“Ma mère se suicidait souvent. Elle a commencé toute jeune, en amatrice.”
Et bien sûr, rapidement c’est le petit garçon qui appelle les secours. À sept ans, le narrateur – dont on ne saura pas le nom – est séparé de la dite-mère et entre dans le système des familles d’accueil plus ou moins accueillantes et des services sociaux plus ou moins sociaux. Il commence aussi un parcours de vie à la marge – au sens propre. Car il vit et vivra toujours en marge des autres, en marge de la société, en marge des sentiments, en marge du travail, en marge de la délinquance jusqu’à ce qu’il bascule…
Voici une lecture que j’étais persuadée d’adorer mais disons que si la rencontre s’est bien faite, elle fut douloureuse . Oh c’est un livre excellent à n’en pas douter. Outre cet incipit qui mérite d’être inscrit dans le grand livres des débuts légendaires, la plume de l’auteur est puissante, drôle, poétique même… Le roman est littéralement farci de références – littéraires, philosophiques, cinématographiques et j’en passe – plus ou moins amalgamées, digérées, déformées par l’esprit distordu du narrateur. Et j’adore les références, c’est documenté. Oui c’est drôle. Vraiment. Et bien écrit et réaliste aussi… et c’est là que mon petit cœur tout mou a eu des ratés. J’avais pourtant bien supporté de me balader dans l’esprit bizarroïde et sanglant du Dexter de Jeff Lindsay mais (et je m’en rends compte maintenant) on lui trouvait quelques excuses au Dexter ; la bête n’en a pas. (et sinon c’est quand même beaucoup mieux écrit que Lindsay hein). Du fait de l’incipit, on pourrait croire que la bête est le produit d’un système malade, ou une victime de la société, mais en fait je n’ai jamais vu une victime en lui – même jeune. En d’autres temps, on aurait dit que c’était le mal simplement. Là disons qu’il s’agit d’un être absolument dépourvu d’empathie et que son intelligence ne lui permet pas de feindre – une bête au sens médiéval du terme, fascinée par le mal plutôt que soumise à ses pulsions. Son parcours est tout de préméditations, de planification, d’égotisme et d’analyses – tranches de considérations sur la vie – passées au mixeur de son cerveau malade. Être dans sa tête m’a été une grande perturbation (et m’a causé une très jolie panne de lecture). Pas tant parce qu’il m’a horrifiée ou rebutée mais bien parce qu’il m’a terrorisée. (j’ai encore peur à l’heure où je vous parle) et face à une terreur pareille même la plume truculente de David Goudreault ne saurait me convaincre d’aller plus loin. Terrifiant !
La Bête à sa mère – la bête intégrale 1 – David Goudreault – 2016 – Stanké – 2018 – 10/18
Les avis moins terrifiés de karine et Anne

Lu dans le cadre du sublimissime Québec en novembre catégorie Grand champion ou Place de la république ou Nos joies répétitives, j’hésite…


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