Péchés capitaux

PechesCapitaux_Plat1Pour le désormais retraité, ex-inspecteur Sanderson, la vie devrait idéalement se résumer à une très longue partie de pêche dans un cadre aussi tranquille que bucolique assortie de quelques petits plats bien gourmands. Du moins c’est ce qu’il se dit mais peut-être se ment-il à lui-même car bien d’autres tentations le guette à tout instant et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y succombe avec constance. L’alcool, le sexe, un gramme de chantage, deux doigts de goinfrerie et toujours la tentation de se mêler de ce qui ne le regarde guère, comme des affaires de ses encombrants et peu ragoûtants voisins, les Ames. Une famille maudite par la génétique, l’éducation ou la vodka ou tout cela et plus encore, tout ce qui peut faire d’un petit coin perdu du Michigan, une prison infernale ou tout – et surtout le pire –  peut arriver et une source de méditation infinie pour un ex-flic fasciné par les huit péchés capitaux…

Attention, attention, ceci n’est pas un roman policier – il semble que le précédent opus des aventures de Simon Sanderson, Grand Maître, était sous-titré Faux roman policier, et bien il en est de même ici. Oh certes, il regorge de délits en tout genre, il y a des meurtres – plusieurs, de la violence – beaucoup, des coups de feu – énormément, une enquête de police et même un dénouement en forme de révélations/rétributions mais là n’est pas l’essentiel. Péchés capitaux est surtout une longue méditation sur la vieillesse, le regret, l’impuissance – et pas seulement sexuelle, sur ces zones reculés aussi où il ne se passe jamais rien mais où tout arrive et surtout sur la violence, ce huitième péché capital de l’Amérique nourri d’alcool et d’isolement qui obsède Sanderson, à moins que ce ne soit Harrison.

Au chapitre des bémols, la construction est de toute évidence quelque peu chaotique, l’histoire se perd, digresse, revient, divague à nouveau sans que l’on sache trop si l’auteur lui-même sait où il nous emmène et pourtant… Pourtant on continue, porté par la puissance du style peut être ou par un propos bien plus profond qu’il n’y parait. On suit ce drôle de narrateur aux pensées erratiques, pas vraiment sympathique ni très fréquentable mais dont les questionnements sur la vie sont au bout du compte assez fascinants. Baraqué !

Péchés capitaux – Jim Harrison – traduit de l’américain par Brice Matthieussent – Flammarion 2015

PS : J’ai entendu Jim Harrison dire en interview que cela le faisait toujours rire ces gens de la ville qui croient que le fait de vivre loin de tout et au contact de la nature produit forcément des gens biens…

PPS : Du coup j’ai très envie de lire Grand Maître maintenant.

c'est la rentrée

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Croisement

croisement

Croisement – Montréal 2015

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La septième fonction du langage

7efonctionlangageFévrier 1980, au sortir d’un déjeuner avec Mitterrand, candidat à l’élection présidentielle qui s’annonce, Roland Barthes est renversé par une camionnette devant le collège de France et meurt quelques semaines plus tard. L’accident fait l’effet d’un tsunami dans l’intelligentsia parisienne de l’époque qui se précipite à son chevet par réel intérêt, curiosité, vanité ou – peut-être – pour des raisons plus obscures… Et qui sont donc ces inconnus aux accents divers et aux accessoires mortels qui rôdent alentour, japonais en Fuego, bulgares à parapluies, infirmière trop blonde ? Le pouvoir en place lui-même aimerait bien en avoir le coeur net, alors accident, pur hasard, malveillance ou, pire, complot ?

Vous a-t-on annoncé un roman déroutant ? et bien sachez qu’il l’est et plus encore. Commençant comme un polar allègre teinté de roman d’espionnage, il tourne rapidement au roman d’apprentissage avec la formation de l’improbable tandem de détectives Bayard le flic, Herzog le sémiologue, se mue en uchronie historique – merci wikipédia qui permet de trier le réellement arrivé de l’invention pure jus –  teintée d’érudition bon teint et de règlements de compte sanglants sur fond de philosophie, de politique, de tennis, de linguistique et d’une bonne dose de rhétorique. C’est drôle, c’est enlevé, déconstruit, érudit, surprenant et méchant comme tout, en un mot jubilatoire. J’ai ri comme une bossue tout en apprenant des tas de choses sur Barthes, Jacobson, Derrida, Foucault, Althusser, Kristeva, Sollers et bien d’autres – avoir une fille linguiste a ses avantages, je connaissais le principe de l’énoncé performatif avant d’ouvrir le roman – mais quand tout est dit je me demande quand même ce que pensent certains des personnages réels qui s’ébattent dans ce roman – car beaucoup sont bien vivants, de ce que l’auteur leur fait dire et subir dans ses pages. Sont-ils amusés, vexés, scandalisés, dégoûtés ? Désapprouvent-ils sur le fond, approuvent-ils l’audace dans la forme ? Oui je me demande. Drôle et foutraque!

La septième fonction du langage – Laurent Binet – Grasset 2015

L’avis de Ys tête de lecture qui m’a donné envie

PS : Pour les inquiets, rassurez-vous, l’inspecteur Bayard étant des plus ignorant de tous les sujets sémiologiques, son comparse Herzog est là pour tout traduire – qui est qui, qui dit quoi et ce que cela peut bien signifier, se métamorphosant pour l’occasion en détective-décodeur façon Guillaume de Baskerville lui-même hommage d’Umberto Eco – grand sémiologue –  à Sherlock Doyle… mises en abime et clins d’oeil littéraire, comme il se doit dans un roman qui traite finalement du pouvoir des mots.

PPS : J’ai l’impression (à tort ou à raison) que l’auteur partage avec moi une certaine prédilection pour le bon Umberto, présent dans le roman mais étonnamment épargné par sa verve.

c'est la rentrée

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Rue Bernard

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Rue Bernard – Montréal 2015

 

 

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Existence

CVT_Existence_2384.pjpeg« Je me tiens devant la caisse tel qu’en moi-même depuis l’enfance, solide, inamovible, taillé dans un gros bloc de marbre, le marbre de mon QI, de mon diplôme, de mon prestige social, de mes principes de vie. »
Devant la caisse, comme en toute occasion car tel est Jean-Jacques Caton-Mercier, cadre supérieur d’une grande entreprise parisienne, intrinsèquement convaincu de sa supériorité à tous les niveaux, parfaitement imperméable à empathie, totalement imbuvable… Seulement voilà, malgré l’impeccable organisation de sa vie tant professionnelle que familiale, le Caton-Mercier va connaitre l’expérience aussi déstabilisante qu’anodine du ridicule, découvrir sans comprendre qu’il n’est pas universellement admiré et tout à coup voir la belle carapace creuse de sa vie se fendiller, craquer, exploser sous la pression de cet extérieur dont il n’a jamais pensé devoir tenir compte…
Ah quelle farce que ce roman, parfois drôlatique, souvent cruel, toujours grinçant ! Dans la première partie, Eric Reinhardt signe une parodie au vitriol des règles de l’élitisme à la française – ode à une rationalité de pacotille – panachée de cette étrange caractéristique qu’est la distance hiérarchique selon Hofstede* – concession à l’irrationnel. Une petite merveille de finesse qui prétend caricaturer tout en s’inscrivant dans un réalisme hautement irritant. A mesure que l’esprit de son héros – si l’on peut ainsi dire – s’effrite sous la pression de la réalité, le style de l’auteur semble en faire autant, explosant les phrases, les lieux, les personnages, brassant pour finir une pantalonnade des plus burlesques – un peu trop pour moi peut-être. Cette dernière partie m’a semblé moins drôle et ma foi – est-ce mon côté redresseur de tort qui s’exprime – je lui souhaitais bien pire à ce prétendu héros – un début de prise de conscience peut-être – mais tel quel c’est aussi réjouissant que méchant. Acide !
Existence – Eric Reinhardt – 2004 Stock – 2013 Folio

L’avis de Papillon qui m’a donné envie

* Geert Hofstede est un psychologue et anthropologue néerlandais qui a défini, entre autre, une série de dimensions destinées à encadrer la compréhension des différences culturelles dans la manière d’envisager le travail et l’entreprise (je résume) ; la distance hiérarchique est la dimension qui mesure la façon dont les acteurs vivent les différences hiérarchiques. (le “patron” est-il quasiment d’une autre essence ou simplement un collègue avec toutes les étapes intermédiaires possibles)

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Bienvenue

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Bienvenue – Montréal 2015 (cliquer pour agrandir)

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Otages intimes

91fokoDHGJLAprès plusieurs mois de captivité, Étienne, photographe de guerre, rentre enfin chez lui, libéré – du moins physiquement. Car comment revenir à sa vie d’avant quand  on a été réduit à l’état d’objet, isolé, affamé, dépersonnalisé, aveuglé, otage en un mot ? Il reste l’enfance, les souvenirs, la nature, l’amour d’une mère ou les amitiés les plus anciennes, les plus solides. Réfugié dans son village natal, Étienne va tenter de reconstruire, de donner du sens à cette nouvelle vie – ce nouveau départ – qui lui échoit et dont il ne sait que faire…
Tentée par les billets plus qu’enthousiastes de Jérôme et Noukette, je me suis précipitée sur ce nouvel opus de Jeanne Benameur dont j’avais aimé Profanes. Et effectivement, j’ai beaucoup apprécié la délicatesse du style de l’auteur, sa façon si évocatrice de parler du retour au corps, aux sensations perdues, des sensations aussi simples que celle de l’eau sur la peau, du café chaud dans la gorge ou du pain sur la langue. Pour autant, il m’a manqué quelque chose pour vraiment m’attacher aux personnages qui me sont restés distants – des archétypes plutôt que des êtres de chair – un fil narratif plus serré peut-être, un but, une destination. Une agréable expérience de lecture mais avec un petit goût de trop peu. Délicat !
Otages intimes – Jeanne Benameur – Acte sud 2015

c'est la rentrée

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Horizon réverbère

horizon lampadaire

Horizon réverbère – Québec 2015

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Virage

virage

Virage – Montréal 2015

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Réservoir

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Réservoir – Montreal 2015

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