Alors que son mari agonise, Elizabeth d’Aulnière, épouse Rolland, respectable mère de 11 enfants, digne fille d’une bourgeoisie des plus aisées, revit les heures les plus orageuses de son passé, celles qui l’ont conduite à épouser le doux, le gentil Jérôme maintenant à l’article de la mort, et peu à peu les souvenirs se transforment en cauchemar…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture de Kamouraska que j’avais intérieurement catalogué comme roman d’une grande passion, a été une vraie surprise. Alors certes, il y a de cela mais c’est loin d’être l’essentiel, et s’il y a bien de la passion dans ces pages, une passion fébrile et cruelle, on ne sait si c’est d’amour qu’il s’agit ou s’il s’agit seulement de cela. Mais ce qui frappe par dessus tout dans ce roman, c’est l’écriture, dense, serrée, fiévreuse, étouffante, qui asphyxie lentement le lecteur à mesure qu’il sombre avec Elizabeth dans ce qui est peut-être un cauchemar, peut-être une hallucination, peut-être la folie.
En lisant l’histoire de cette grande bourgeoise capricieuse et fantasque, pas vraiment sympathique mais marquée par le destin, j’ai souvent pensée à Madame Bovary et j’imagine que ce n’est pas une coïncidence si ce roman est lui aussi tiré d’un fait divers qui scandalisa le Québec au début du XIXe siècle. Oh certes le destin d’Elizabeth n’est pas celui d’Emma mais toutes deux partagent cette sorte de rage désespérée qui les fait se débattre comme des oiseaux affolés, piégés, étranglés par le carcan d’une condition imposée et d’une éducation superficielle et – mais sans doute est-ce inévitable – avec aussi peu de discernement. Un grand roman, magnifiquement écrit et somptueusement noir. Halluciné !
Kamouraska – Anne Hébert – 1970



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