Sur l’ile de Kvaloya au nord du cercle polaire, c’est l’été et, pour Liv, celui de tous les changements. Sa scolarité terminée, ce serait le moment de réfléchir à sa vie future mais l’énergie n’y est pas, elle préfère trainer dans les prairies pâles, rêver devant sa fenêtre, feuilleter les innombrables livres d’arts que sa mère – célèbre artiste – collectionne. Jusqu’à la première noyade, le moment où tout paru basculer bizarrement dans un entre-deux blanc aux limite de l’irrationnel et de l’angoisse, cet état étrange appelé par les “interminables nuits blanches qui figent l’esprit, causent insomnies et délires extravagants“…
“C’était une fin de nuit calme et claire, sans un souffle de vent, au ciel d’une bizarre blancheur, le genre de nuit qu’on voit dans les vieux livres de contes que Kyrre m’offrait à chaque Noël quand j’étais petite. C’était le monde que, depuis l’enfance, j’en étais venue à considérer comme le surnaturel – non pas le surnaturel des sombres forêts ou des arrière-pays rocailleux où vivaient les trolls, mais la variante romantique, argentée, dans laquelle les garçons rencontrent les jeunes filles fantômes sur la grève, où tout est magnifique et voué à la mort et, en même temps, étrangement rassurant.”
Parler d’un roman de Burnside est toujours un défi, Scintillation, déjà, m’avait à la fois perdue, repoussée et fascinée. Comment rendre justice à cette écriture, puissante et poétique, froide et tranchante comme la lumière blanche dont il nimbe chaque page de ce livre déroutant aux frontières du polar, du fantastique et du roman initiatique. L’esprit de Liv intoxiqué de lumière et d’insomnie navigue aux limites de ses perceptions, de ses obsessions, du temps lui-même, mêlant dans ses rêveries inquiètes sa mère, son enfance, la mer, son île, sa personnalité même. On se laisse happer par l’écriture de Burnside, on erre par les grèves et les prairies blanches et lumineuses, on s’interroge sur les angoisses et les démons de Liv tout droit sortis de ses livres d’enfants, on lit et on relit fasciné par cette puissance d’évocation éblouissante et glaçante, pour un peu l’esprit s’échapperait totalement… vers le nord. Envoûtant !
L’été des noyés – John Burnside – 2014 – Metailié – Traduit (excellemment) de l’anglais (écosse) par Catherine richard
PS : grâce à ce roman j’ai découvert le peintre Sohlberg dont il est abondamment question et dont une des œuvres est la couverture du roman en anglais
Lu dans le cadre du mois kiltissime de la divine Cryssilda


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