2109, Bruna Husky, techno-humaine de combat reconvertie en détective privé, compte toujours le temps qui lui reste à vivre – trois ans, dix mois et vingt et un jours – enragée par l’inéluctable brièveté programmée de sa vie de réplicante – dix ans pas une heure de plus. Plus pragmatiquement il lui faut assurer le quotidien dans un monde où pratiquement tout se paie – et cher – et trouver une place pour les sentiments liées à sa “mémoire émotionnelle” hors du commun et dont elle ne sait que faire. Jusqu’à ce qu’elle se retrouve responsable d’une enfant plus que difficile échappée de la zone zéro – polluée au dernier degré – et que tout semble se détraquer encore plus qu’à l’habitude.
Le poids du coeur est la suite des Larmes sous la pluie, où Rosa Montero nous faisait faire la connaissance de Bruna, la doublement différente, des humains de part sa nature de techno-humaine, des rep de part sa mémoire inusitée, implantée en catimini par un mémoriste tourmenté. Et le talent de l’auteure est tel que ce roman s’adresse autant aux lecteurs qui la connaisse déjà qu’à ceux qui débarquent, ce qui n’est pas une mince affaire quand il s’agit de camper un monde – et plus précisément celui de Blade runner trente ans après (du film autant que du roman à mon sens – comme cela est d’ailleurs suggéré dans le précédent opus – mais je m’égare) c’est à dire potentiellement du nôtre tel que nous le construisons aujourd’hui. Rosa Montero a dit quelque part que la science fiction offrait une merveilleuse liberté pour explorer et interroger les grandes questions humaines, qu’elles soient philosophiques, politiques ou autres et elle ne s’en prive pas. A travers ces mondes qui se font face, totalitaire, religieux ou démocratico-capitalistes (comment, cela vous rappelle quelque chose ?), à travers le compte à rebours qui cliquète inlassablement dans la tête de l’héroïne, à travers la question de la responsabilité, du vieillissement, de l’engagement, de la pollution, de tant d’autres thèmes encore, qui interpellent tout en trouvant très naturellement leur place dans une intrigue rondement menée entre policier et espionnage. C’est pêchu, efficace, attachant et pour tout dire ce second opus est, à mon sens, encore meilleur que le premier – surtout en terme narratif – que j’avais déjà vraiment beaucoup aimé. J’en redemande. Futuriste !
Le Poids du coeur – Rosa Montero – 2015 – traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse – Metailié – 2016
Les avis de Cuné et de Keisha tout aussi conquises.
PS : Une bien glaçante évocation de la conservation et la protection des déchets nucléaires aussi avec, en appendice, quelques précisions bien actuelles, réelles et flippantes sur les matériaux utilisés par l’auteur dans son roman brrrrrr
PSS : Est-ce que je vous ai dit que j’aimais Rosa Montero d’amour ? Non ? et bien je vous le dis maintenant…
Ce roman entre dans le défi diversité de Lhisbei dans les catégorie 1, roman de SF écrit par une femme, 14, climate fiction, 17, y’a des robots très très au centre de tout, et 20, c’est du transhumanisme à ce niveau voire du post… bon j’enlève les catégorie déjà topées, reste la 1 et une note globale de 11/20, ça avance bien je dirai…


20 réponses à Le Poids du cœur