Peu après la mort de Tolkien en 1973, Humphrey Carpenter qui l’avait rencontré à diverses reprises, obteint un accès illimité à tous les documents, lettres, manuscrits et autres bouts de papiers conservés par la famille dudit. Il put rencontrer ses enfants et petits enfants mais aussi ses amis, son frère, ses anciens collègues d’Oxford et la biographie qui en est résultée est à la fois passionante pour les admirateurs du maître et fort agréable à lire.
Usant d’une construction à la fois chronologique et thématique, Carpenter a en effet su tirer un magnifique parti des documents auxquels il avait eu accès, multipliant citations et extraits issus notamment de l’immense correspondance de cet infatigable scripteur. Lire les propres mots de Tolkien, contribue à rendre ce personnage extrèmement vivant, avec sa passion des langues, son goût de l’écriture, ses manies, ses préjugés, sa procrastination systématique étrangement associé à une puissance de travail phénoménale, ses grandeurs et ses petitesses, tout ce qui a fait de ce tranquille professeur d’Oxford, petit bourgeois type et éminément sédentaire (un hobbit selon sa propre analyse), un des plus magnifique créateur de monde de tous les temps (n’ayons pas peur des mots).
Deux parties m’ont plus particulièrement fascinée, tout d’abord les années de jeunesse et de formation, où se sont affirmés ses goûts particuliers pour les structures linguistiques et les langues anciennes (il parlait grec, latin, de multiples dialectes saxons, norrois, gallois et a commencé très tôt à en inventer de nouvelles), le moyen-âge (Ah la découverte des vers de Cynewulf ou de Beowulf), la poésie et la littérature anglaise pré-Chaucer (ensuite c’est du moderne, et oui c’est comme ça à Oxford où du moins ça l’était à l’époque). Il est tout à fait ébourrifant que des langues inventées par Tolkien soient aujourd’hui “vivantes”, apprises et transmises par certains de ses admirateurs, en particuliers le Quenya inspiré du finlandais et le Sindarin plutôt lié au gallois – les deux langues qu’il préférait avec l’anglais.
Ensuite bien sûr, j’ai dévoré la période de rédaction du Seigneur des Anneaux. En particuliers les extraits de lettres à son fils lorsqu’il y parle de son travail comme si l’histoire avançait en toute indépendance et que les personnages n’en faisaient qu’à leur tête. L’apparition d’Aragorn par exemple, alors qu’il ne savait pas du tout ce qu’allait devenir cet étrange vagabond ou celle plus tardive de de Faramir dans cette lettre datée de mai 1944:
“un nouveau personnage est entré en scène (je suis sûr de ne pas l’avoir inventé, et je n’en voulais pas, même si je l’aime bien, mais il est arrivé dans la forêt d’Ithilien : Faramir le frère de Boromir – et il retarde la “catastrophe” avec des tas de récits sur l’histoire de Gondor et de Rohan. S’il continue longtemps une bonne part de son texte devra être renvoyés aux appendices où il y a déjà des documents fascinants sur l’industrie du tabac des hobbits et sur les langages de l’Ouest.”
D’une certaine façon, je pense que Tolkien “croyait” réellement en son monde, en ce sens qu’il lui avait donné assez de profondeur linguistique, mythologique et historique (dans l’ordre) pour que les évènements et personnages évoluent de façon toute naturelle en fonction des circonstances. Du moins c’est ce qu’il me semble et dire que cela m’impressionne est très en dessous de la vérité.
Bien je suppose que je pourrais continuer à parler de Tolkien pendant des pages mais coupons court, et disons simplement que pour tout admirateur du Professeur John Ronald Reuel Tolkien, cette biographie est absolument passionante en plus d’être fort bien écrite et j’ajouterais, dans ce cas précis, bien traduite ce qui ne gache rien. Incontournable !
J.R.R. Tolkien : A biography – Humphrey Carpenter – 1977 – traduit de l’anglais par Pierre Alien, revu par Vincent Ferré pour la nouvelle édition.
Décidément ce challenge est une merveille
L’avis de mon inégalable camarade de jeu et de soupirs orgasmiques : dame Isil !
PS J’ai rempli mon carnet de citations et d’extraits mais ce n’est rien à côté d’Isil, elle a noté toutes les adresses du maître pour notre futur pélerinage… Dont act !
PPS Grand Tolkien, quel homme ce Ronald !
PPPS : Je n’ai pas parlé de ses célèbres amitiés, ni du groupe des Inklings dont le célébrissime CS Lewis mais il en est bien évidement abondament question. Les amitiés intellectuelles ayant toujours été pour Tolkien essentiellement masculines. Dure époque !
PPPPS : Tolkien a écrit sa première histoire de Grand Vert Dragon vers 1899 (à sept ans) c’est donc un auteur victorien comme l’a, avec à propos, fait remarquer mon estimée colectrice .
Tout pareil! Qu’est-ce que c’était bien cette lecture! J’ai aussi été très impressionnée par la “fabrication” mais aussi l’édition du SdA. et je ne suis pas encore remise de l’émeu sur l’édition américaine du Hobbit (inutile de dire que je la veux^^)
moi aussi… je la voudrais bien , tu imagines avec les machins roses aussi :-)))
Oh j’ai oublié LE point négatif dans mon billet et je m’en aperçois grâce à toi. La traduction est certes parfaite, à un exception près. Mais qu’est-ce qui lui a pris de traduire le nom du pub?! C’est le Eagle and Child, pas l’Aigle et l’Enfant Mais enfin, sinon, c’est excellent, passionnant…
Je suppose que c’est parce qu’il l’avait rebaptisé bird and babe mais bon quand même…
C’est que tu me convaincrais presque de lire le SDA avec un enthousiasme aussi puissant et aussi constant!
Mais oui mais oui, laisse toi convaincre… c’est un bijou, une merveille…
J’ai envie de lire cette biographie car j’aimerais bien savoir qui était ce personnage qui a su nous faire tant rêver avec la fresque du Seigneur des Anneaux…
Un étonnant personnage, hobbit dans l’âme 🙂
En lisant ton billet je me suis demandée si c’était bien cette biographie que j’avais lu et relu il y a quelques années et après avoir lu l’avis d’Isil, je peux dire qu’effectivement je l’avais lu. Bons souvenirs de lecture.
Excellent hein… j’en ai une autre de lin Carter… que j’ai lu il y a longtemps mais que je vais relire :-)))
La lecture du Seigneur des Anneaux ne fait pas nécessairement partie de mes priorités absolues, je suis obligée de le reconnaître ! Cependant, cette biographie me premettrait de mieux connaître, et d’apprécier, un auteur adulé par les spécialistes du genre … Je l’avais repéré à la librairie. Il faut que je regarde à la bibilothèque si je ne le trouve pas ! Surtout si, en plus, c’est très bien traduit !
Comment ? le Seigneur ne fait pas partie de tes priorités tss tss tss :-))) quelle erreur, quelle erreur !!!
Je ne suis pas très biographie habituellement mais de découvrir la période de rédaction du Seigneur des anneaux doit être passionnante !
ah oui, passionante on peut le dire :-)))
J’adore les PS !
Vous allez m’avoir les filles (encore une fois!)…..
Important les annexes quand on parle de JRR 😉 (et on l’espère bien !!!)
Ca veut dire que tes lectures tolkienesques vont pouvoir entrer pour ton challenge english classics ;))) (Désolée, commentaire inutile et imbécile… yé quand même 6h15 un DIMANCHE matin!!)
Hé mais je n’y avait pas pensé, en fait même beowulf aurait pu rentré dans mon english classic non ????? bon c’était écrit en west saxon mais à part ça…
J’ai également beaucoup apprécié cette lecture (il y a quelques années déjà) qui permet de découvrir pour une première fois Tolkien avec pas mal d’infos mais pas trop.
(je déteste les biographies où on passe son temps à se sentir nul alors qu’on demande justement à en savoir plus).
c’est vrai que cette biographie est prenante mais pas pesante, on vit carrément avec lui et il est assez pénible avec ses manies pour qu’on ne se sente pas trop petits :-)))
Une biographie qui me tente beaucoup, pour connaître un peu plus ce grand auteur !
Je l’ai trouvé passionante :-))