Mauvais sang

Difficile semaine pleine de futiles virus et de tristes fatigues, mais après tout c’est de saison… J’émerge suffisamment pour continuer mes dimanches avec mon très aimé Arthur (joli prénom Arthur).

(…)
Le sang païen revient ! L’Esprit est proche, pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas ! l’évangile a passé ! l’évangile ! L’évangile.
J’attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité.
Me voici sur la plage armoricaine. Que les villes s’allument dans le soir. Ma journée est faite; je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l’herbe, chasser, fumer surtout; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, – comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.
Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l’oeil furieux: sur mon masque, on me jugera d’une race forte. J’aurai de l’or : je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. Je serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé.
Maintenant, je suis maudit, j’ai horreur de la patrie. Le meilleur, c’est un sommeil bien ivre, sur la grève.

(…)

Arthur Rimbaud
Une saison en enfer
1873

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