Thomas Chatterton Williams est journaliste, essayiste, écrivain. Il est aussi américain, marié à une française, père de deux enfants, diplômé de philosophie… bref Cet homme est plein de choses – comme nous tous – et accessoirement pour moi mais non pour lui, il est “noir”. Enfin sa mère est “blanche” et son père “noir”, ce qui fait de leur fils – selon la si pratique one-drop rule ou règle de la goutte unique – des “noirs”. Pourquoi pratique me direz-vous ? Mais parce qu’à l’époque ou la distinction passait entre libre et non-libre (doux euphémisme), cela permettait d’asservir – et donc de posséder – toute personne ayant une “goutte de sang noir” quelque soit son apparence (moui la nostalgie du passé ce sera sans moi). Toute sa vie donc, Thomas Chatterton Williams s’est vu, défini, considéré comme “noir” et a adopté tous les codes de la communauté à laquelle il se sentait appartenir. Et puis voilà, la vie, l’université, les voyages, l’amour et un jour dans une maternité parisienne, il devient père d’une petite fille blonde, à la peau crémeuse, aux yeux très bleus qui certes n’en descend pas moins d’esclaves arrachés à l’Afrique mais qui n’en a en rien l’apparence et qui est sans aucun doute la descendante de bien d’autres ancêtres. Tout comme son père !
Autoportrait en noir et blanc est une rencontre entre expérience personnelle, introspection et réflexion philosophique, sociologique, historique – que sais-je encore – sur ces catégories qu’on nous assigne, sur le choix des ancêtres que nous privilégions – ou pas – pour nous définir. Sur la genèse de l’Amérique aussi – au sens étatsunien du terme – puisque selon l’auteur c’est de là, de ses fondations esclavagistes, que nait cette frontière qui fait que l’on est “blanc” ou “noir” – les formulaires américains ne laissant que peu de place à la complexité*. Et la démonstration de l’inexistence du concept ne semble pas les avoir fait évoluer plus que cela. Étant fondamentalement – et peut-être de formation – allergique à l’essentialisme sous toutes ses formes, et d’une façon générale rebutée par les graine identitaires qu’on nous donne à moudre pour nous détourner d’autres dominations plus économiques dirons-nous, j’étais très curieuse du parcours et des réflexions de cet auteur – car Tolkien sait qu’il a creusé le sujet, tiens si je devais mettre un bémol, ce serait pour l’absence d’une bibliographie ou au moins d’un glossaire des auteurs qu’il cite – et je n’ai pas été déçue car il m’a donné à réfléchir et à creuser. Une belle réflexion donc, à la fois très personnelle et universelle – ce qui n’était pas gagné. Stimulant !
Autoportrait en noir et blanc – Désapprendre l’idée de race – Thomas Chatterton Williams – 2019 – traduit de l’américain par Colin Reingewirtz – Grasset – 2021
*Je suis allé lire un peu sur la façon dont aujourd’hui les américains sont censés répondre à la question de leur “race” (ce truc qui n’existe pas donc) sur les formulaires de recensement… Si ce n’était pas tragique (à mes yeux), ce serait hilarant tellement cela semble absurde. Encore que depuis 2000, on peut semble-t-il cocher plusieurs cases (la belle idée et pourquoi pas toutes ?). Homo (sapiens) sum ; humani nihil a me alienum puto (je suis humain et rien de ce qui est humain de m’est étranger) comme disait plus ou moins ce bon Terence qui était lui-même potentiellement d’origine berbère, enfin libyenne à l’époque – 2e siècle avant notre ère – voire esclave affranchi mais dont on se souvient surtout comme un des plus grand poète latin, comme quoi…
Un livre qui semble tres intéressant. Sur un sujet que les étasuniens n’ont pas fini de régler.
tout à fait et on aimerait qu’il ne nous l’exporte pas… on a déjà assez à faire 🙂
Tout cela évoque aussi la manière dont le IIIème Reich et ses complices (Vichy & co) définissaient la judéité, en se référant à de lointaines ascendances…
Un sujet en effet intéressant, notamment sur les résonnances qu’ont ces “catégorisations” sur la manière dont les individus se définissent eux-mêmes.
tout à fait, c’est assez fascinant… et tu as tout à fait raison cela fait echo à la classification nazie mais aussi au syndrome du survivant qui a conduit certains à s’identifier comme “juif” alors que cela n’avait pas d’importance pour eux avant la seconde guerre mondiale.
Très intéressant ton billet et ce livre ! Merci.
mais avec plaisir… 🙂
Intéressant en effet. Comme je n’avais entendu parler no du livre ni de l’auteur…
hihi… c’est un peu à ça que servent les blogs, ou qu’ils servaient en tout cas 😀
Lire un essai, ça change.