“Comment ça, privé de livres ?
– Et ce n’est que le début, mon garçon. Tu connais les lettres, les mots et les histoires, tu les connais peut-être trop bien. Alors, pour commencer, tu arrêtes les livres et tu apprends. Tu apprends la forêt, les arbres, les plantes, les feuilles et l’encre. Après, on verra.
– Mais je ne peux pas vivre sans livre !”
Et les fées sont sorties de sous la colline… Non pas les fées des livres d’images, issues d’un temps où le bougeoir était le top de l’équipement high tech, mais des fées d’aujourd’hui, ayant appris des hommes les bienfaits de la technologie, pour peu qu’on la purge de ses allergènes ferreux. Et il est temps que les hommes et les fées se rencontrent si l’on veut – quelle que soit son origine – qu’il y ait encore une terre où vivre, parce que laisser les rênes aux hommes n’a clairement pas été l’idée du millénaire et qu’on ne sera pas trop de tous le monde, mortels et immortels, pour réparer tout ça. Enfin si tout se passe bien et que les hommes surmontent le choc parce que évidemment apprendre que trolls, pixies et licornes peuvent batifoler dans leurs arrière-cours n’a jamais plu aux humains, la magie les déconcerte voilà, mais avec un peu de persévérance…
Techno faerie est ce qu’on appelle un fix-up, un arrangement en somme, une anthologie, un bouquet de nouvelles autour d’un monde où la technologie ayant muté sous la colline, les faes se retrouvent prêtes à faire leur coming-up – arrivée en forme de révélation – à la face de l’humanité dans le but quand même assez clair d’enrayer le désastre écologique en marche. Les nouvelles se présentent sous des formes diverses, explorations initiatiques façon magicien d’Oz, journal intime d’un ingénieur traumatisé (le rationalisme vit des jours difficiles), extrait de journaux ou de manuels d’histoire, chroniques révolutionnaires, Space opéra magiquement modifié… Un arrangement éclectique donc mais qui brosse un vrai portrait de monde, cohérent, dense, bariolé, dans une veine optimiste (ça nous change) même si la magie d’êtres bienveillants ne peut jamais éluder la présence de résistances tout aussi magiques et plus dans la veine des histoires horrifiques d’autrefois. C’est joyeux, coloré, drôle, fort bien écrit et bellement illustré – le dernier tiers du livres est consacré à un très beau glossaire, en images et en couleurs, des différentes fées, classiques et traditionnelles ou récentes et inédites (en tout cas pour moi), signé de noms prestigieux (j’ai un faible pour Caza que voulez-vous) – un bel ouvrages à recommander à tous ceux qui – comme moi – aimerait bien qu’un jour, un lutin (évitons les trolls merci, on les dit bourrus et parfois affamés) vienne leur faire la causette. Chatoyant !
Techno faerie – Sara Doke – 2016 – Les moutons électriques
PS : Vous vous demandez peut être ce que vient faire la citation en exergue. D’abord je l’aime bien, on dirait moi, ensuite et bien ensuite c’est pour vous faire entrevoir que je suis très loin d’avoir résumé tous les thèmes qui foisonnent dans ce bouquin… Car bien sûr il n’y a pas que du mauvais dans l’homme et du bon chez les faes.
PPS : J’avais très envie de lire Sara Doke qui est la traductrice de la magnifique Fille automate de Paolo Bacigalupi (en plus d’être celle d’Ilona Andrews pour ceux qui apprécient la très irrévérencieuse Kate Daniels). Et j’ai bien fait.