Dans la bible ou dans les mythes plus anciens, le Léviathan est un monstre qui symbolise plus ou moins la révolte contre le créateur, quelque chose comme le chaos pour le dire vite où plus médiévalement la bête de l’apocalypse. Pour Hobbes, plus tard, le Léviathan c’est l’État au sens d’un mal nécessaire (oui je résume abusivement), bête à laquelle Alain, au début du XXe siècle, ajoute les masses qui s’y soumettent aveuglement en s’intoxiquant aux médias. Sachant que le roman d’Auster porte en exergue la citation d’Emerson : Tout État actuel est corrompu ; nul doute que son texte embrasse la profondeur symbolique de son titre.
Euh oui voilà voilà voilà, mais de quoi est-il donc question ?
Disons que c’est l’histoire d’un homme qui écrit l’histoire d’un autre homme qui lui-même raconte et se raconte beaucoup d’histoires… une histoire d’écrivains, une histoire bavarde et singulièrement instrospective. Après un premier chapitre plein de promesses, Paul Auster nous emberlificote dans des méandres détaillés de relations amoureuses et amicales censément pleine de conséquences pour la suite de cette fameuse histoire qu’il nous promet sans cesse. Je ne sais plus qui a dit que Auster se conduisait comme le biographe de ses personnages mais Tolkien que c’est vrai. Bref revenons à nos moutons austeriens, au départ donc, et pendant un bon moment, on se demande où il va, ce qu’il raconte et où se cache le fil conducteur de cette supposée histoire dont on ne voit pas bien le sujet. Mais voilà c’est Auster, et bien que nous entretenions (à son insu j’imagine) une relation compliquée faite de hauts et de bas, je dois bien reconnaitre que de talent, il est fort pourvu. Et une phrase en entrainant une autre, on se voit le suivre, continuer (ce qui n’est en rien gagné d’avance avec moi qui abandonne allègrement les lectures insatisfaisantes avec la conscience pure et l’âme en paix,), se laisser porter enfin par cette écriture jusqu’à ce que les choses se mettent bizarrement en place – quand ? on ne saurait dire – et que tout – mais vraiment tout – prenne enfin un sens. Le sens d’une réflexion sur l’engagement, sur l’éthique, sur le sens de la vie (mais si, il y a un rapport avec les Monthy Python, je le prétends), sur la création, littéraire et artistique et sur cette intime cohérence de nos choix, de nos idées et de nos actes qui nous donne ou non l’impression d’avoir vécu. Un livre retors, à la construction serpentine – c’est bien le moins pour ce dragon des mers – qu’on ne peut vraiment reposer qu’après avoir relu le premier chapitre. Impressionnant !
Léviathan – Paul Auster – 1992 – traduit de l’anglais (US) par Christine Leboeuf – Actes Sud – 1993
PS : tssss bien sûr qu’il y a un rapport avec la statue de la liberté…
PPS : Oui avec des explosions aussi…
PPPS : Aller pour le plaisir, car on ne se lasse jamais de l’écriture hallucinée de Jean et puis ne dirait-on pas qu’il cause des GAFA, avouez…
11.Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon.
12. Elle exerçait toute l’autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie.
13. Elle opérait de grands prodiges, même jusqu’à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes.
14. Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l’épée et qui vivait.
15. Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués.
16. Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front,
17. et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. »
Apocalypse 13, 11-17
Je n’ai pas lu ce titre. J’aime Paul Auster même si comme toi, j’ai parfois été déçue… Je n’ai pas lu celui-ci mais tu me fais bien envie.. Je note, mais j’ai avant 4 3 2 1 qui m’attend sur ma PAL…
je dois avoir 4321 qui m’attend qualque part aussi 🙂
J’ai découvert l’auteur avec ce roman qui m’avait passionné.
oui il est vraiment impressionnant 🙂
Moi aussi j’ai découvert Auster avec Léviathan et j’ai été conquise.
tu en as lu d’autres depuis ?