“L’idée, c’est ça : quand vous vous retrouvez à Banga-lore, en Inde, vous êtes effrayé par le vacarme, la saleté, les klaxons, une puanteur que vous ne parvenez pas à caractériser, par la quantité de gens, le sentiment de déracinement complet, vous êtes à l’endroit le plus délabré, le plus hostile de la planète”
Tomáš, chercheur en biologie moléculaire et globe trotteur patenté – du moins le croit-il – débarque, à l’occasion d’un colloque, à Bangalore – Inde du sud – et subit un choc culturel, climatique, social voire global qui engendre un réel traumatisme… à moins que ce traumatisme n’ait en fait des racines bien plus profondes et plus anciennes. Et une rencontre inattendue – comme elle le sont toutes – va bousculer les incertitudes de cet homme tourmenté.
Quel drôle de roman, complètement foutraque, halluciné, chaotique… tout en dialogue interne à la deuxième personne, traduisant la dissonance cognitive dans laquelle se trouve plongé le narrateur. Choqué par sa première vision de Bangalore, ville misérable, surpeuplée, délabrée, bruyante, voilée d’un smog continuel de gaz d’échappement… Ce chercheur voyageur persuadé d’en connaître un rayon – n’a-t-il pas vécu 9 ans en Norvège et en Australie comme il ne cesse de se le répéter avec de moins en moins de conviction – est tout soudain renvoyé à ses manques et ignorances – il ne trouvera même pas le colloque tout seul – ignorance dont on se rend compte assez vite qu’elle est largement partagé tant par ses collègues chercheurs, persuadés de se débrouiller partout mais totalement à la merci du premier chauffeur de taxi venu. (mon dieu quel scène !) que, dans un autre registre, par sa famille jamais sortie de Tchéquie. Et notre narrateur erre perdu entre aveuglement mondialiste, repli identitaire, peur de l’inconnu, l’esprit farci d’injonctions contradictoires venant de partout. C’est dérangeant, parfois drôle, souvent absurde comme seule la réalité peut l’être, et bizarrement totalement crédible; une vraie réflexion dans une langue spectaculaire – gloire au traducteur. Étonnant !
L’amour au temps du réchauffement climatique – Josef Pànek – 2017 – traduit du tchèque par Benoît Meunier – Denoël – 2020
PS : mais oui oui oui il y a bien de l’amour dans cette histoire… Le titre ne ment pas !
Ouhhhhh je ne sais pas si mon cerveau peut supporter ça ces temps-ci!
C’est particuliers mais ça pourrait te plaire 😀
Le choc doit être vraiment rude, on serait déboussolé à moins… moi c’est tout juste si en Bretagne, je ne trouve pas les gens limite chelou…
mouhahaha c’est vrai que c’est chelou, d’un autre côté je songe régulièrement à me faire naturalisée chelou 🙂 Après j’ai le souvenir des premières 24h que j’ai passé à Beijing et de l’impression d’être totalement déboussolée (pourtant dans un contexte hyper encadré et une zone touristique… )je ne sais pas comment je vivrais l’Inde…
Tentant ! Même si il est foutraque ce roman, l’idée d’un personnage bousculé dans ses certitudes me dit bien. Les théories face au réel vacillent souvent …
Tout àa fait, surtout qu’au départ, il se sent plutôt affranchi et large d’esprit, persuadé de s’être affranchi justement de ses certitudes… dur réveil 🙂
ce que tu en dis a l’air très intéressant, c’est vrai que lorsque l’on sort d’une langue avec des caractères latins on est vite perdu . J’imagine assez bien le choc de Bangalore!
Tout à fait d’autant que Bangalore est une ville extrèmement peuplée et polluée selon nos critères… je me souviens de l’étrange impression que j’avais de pouvoir sentir sur ma langue le goût métallique du smog à pékin …
Si le côté amour du roman ne me tente pas, en revanche, ce que tu dis de son côté loufoque me plait.
hihi oui enfin amour amour… c’est tout sauf une romance hein 🙂