Patience veuve Portefeux, 53 ans, est une femme hors du commun comme on en croise peut-être plus qu’on ne pense. Traductrice judiciaire arabe-français, elle passe sa vie à transcrire le quotidien de petits et gros dealers au point parfois d’avoir l’impression de les connaitre personnellement. Sans parler de ses connaissances approfondies et puisées à la source sur les finesses du trafic ès substances prohibées. Reste que le ministère de la justice ne paie guère et d’ailleurs au noir et qu’elle peine à joindre les deux bouts sans parler de prendre soin de sa mère Alzheimer. Alors quand une occasion se présente, c’est presque sans y penser qu’elle franchit la ligne et devient quasi à son corps défendant mais en s’amusant un tantinet, la Daronne !
Attention coup de cœur ! Quel roman mais quel roman, je n’en suis pas encore remise. Un bijou mené tambour battant, hilarant du début à la fin et pourtant d’une noirceur absolue, nous renvoyant sans complaisance aucune le portrait corrosif de ce monde où nous vivons en détournant les yeux de ce qui dérange. Hannelore Cayre réussit le tour de force de nous proposer – voire de nous faire adopter – un point de vue dérangeant, celui d’une femme mûre, parfaitement respectable qui, l’occasion faisant le larron, décide de s’en sortir par le crime comme n’importe quelle racaille de banlieue, la discrétion en plus. Et on y croit, mieux après quelques pages de flottement, on en vient à l’apprécier cette Daronne, sa froideur apparente, son humanité bien cachée, son humour ravageur, son pragmatisme inébranlable et son cynisme absolu. On l’apprécie et on lui souhaite de réussir parce que quelque part, pourquoi pas ? Ébouriffant !
La Daronne – Hannelore Cayre – Métailié noir – 2017
L’avis de cuné qui m’a donné envie
PS : La Daronne a deux filles adultes aussi et qui ont réussi comme on réussit aujourd’hui – c’est à dire sont devenues esclaves tertiaires : Je n’ai pas vraiment saisi en quoi consistent les métiers qu’elles exercent ; elles ont essayé de me l’expliquer à maintes reprises , mais j’avoue avoir décroché avant de comprendre. Disons qu’il s’agit de ces boulots à la con où l’on s’étiole devant un écran d’ordinateur pour fabriquer des trucs qui n’existent pas vraiment et qui n’apportent aucune valeur ajoutée au monde.
PPS : depuis j’ai lu les trois premiers romans de l’auteure (il me semble) : Commis d’office, Toiles de maitres et Ground XO et je me suis bien amusée… du noir très noir et très drôle, un sacré brin de plume !