D’un côté il y a Eden, à peine adolescente et déjà durcie au feu de la faim, mâchoires serrées, yeux vigilants, occupée à survivre entre une mère en perdition, des aînés sans tendresse et une petite sœur à protéger. De l’autre il y a Jeanne, en âge d’être sa grand-mère et en plein désespoir d’amour après une rupture trop dure. Entre les deux, un no man’s land de désespoir, là où les mots n’ont ni sens ni objet mais où peut-être – peut-être – deux solitudes peuvent se rencontrer, se reconnaître, et qui sait…
Sur une trame, hélas connue, entre enfance maltraitée et vieillesse solitaire, Charlotte Gingras brode un très joli roman d’une extrême délicatesse – délicatesse des sentiments, ceux d’une jeune fille qui envers et contre toute réalité tente de croire au prince charmant, délicatesse d’un regard, celui d’une femme qui se refuse à juger, délicatesse d’une évocation, celle de la nature dont les recommencements laissent filtrer un filet de lumière, délicatesse du style enfin qui glisse d’une narratrice à l’autre, se moule dans chaque langage, chaque personnalité, jusqu’à les doter chacune d’un visage, d’une personnalité, âpre certes mais attachante. Poignant !
No man’s land – Charlotte Gingras – Druide – 2014



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