L’aliéniste

alieniste.jpg New York 1896, des meurtres d’enfants sont mis en scène de façon aussi spectaculaire qu’horrible. Personne cependant n’envisage de mener une quelquonque enquête. Les victimes étaient des prostitués et la bonne société américaine préfère ignorer leur existence. Révolté par cette hypocrisie, le préfet de police, Théodore Roosevelt, fait plus ou moins secrètement appel à un enquêteur d’un nouveau genre, médecin aliéniste féru de méthodes scientifiques et professant des théories très impopulaires sur le crime et les criminels.

Ce qui frappe tout d’abord dans ce roman, c’est le cadre… Ce New York de la fin du XIXe siècle qui explose sous la pression constante de l’afflux d’immigrants en provenance de toute l’Europe. La futur grosse pomme est grouillante, chaotique, corrompue, encore plus difficile à maîtriser que le Londre tentaculaire de la période victorienne. La pègre et l’industrie s’y disputent en marge des autorités officielles un pouvoir occulte mais de plus en plus puissant. L’ambiance rappelle assez le film de Scorcese “Gang of New York” qui m’avait déjà fait prendre conscience de mon abyssale ignorance de l’histoire américaine.

Ensuite ce sont les personnages qui séduisent et bien sûr l’enquêteur principal Lazlo Kreizler. Sous une apparence assez austère de scientifique rigoureux, se dissimule un homme d’une grande humanité, motivé par la compréhension de ses semblables et l’aide qu’il peut leur apporter. Son équipe est constituées de personnages bien typés, attachants, souvent drôles, et les relations foncièrement égalitaire que l’aliéniste instaure entre lui et ses associés est pour beaucoup dans l’affection et le respect qu’il suscite autour de lui… et chez le lecteur.

L’enquête enfin est fascinante. Kreizler croit au contexte, à l’influence du milieu et de l’histoire personnelle sur le développement de l’individu. En accumulant les informations sur le tueur, il dessine peu à peu son portrait psychologique pour comprendre son histoire, percer ses motivations et anticiper ses actions. De telles idées sont à la fois très novatrices et extrèment dérangeantes à une époque où l’existence de problèmes sociaux est souvent niée. La “bonne” société, celle des puissants, préfère se raccrocher à un déterminisme rassurant plutôt que d’accepter une once de responsabilité dans la genèse des monstres qui hantent ses rues. La municipalités, la police mais aussi les autorités religieuses et d’autres encore vont tout mettre en oeuvre pour saboter l’enquête, préférant des meurtres impunis à une solution qui mette en danger l’idée qu’ils se font d’eux-même et de la société en général.

Plus qu’un polar un bijou effrayant d’actualité serti dans un écrin XIXe, superbe !

Un grand merci à Gaelle pour m’avoir donné envie de découvrir ce roman et cet auteur
L’aliéniste – Caleb Carr – 1994 – Presse de la cité (traduit de l’anglais par rené baldy et jacques martinache 1995)

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