Dans la grande réserve Navajo de la région des Four Corners les meurtres sont rares et, quand ils se produisent, sans mystère, produits d’explosions de violence et d’alcool. Alors trois homicides non résolus et apparemment sans liens, cela fait beaucoup ; beaucoup trop pour l’esprit méthodique et rationnel du lieutenant Leaphorn de la police tribale navajo, d’autant que bientôt un nouvel attentat est commis, visant un policier de cette même police et qui semble s’en être sorti par pur hasard…
Je voue une grande admiration au très regretté Tony Hillerman, qui le premier m’a emmené en imagination dans le grand ouest américain. Skinwalkers – Porteurs-de Peau en français – est le tout premier roman “navajo” que j’ai lu, il y a déjà bien longtemps de cela. (oui depuis j’ai lu tous les autres, pour ce genre de chose je suis presque aussi méthodique que le légendaire lieutenant lui-même) Alors quand je suis tombé sur les romans de Hillerman dans une boutique de cette grande rèze où j’ai passé tant de bon moment de lecture grâce à lui, je n’ai pas hésité un instant et j’ai bouclé la boucle. A vrai dire je ne courais pas grand risque avec ce choix car si la suite navajo de l’auteur compte dix-huit romans – forcément inégaux quoique je les ai tous appréciés – celui-ci est un des tous meilleurs. Celui de la rencontre entre Leaphorn – policier expérimenté, rationnel, faisant du scepticisme sa ligne de conduite – et Jim Chee, jeune flic apprenti shaman, plutôt traditionaliste et porté sur le spirituel. Deux personnages, deux aspects d’une réalité navajo que Hillerman ne cessera jamais, roman après roman, de confronter l’un à l’autre et de confronter au monde extérieur.
Dans la culture navajo, Les porteurs-de-peau sont des sorciers qui font le mal volontairement et en tire des pouvoirs exceptionnels – dont celui de changer de forme – un concept que le rationnel lieutenant récuse absolument contrairement à son subordonné qui lui, y croit, quoique de façon quelque peu abstraite. Tous deux vont s’affronter autour de leur façon de concevoir le bien et le mal dans une partie brouillée et truquée par une intelligence des plus malveillantes. L’intrigue excellemment construite qui se tisse ici entre sorcellerie et modernité, nous permet d’explorer à la fois la géographie de la réserve et le territoire mental navajo. Ce portrait est-il vraiment fidèle à la réalité d’aujourd’hui, je l’ignore, mais la poésie des paysages, l’exotisme du cadre, la complexité de l’histoire et la profondeur des personnages font de Skinwalkers un roman excellent que je conseille absolument. envoûtant !
Skinwalkers – Tony Hillerman – 1986 – traduit chez Rivages-noirs sous le titre Porteurs-de-Peau – 1990)


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