La passe dangereuse

Hong kong 1925, Kitty, jeune anglaise frivole, a épousé faute de mieux un chercheur en bactériologie. Quelques années de mariage n’ont fait que l’éloigner de ce mari trop sérieux, qu’elle méprise de surcroit  pour son manque d’entregent social. Elle se lance donc à corps perdu dans une idylle aussi romantique que sensuelle avec un notable du cru qui flatte à la fois son besoin d’attention et sa vanité. Surprise quasiment en flagrant délit d’adultère, elle se voit offrir par son mari un marché aussi tortueux qu’incompréhensible pour elle. Soit elle subit un divorce à ses torts, ce qui lui ferait tout perdre et surtout sa position sociale, soit elle le suit dans une ville de l’intérieur de la Chine où vient de se déclarer une épidémie de choléra. Faussement magnanime, il lui propose finalement de renoncer à ce choix si son amant promet de divorcer pour l’épouser. D’abord soulagée, Kitty se rend vite compte que l’amant en question n’a nulle intention de quitter une épouse à laquelle il doit sa propre situation et sa fortune. Prenant pour la première fois conscience de la profonde solitude à laquelle l’a cantonnée la superficialité de ses relations, kitty se résout la mort dans l’âme à accepter un voyage qui la térrifie. Cette expérience traumatisante changera profondément sa vision du monde, des hommes mais aussi des liens qu’ils peuvent ou non tisser entre eux…
Ce roman a été pour moi une très belle découverte. L’écriture limpide, précise esquisse avec peu de mots et une déconcertante aisance des décors étonnament vivants, des caractères complexes et une histoire extrèmement subtile dont la richesse se révèle dans les différents niveaux d’interprétation.
Certes les personnages ne sont guère attachants. Kitty est une péronnelle égocentrique, Walter le mari est une sorte de brute psychologique, l’amant un fat sans épaisseur, les autres à l’avenant…  Mais ce qui frappe dans ces personnages c’est avant tout, leur totale incapacité à communiquer. Au bout de deux ans de mariage, Kitty et Walter sont aussi étrangers, l’un à l’autre qu’au jour de leur rencontre : elle est totalement incapable de comprendre ses réactions et il semble tout aussi incapable de saisir sa pensée. Jamais ils ne se sont parlé, jamais ils n’ont fait l’effort de s’intéresser à l’autre, côte à côte ils ont vécu en totale incompréhension.
En ceci d’ailleurs ils ne font que reflèter le monde qui les entoure. Ce monde “colonial” où les anglais vivent à côté d’un peuple qu’ils méprisent la plupart du temps, pour qui ils éprouvent de la compassion parfois mais que jamais au grand jamais ils ne cherchent à comprendre.
Le personnage de Waddington, en ce sens est intéressant, car seul occidental de l’histoire à parler chinois et à tenter de comprendre ce pays et ses habitants, il est aussi le seul à comprendre ce qui se passe entre Kitty et Walter et à pouvoir dans une certaine mesure les aider. Il représente pour Kitty, une toute nouvelle expérience relationnelle, fondée non sur l’apparence et une satisfaction toute sociale mais sur la compréhension.
Enfin, il m’a semblé que derrière cette analyse très fine de la difficulté de nouer de vraies relations dans un cadre social trop rigide, derrière cette peinture peu flatteuse de l’attitude de ces expatriés anglais face aux tenants d’une autre culture, se dissimule une critique acide d’une société infiniment superficielle ou l’intelligence est moins prisée qu’un noeud de cravate bien noué et où la compassion tient lieu de vertu quand elle peut s’appliquer à distance. Profond et subtil !

Les avis de Choupynette, Lilly  ,

La passe dangereuse (the painted veil) – William Somerset Maugham – 1925

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