Route des Indes

Une anglaise d’un certain âge, Mrs Moore, accompagne aux Indes celle qui doit devenir la fiancée de son fils ainé, magistrat installé dans une ville moyenne du Raj britannique. Les deux femmes sont dès l’abord choquées et déçues de l’attitude des anglo-britaniques du cru et tiennent à rencontrer des hindous – ce qui ne se fait guère. Elles font la connaissance d’Aziz un jeune médecin musulman qui propose de leur faire découvrir quelques richesses touristiques, malheureusement dans une des grottes de Malabar, la jeune fille est agressée et les soupçons se portent immédiatement sur Aziz…
Dans ce tout dernier roman écrit dans les années vingt, Forster épingle avec une grande finesse la complexité des rapports humains dans les Indes Britaniques, tant entre anglais et autochtones, qu’entre musulmans et hindouistes voire comme à son habitude entre hommes et femmes. Tous les signes des troubles à venir sont bien là, dans la brutale insensibilité anglaise, mais aussi dans les contradictions inhérentes à la conditions de “colonisés éduqués” comme l’empire en a tant formé dans cette région du monde. C’est étonnant de lucidité, de justesse et d’acidité.
Encore une fois E. M. Forster traite de rapports humains contraints, compartimentés par les convenances d’une société pour laquelle il ne montre aucune indulgence – ici une micro société coloniale figée, intolérante, et d’une bêtise confondante. Mais contrairement aux autres romans que j’ai lu de lui, il n’y a guère d’espoir derrière tout cela, pas d’apprentissage, ni d’évolution… Les personnages semblent se complaire dans leurs illusions et aller toujours plus loin dans l’aveuglement, l’égoïsme et la bêtise. Nul soupçon de manicheïsme possible, tous sont plus antipathiques les uns que les autres, anglais et hindous dans le même panier. Même Fielding et Mrs Moore, les deux seuls personnages un rien tolérant, font preuve d’une étrange insensiblité et malgré la sublime dernière conversation entre Aziz et Fielding qui résume si magnifiquement la thématique du colonisateur et du colonisé, j’ai eu peine à éprouver une quelquonque empathie pour eux.
Une très beau roman donc, impressionant voire magistral mais empreint d’une amertume, d’une aigreur même qui en rend l’accès plus ardu que celui les autres oeuvres de l’auteur. Âpre !

Route des Indes (A passage to India) – E.M. Forster – 1924 – 10/18 – Traduit de l’anglais par C. Mauron (1927)


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