A quoi pouvait bien ressembler une journée du roi soleil ? Quelles pensées pouvaient bien l’agiter alors qu’il se pliait, impavide, aux étonnants rituels de son lever ou de son coucher ? A vrai dire la question est mal posée car de quelle époque parlons-nous ? Nous nous représentons volontiers Louis XIV installé dans la splendeur de Versailles, certes, mais il avait 44 ans quand il pu s’y installer et régnait déjà depuis plus de 20 ans.Philippe Beaussant, suivant pas à pas l’horaire d’une “journée ordinaire” du roi, s’attache ici à décoder pour nous tant les rituels eux-mêmes et la significations qu’ils revêtaient au XVIIe que les projections faussées, figées souvent fautives toujours partielles que nous avons de l’histoire en général et de Louis Dieudonné en particuliers.
Tout y passe, depuis sa nourrice qui fut la première à le “baiser” le matin tant qu’elle vécu – mais qu’est-ce qu’une nourrice au XVIIe et pourquoi occupe-t-elle une telle place – jusqu’à son coucher officiel dans la chambre d’apparat où il ne dormait pas, en passant par les consultations médicales du jour – Louis n’aimait guère les médecin, ce qui permit à un des valets de sa chambre, Molières, de les épingler lestement, le vêtement, la messe quotidienne, les repas, la danse, la promenade… Chaque étape donne lieu à des digressions plus ou mois longues mais toujours passionnantes sur la signification d’un geste, d’une situation ou d’un mot et sur la façon dont les hommes du grand siècle les comprenaient.
Ainsi des potages – quand on lit que le repas du roi commençait par deux grands potages et quatre petits, rien d’inquiétant – mais si on se replace dans le vocabulaire du temps où le potage est ce qui cuit dans un pot, on en vient à le voir s’attaquer à six plats de viandes bouillies de type pot-au-feu… Cela avant d’entamer les entrées.
Ainsi de la danse, où l’auteur montre de façon lumineuse comment durant le règne du roi soleil, le ballet de cour est passé d’un divertissement que la cour se donnait à elle-même à un spectacle de professionnels, prélude de l’opéra que nous connaissons, dont la noblesse de cour se faisait simple spectatrice. Impressionnant reflet de la façon dont il écarta cette même noblesse des charges de l’état.
Dans une écriture d’une grande élégance, à la fois simple, précise et imagée, Philippe Beaussant nous entraine dans les profondeurs des mentalités du XVIIe siècle. Érudit comme un essai, agréable comme un roman, lumineux et même drôle, un morceau de roi !
Le roi-soleil se lève aussi – Philippe Beaussant – 2000 – NRF Gallimard (2002 – Folio )


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