La difficulté pour moi qui aime la science fiction et la fantasy sous toutes ses formes et depuis longtemps, c’est de trouver du nouveau, d’être étonnée. Oh cela ne m’empêche pas d’apprécier de nouveaux romans. Avec les mêmes ingrédients, on peut composer des tas d’histoires différentes, mais… et la surprise, le dépaysement dans tout ça ? Et bien si vous aimez être dépaysé, bienvenue à Nouvelle-Crobuzon !
Yagharek, le garuda au corps d’homme ailé mais à la tête et aux serres d’aigle, a traversé mers et monde pour trouver celui qui lui rendra le vol. Au lointain Cymek déjà, il a entendu parler d’un savant génial de la ville de Nouvelle-Crobuzon : Isaac Dan der Grimnebulin, suffisamment fou peut-être pour réussir l’impossible.
Isaac vit un amour tabou avec Lin, la Khépri au corps de femme et à la tête scarabe. Sa passion de la science le pousse à accepter l’offre de Yagharek. Pour "la science" il peut aller très loin, trop peut-être. Lin est une artiste. Son espèce peut métaboliser une salive modelable et elle en fait de sublimes sculptures. Pour l’art elle a rompu avec son espèce, pour l’art elle peut aller très loin, trop peut-être. Derkhan leur amie à tous deux est journaliste, c’est aussi une passionaria, une activiste. Pour lutter contre le pouvoir totalitaire et corrompu de Nouvelle-Crobuzon, elle peut aller très loin, trop peut-être.
En étudiant le vol, Isaac libère involontairement sur la ville un cauchemard ailé
auquel nul ne semble pouvoir faire face. Les autorités font même appel à la fileuse. Une araignée qui danse sur plusieurs plans d’existence et pour qui la réalité est une toile qu’elle doit rendre esthétique. Pour sauver leur ville, la grouillante, laide, déliquescente Nouvelle-Cobuzon et sa population multiforme, Isaac et les quelques marginaux qui l’accompagnent vont franchir des frontières dont ils ignorent l’existence.
Je pourrais aussi vous parler des différentes formes de vies intelligentes qui coexistent dans cette ville, du premier artéfact qui accède à la conscience et crée sa religion de savoir, du système judiciaire pervers qui impose sa marque sur la ville en créant à force de mutilations des sous-castes d’êtres vivants, et de bien d’autres choses encore dont les moindres ne sont pas les fameux êtres qui menacent la survie même de la ville. Mais je crois que le personnage principal de ce roman, le plus abouti, le plus étrange c’est la ville elle-même : Nouvelle-Crobuzon, multiple, pourrissante, corrompue que de multiples lignes de chemin de fer irriguent comme autant d’artères, couvant en son centre la fameuse gare de Perdido Street car les montagne elle-même "ne pouvaient égaler en majesté le chaos de la gare de Perdido. des lueurs scintillaient au fil de sa topographie ferroviaire trompeuse, immense, qui recevait les trains dans ses entrailles comme autant d’offrandes. La tour pointue embrochait les nuages comme un épieu brandi mais elle n’était rien à côté de la gare – un simple ajout de béton flanquant l’immense édifice aux airs de léviathan qui se vautrait dans l’océan de la cité."
Un monde riche, fécond, repoussant, inédit, à la croisé du cyberpunk, du steam punk et de la fantasy avec un soupçon de SF au service d’une histoire accrochante et de "vrais" personnages complexes et atypiques : inclassable, difficile, fascinant, à découvrir…
Perdido Street Station – China Miéville – Pocket fantasy – 2000 – (2003 pour l’édition française) – 969 pages – traduit de l’anglais par Nathalie Mège


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