Anna Bravo est une femme de tête et de raison, âme damnée d’un ministre ambitieux prêt à toutes les démagogies pour atteindre la magistrature suprême. Dans sa vie ancrée dans le réel et réglée au millimètre, les miroirs ne sont que des instruments propres à vérifier d’un coup d’oeil l’ordonnance de la chevelure ou le tombé de la veste. Très tôt, sa grand mère l’avait mise en garde contre le pernicieux danger des apparences symbolisé par le miroir : ce vrai cul du diable ! Un raoût mondain va venir semer le trouble dans ses certitudes, la faisant contre toute attente tomber sous le charme d’un étrange miroir qui lui renvoie une image d’elle même totalement différente de celle dont elle a l’habitude…
Ce roman étonnant et décalé est un véritable régal de lecture. Le style est somptueusement incisif alliant un vocabulaire d’une richesse exceptionnelle à un sens de la formule percutant. Les personnages d’Anna et de Noël, son ministre, sont d’une finesse frisant la cruauté pure, matinée d’une causticité réjouissante. Quant à l’histoire, elle propose une méditation à tiroirs sur l’image et l’apparence aussi féroce que subtile. Accessoirement, vous ne regarderez plus votre brosse à dent du même oeil. Véritablement hors du commun !
Le vrai cul du diable – Percy Kemp – 2009 – Le Cherche Midi, collection “Styles”
Le (bien meilleur) billet de Cuné qui m’a donné envie de lire ce bijou et que je remercie à deux genoux!
Un petit extrait pour une fois et pour le plaisir
“On pourrait certes croire qu’entre ce démagogue à l’athénienne et cette princesse lacédémonienne, cela aurait été la guerre du Péloponnèse assurée. Mais non. Anna et Noël étaient différents, mais ils se complétaient idéalement. Sans Noël, Anna se morfondrait dans quelque obscure préfecture et, sans Anna, Noël aurait déjà croulé sous le poids des fausses promesses qu’il distribuait à tour de bras. Il pouvait mentir à ses électeurs, aux élus de la nation, à ses homologues étrangers, à ses collègues du gouvernement et même au président, mais il ne pouvait s’éloigner d’un certain fond de vérité. il revenait donc toujours vers Anna pour puiser auprès d’elle tous ces faits, toutes ces statistiques et tous ces chiffres neutres et malléables à souhait qu’il s’en allait ensuite déformer et détourner. On pouvait, disait Lincoln, mentir à tout le monde un certain temps et à certains tout le temps, mais on ne pouvait pas concluait-il judicieusement, mentir à tout le monde tout le temps et Noël avait justement besoin d’Anna pour savoir jusqu’où il pouvait aller dans le mensonge, sans se disqualifier.”


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