y ai bien entendu le conte que l’on peu réciter au coin du feu sans jamais lasser son auditoire, mais il y a plus, car ce récit est d’une richesse symbolique extraordinaire. Je ne dirais pas que j’ai compris toute les références loin de là mais cela n’a fait que m’encourager à m’interroger à l’infini (avec Isil, ma très estimée colectrice, nous ne nous en sommes pas privés vous pouvez m’en croire, ça a bavassé sec si j’ose dire). Une fois admis que certains motifs sont empruntés aux traditions celtes, irlandaises et galloises, d’autres aux récits de Geoffroi de Monmouth et de Chrétien de Troyes, antérieurs de deux siècles, le tout fusionnant harmonieusement grâce aux talents du poète, il reste énormément de questions. Au hasard pourquoi les les armes de Gauvain représentent-elles un pentangle (un pentacle si vous préférez) ? L’auteur prend la peine de décrire précisément ce qu’il présente comme un symbole de perfection mais c’est un peu court… Pourquoi cette opposition fortement marquée et soulignée entre le rouge et or de Gauvain et le vert et or du chevalier mystère ? J’ai bien sûr quelques théories sur la question, le rouge et or, en plus de Gauvain, est souvent associé à Arthur (trois couronnes d’or sur fond de gueule) et toujours à aux Plantagenêt (de gueule aux léopards d’or) ! De là à y voir un maillon de la chaine forgée depuis Henri II (Plantagenêt suivez un peu) pour relier la dynastie normande au légendaire Arthur, il n’y a qu’un pas. D’autant que le poème se termine par un “honni soit qui mal y pense” tonitruant (quoique peut être tardif) alors même que les chevaliers de la table ronde décident de tous porter, en souvenir des épreuves de Gauvain, la même écharpe verte. Quelques décennies après la fondation de l’ordre de la jarretière par Edouard III, cela prête à penser. Je pourrais aussi vous livrer quelques unes des réflexions qu’ont suscitées chez moi les scènes de séduction entremêlées de scènes de chasse mais je risquerais de m’étaler indéfiniment. Disons juste que c’est un poème épique, magnifique, d’une richesse incroyable, une des premières oeuvres littéraires en langue anglaise, mettant en scène un des plus célèbres chevaliers de Camelot*, qu’il existe une traduction en anglais moderne de JRR Tolkien (oui il fallait que ce fut dit) et qu’en un mot comme en cent, j’ai terriblement aimé. Mythique !
Sire Gauvain et le chevalier vert – (sir Gawain and the green Knight) – Anonyme – XIVe siècle – traduction française de Juliette Dor – 10/18 bibliothèque médiévale – 1993
* et chevalier chouchou de dame Isil ainsi qu’elle nous l’a récemment avoué hors micro…
L’avis d’Isil mon inestimable copassionnée en arbres et lectures étranges que je remercie encore pour ce très beau cadeau.
Oh quel beau billet! Tout pareil, et je n’en suis même pas surprise 🙂 J’ai oublié de dire que c’était magnifique. Il faut le lire, c’est magnifique, voilà c’est fait.
(cafteuse^^)
voui voui voui je cafte, maintenant que je sais que tu as un chouchou hein :-))))) Magnifique il est !!!!
Je le lirai m’âme Yue Yin , je le lirai que le cric me croque mais je le lirai. Quand est une qutre question ?
ah voilà trop de livres, trop de livres !!!
S’est amélioré le Gauvain, depuis la dernière fois que je l’ai vu… Ah mince, c’était dans Kaamelott! ;))
ah oui… bon il était encore jeune à l’époque :-))))
Et tu ne l’as pas lu dans la traduction de Tolkien ? Je m’étonne
Un jour viendra :-)))
Il y a quelques années en Angleterre, j’avais trouvé cette histoire sous forme de livre jeunesse magnifiquement illustré … je crois que je vais me contenter de cette version 😉
petite joueuse 😀
Ouf j’ai cru l’espace d’un instant que tu ne l’avais pas lu en français!
Ahem… pour l’instant si quand même :-))) mais je vais le lire en anglais, peut être pas encore en moyen anglais par contre quoique…
Ze zagen er ook in het echt geweldig uit, deze sctjrfhies. Ik zag je gisteren in Assen en kocht de paperstacks van je. Ik ga er heerlijk mee aan de slag. Ik kom je volgen, wat heb je een leuke blog.