2009 sera l’année des classiques ou ne sera pas… certes ! C’est bellement dit, merci Caro(line), merci Fashion mais lire des « classiques » c’est une chose, écrire autour en est une autre et je me sens comme toujours très démunie au moment de rédiger un billet sur un tel roman.L’avantage est que la trame est bien connue ; Constance, jeune femme éduquée de la bonne société, s’étiole auprès d’un mari impuissant et aigri. Elle retrouve peu à peu le goût de la vie dans les bras du garde-chasse de son époux. Horreur, malheur, quoi de plus choquant en 1928 que ces scènes de sexualité épanouissantes et, pour l’époque, explicites entre une femme de bonne famille et un homme socialement inférieur? Le roman, interdit pour obscénité pendant plus de trente ans, ne sera publié intégralement qu’en 1960 après un procès retentissant ou témoignera entre autre E. M. Forster.
Je serais bien en peine d’analyser un tel livre et du reste cela a déjà été fait souvent et fort bien mais je peux parler de ce qui m’a particulièrement frappée. Et tout d’abord du fait que j’ai enfin compris certaines allusions rencontrées au détour de livres ou de films et qui m’avaient échappé sur le moment. Voilà un des grands avantages de lire des classiques ; savoir que l’héroïne du film d’Adrian Lyne, Infidèle, se prénomme Constance avec raison n’est peut être pas essentiel mais ajoute au plaisir (récemment j’ai été soufflée en lisant que Stendhal disait destiner ses romans aux Happy fews qui pouvaient les apprécier, inculte que je suis ! mais je digresse).
Ensuite j’ai bizarrement beaucoup pensé à Tolkien au cours de cette lecture (inutile de ricaner, merci !), l’opposition systématique voire méthodique que Lawrence stigmatise entre la modernité vue comme industrielle, abêtissante, deshumanisante et un monde traditionnel organique et sensuel m’a continuellement ramenée à Tolkien et à l’affrontement nécessaire et désespéré qu’il met en épopée entre les flammes destructrices de l’industrie et une tradition de nature et de fécondité. Liée aux bouleversements sociaux de l’Angleterre de l’après grande guerre, cette opposition est au coeur du roman de Lawrence. Constance et Mellor, les amants revivent en acceptant leur nature sensuelle au milieu des bois – ce renouveau de la vie culminant avec la conception d’un enfant dont Connie refuse de faire endosser la paternité par son mari. En parallèle inversé, lord Chatterley, personnage tout aussi symbolique et assez terrifiant, se découvre une vocation active de capitaine d’industrie et devient toujours plus desséché, plus pervers, moins humain, dévirilisé par cette activité plus encore que par sa blessure de guerre.
Le style est particuliers, je ne surprendrai personne, dense, exigeant souvent répétitif, il ne se laisse pas oublier. L’auteur développe à l’envie ses théories sur la littérature, le mariage, les femmes, le sexe, l’argent que sais-je encore ? Et si ses propos sont parfois surprenants, agaçants ou même choquants, ils sont toujours pleins d’intérêt mais de ce fait, entrer dans le roman demande un certain temps, ensuite… tout va bien. Stimulant !
L’amant de lady Chatterley – D. H. Lawrence – 1928 – traduit de l’anglais par Frederic Roger-Cornaz
PS : la traduction pose d’ailleurs une vraie question, celui de l’usage que fait Mellor de l’alternance entre rugueux patois et anglais correct et que le traducteur a choisi de ne pas traduire. Je comprends ses raisons mais cela alourdit passablement le style car il est obligé de signaler systématiquement chaque changement de registre.


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