L’hôtel de verre

Tout au nord de l’île de Vancouver, au delà des routes, serti entre forêt et océan, se dresse un hôtel aux murs de verre, accessible uniquement par bateau. Seuls les très riches peuvent se permettre le luxe suprême de la déconnexion totale d’avec le monde ou du moins s’en donner l’illusion. Pourtant même ce havre recèle ses ombres et une nuit quelques mots apparaissent, gravés dans le verre : et si vous avaliez du verre brisé !

Cela m’amuse assez de commencez par ce non évènement, car qu’est ce qu’un graffiti dans des vies longues, fragiles, complexes et de fait, il n’a que peu de rapport avec la suite du récit… disons que c’est une amorce, un fil ténu qui nous rappelle que quelque part des gens se sont croisés, ont eu de l’influence les uns sur les autres, se sont inéluctablement éloignés car ainsi va la vie même quand une catastrophe guette au coin de la page… car catastrophe il y a bien. Oh rien de comparable à celle du précédent roman de l’autrice – le très beau Station eleven que je vous recommande si vous n’avez pas peur de vous plonger dans une pandémie mondiale – mais quelque chose de totalement ravageur pour ceux – nombreux – qui y sont mêlés et somme toute d’assez nébuleux pour ceux qui ne le sont pas. Emily St John Mandel s’est en effet inspirée de l’escroquerie de Bernard Madoff révélée en 2008, portant sur des milliards de dollars (comment imaginer de telles sommes) et ayant fait des milliers de victimes (totalement ruinées). Comment vit-on quand on a côtoyé les étoiles et qu’on a pris 150 ans de prison ? À quoi pense-t-on quand on a participé pendant des années à une escroquerie sans jamais se l’avouer ? Comment survit-on quand on a pris garde de ne pas se poser de questions et qu’on a perdu jusqu’à sa maison ? Peut-on savoir et ne pas savoir à la fois ?  Telles sont les questions qui hantent les personnages de ce très beau roman, jonglant avec le temps, les contrevies* et les fantômes. Le style de Emily St John Mandel est singulier – les scènes qu’elle campe semblent d’abord toutes simples et puis par petites touches elles s’imposent à notre esprit, nous happent, revenant tourner, s’épanouir – et oui, nous hanter longtemps après lecture. Excellent !

L’hôtel de verre – Emily St John Mandel – 2020 – traduit de l’anglais par Gérard de Chergé – Rivage noir –  2021

*Les contrevies sont ces vies rêvées qu’on se complaît parfois à imaginer en partant de “Et si”… Et si j’avais fait d’autres choix,  m’étais sauvé à temps, avais refusé une proposition, en avais accepté une autre, etc.

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6 réponses à L’hôtel de verre

  1. noukette dit :

    Très étonnante comme lecture ! Je l’ai fini il y a quelques jours et j’ai l’impression d’y être encore, l’ambiance est encore très présente !

    • yueyin dit :

      tu vas le chroniquer ? je serais curieuse de lire ton avis… j’ai mis un peu de temps à y entrer dans ce livre mais j’ai vraiment du mal à en sortir, Station eleven m’avait fait cet effet là aussi…

  2. Anne dit :

    Ah mais oui, tu te fais rare mais tu sais donner envie dès que tu réapparais 😉

  3. Une lecture qui nous poursuit une fois le livre refermé, j’adore.

  4. Jérôme dit :

    Tu sembles totalement sous le charme, ça donne envie !

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