1931, dans une Mandchourie sur le point de sombrer dans le chaos mais qui tente désespérément de l’ignorer, une jeune chinoise entre deux mondes et un soldat japonais prisonnier du sien se croisent le temps d’une partie de go. Leurs deux voix s’accompagnent, se mèlent parfois, divergent souvent, racontent un même temps mais pas forcément la même histoire.
La jeune narratrice fille d’un couple moderne pour l’époque se débat pour donner du sens à un monde qui est en train de disparaître. Elle voit, comme tout le monde, les signes anonciateurs de la fin à mesure que l’armée japonaise avance puis occupe le pays. Mais comme la plupart des gens, elle tente de vivre comme si rien de tout cela n’existait, comme si d’autres ne s’étaient pas engagés dans un combat sans merci, comme si les lendemains et les projets avaient la moindre chance d’avoir une importance.
Le jeune soldat assume imperturbable le rôle qui lui est dévolu, brisé et figé à force de discipline dans le carcan d’une tradition qui l’oblige à cautionner des actes qui le révulsent secrètement. Lorsqu’il entame sa partie de go sur la place des mille vent, il croit en sa mission, la supériorité de son pays et le bien-fondé de son action mais ce qu’il a vu de la guerre l’a profondément troublé.
Tandis que le monde qu’ils connaissent s’écroule autour d’eux, tous deux apprennent à se découvrir bien au-delà des apparences et des secrets, sans même en avoir réellement conscience. Le Go ne revèle-t-il pas l’âme de celui qui joue ?
Je me suis laissé prendre par ce récit et ces personnages si impuissants face à leur histoire. La narration alternée permet de percevoir autrement leur différence de culture, d’aspiration, de maturité aussi et cette étonnante conjonction autour de ce très ancien jeu de stratégie, aussi ancien que l’histoire d’amour et de haine qui lie leur deux pays. Prenant !
La joueuse de go – Shan Sa – Grasset – 2001


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