Les Vieux Fourneaux

fourneaux-couvAntoine, Pierre et Emile, trois copains d’enfance que la vie les a un peu séparé,  ne se sont jamais tout à fait perdu de vue et l’enterrement de la femme du seul d’entre eux qui se soit jamais marié, les réunit. A partir de là, et une chose en entrainant une autre, les trois compères largement septuagénaires, accompagnés de Sophie la petite fille d’Antoine, enceinte jusqu’aux yeux, se retrouvent embarqués dans une équipée rocambolesque qui prouve bien que la vie est toujours là et que retraités ou pas, on a toujours quelque chose à vivre au détour d’une route, d’un souvenir, d’une action hautement militante ou d’un crime passionnel de retrojalousie…

les-vieux-fourneaux-tome-2-bonny-and-pierrotJe devrais lire plus de bd – de romans graphiques comme il se dit aujourd’hui – car vraiment certaines sont de vrai délices de lecture et les vieux fourneaux en font partie. Les trois premiers tomes s’intéressent plus particulièrement tour à tour à Antoine ex militant syndical pur et dur, Pierrot irréductible anarchiste – mention spéciale à son irrésistible organisation Ni yeux ni maitre –  et Mimile ex grand voyageur des mers du sud, mais en toile de fond c’est d’un trio qu’il s’agit, un trio d’amis indéfectibles, émouvants, drolatiques, agaçants, attachants, pénibles mais surtout hilarants… On y croit à ces trois là, on les croit, ils existent dans leur humanité, leurs défauts, leurs engagements, leur énergie aussi et à travers eux c’est toute une époque qui revit, se souvient, saute quelques étapes, mesure le temps écoulé.  les-vieux-fourneaux-tome-3-celui-qui-partJamais d’accord sauf sur deux ou trois choses essentielles, grandes gueules, toujours soudés, toujours en bisbilles, ces trois là ne se quittent pas aisément car on en veut plus, heureusement, je crois que c’est en cours… J’ai ri comme une baleine les trois quart de ma lecture, été émue le reste du temps, rêvassé un peu car je suis de la génération absente de ces albums, coincée entre les trois lascars et Sophie… Bref c’est rythmé, drôle, les dialogues sont ébouriffants, le graphisme et la colorisation excellents – j’adore le sépia des flash-backs et leurs personnages tout jeunes qu’on reconnait au deuxième regard, le coeur chamboulé – à lire toute affaire cessante si ce n’est déjà fait. Excellentissime !

Page-36Les Vieux Fourneaux – Tome 1, 2 et 3 – Lupano et Cauuet – 2013, 2014, 2015 – Dargaud

PS  : N’empêche cette histoire de baguette (récurrente), c’est grave vrai !!!! (cliquer pour agrandir la planche)

fourneaux

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Membrane

membraneDans un monde brulé par les radiations solaire, l’humanité s’est réfugiée dans le confort de bulles océanes douillettement aménagées et protégées des rayonnements mortels. Momo, une esthéticienne reconnue, vit tranquille quoique un peu solitaire, jusqu’à ce que Maman, qu’elle n’a pas revue depuis l’enfance, lui propose de la revoir. Pourquoi maintenant ? Que peut-elle signifier dans l’existence heureuse d’une jeune femme accomplie comme Momo ? Pourquoi la mémoire de cette dernière s’obstine-t-elle à revenir en boucle sur le passé, ses ombres, ses déceptions, ses questionnements restés sans réponses ?

On m’avait annoncé un livre atypique et il l’est, mais ce fut avant tout un beau moment de lecture. Sous couvert d’un roman de science-fiction tout à fait classique, désastre écologique, technologie envahissante, modifications corporelles, guerre par androïdes interposés, Membrane est en fait une réflexion sur l’identité ; identité propre, identité de genre, identité familiale… Le lecteur prend peu à peu conscience du rapport au corps et à la réalité qui prévaut dans ce monde, jusqu’à ce se poser la vraie question, celle de ce qui fait de nous des êtres humains. La construction par petites touches, petite boucles, est astucieuse, conduisant le lecteur tout en douceur et délicatesse là où il ne pensait pas aller. Le style un peu froid peut déranger mais j’y ai vu plutôt une forme de poésie distanciée tout à fait en harmonie avec le sujet. Sophistiqué !

Membrane – Chi Ta Wei – 1996 – Traduit du chinois (Taiwan) par Gwennael Gaffric – 2015- L’asiathèque

Les avis de Lhisbei, ActuSf et Ann

diversitéEncore un roman jackpot pour le défi Sfff et diversité de Lhisbei (et je ne l’ai même pas fait exprès, je l’avais emprunté avant, comme quoi ce devait être dans l’air) il entre dans les catégories 4, 10 et 18, l’auteur étant Taiwanais, 13, c’est une personnalité du mouvement de défense de la cause gay et queer (Membrane est d’ailleurs considéré comme un roman militant à Taiwan car novateur à l’époque de sa parution –  c’est fort bien expliqué dans la postface du traducteur), 14, le monde mis en place est issu d’une catastrophe écologique d’ampleur, 15, c’est un roman qui gomme clairement les genres, 17, les IA y occupent une place importante et 20, il y est bien question de transhumanisme. En tout huit catégories topées, si j’enlève les doublons d’avec La Terre bleue de nos souvenirs, cela me fait un score de 10/20. Bon au moins j’aurais la moyenne.

 

 

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La Destruction du Parthénon

La-Destruction-du-Parthenon“Il faut faire sauter l’Acropole !” – tel était l’appel lancé en 1944 par le cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos. Soixante ans plus tard, un jeune homme vient de passer à l’acte. Le Parthénon a été pulvérisé, la ville est orpheline. Est-elle encore elle-même ?

Autour de ce passage à l’acte qui pétrifie la ville, Les voix se croisent, témoignage d’un gardien du site, monologue supposé du coupable, facilement découvert et tout prêt à avouer, voix désincarnées de l’enquête policière, voix surgies d’un passé littéraire effervescent, voix qui s’interrogent. Le passé a-t-il disparu ? l’avenir est-il encore possible ? A partir d’une provocation surréaliste dans la grande tradition dada – parfaitement vraisemblable sinon avérée, Christos Chryssopoulos construit une réflexion singulière en forme de dossier d’instruction ; recueil de témoignages fantasmé, philosophique ou terre à terre, un peu iconoclaste, un peu désespéré, sur la charge du passé, les difficultés du présent et les brumes de l’avenir dans un pays, une ville, une société en crise qui s’étiolent et se délitent sous le poids d’un prestige en ruine. Stimulant !

“Le futur était du passé. L’ambition un surgissement de la mémoire. le rêve, un souvenir. Et aujourd’hui, pour la première fois, nous n’avons pas d’origine, et peut être est-ce pour cela que nous parviendrons à choisir une direction vers laquelle nous tourner. Le parcours doit être réinventé ; l’histoire doit être récrite”(P57)

La Destruction du Parthénon – Christos Chryssopoulos – 2010 – traduit du grec par Anne-Laure Brissac – 2012 – Acte sud

PS : Quand le talent de l’auteur croise la méconnaissance absolue de l’histoire moderne d’un pays – en l’occurrence la mienne, on se retrouve (je parle de moi) face à des océans d’interrogations. L’invocation nihiliste est parfaitement vraisemblable et reprises sans ambiguïtés par les articles (français) lus sur ce roman, je ne l’ai donc d’abord acceptée comme vérité toute crue, historique et dadaïste. Puis vint le doute (on ne se refait pas) et la recherche. Sans vouloir tirer de conclusion hâtive, je n’ai trouvé aucune allusion à un poète dénommé Yorgos Makris ou à aucun de ses amis cités ni à une Société des saboteurs esthétiques d’antiquités, encore moins à un groupe d’écrivains se revendiquant Annonciateurs du chaos. Pourtant ils existent, Christos Chryssopoulos les a inventés, remarquez je n’ai pas accès au web en caractères grecs, ils se cachent peut être là, d’ailleurs est-ce si important…

“La profanation du sacré est la tâche politique de la génération qui vient”. Giorgio Agamben (P91)

evzonepaLire-le-monde-300x413Lu dans le cadre de l’année grecque organisée par les cousines Cryssilda et yueyin

Une lecture qui s’inscrit aussi dans le cadre du défi lire le monde organisé par Yspaddaden

Et pour faire plaisir à Lou je ne résiste pas à exhiber l’un de ses joyeux logo alternatifs
anegrec

 

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La Terre bleue de nos souvenirs

terreEn ce XXIIe siècle, l’humanité vit enfin en paix, la violence a disparu, le climat est assaini, les hommes ont essaimé dans le système solaire et si la technologie est partout, et jusque dans les cerveaux, elle semble au service du bien-être de tous. Akynia Space, entreprise familiale fondée par une femme d’exception, Eunice, aujourd’hui âgée de bien plus de cent ans, s’est forgée une position dominante dans le secteur de l’ingénierie spatiale. Seul deux des rejetons Akynia la boude, rejetant sa philosophie du “tout pour le profit, tout pour la famille”. Le très terrestre Geoffrey étudie les éléphants du Serengeti et sa soeur, Sunday, artiste plasticienne s’est installée dans la Zone, la face cachée de la lune, hors d’atteinte du tout puissant Méca qui surveille tout un chacun. Mais la mort d’Eunice va tout changer pour ces deux électrons libres, les rattachant bon gré mal gré au destin de leur famille…

Alastair Raynolds signe ici un vrai roman d’aventures, à la fois space opera, jeu de pistes, projection hard science – il est astrophysicien de son état – et réflexion sur l’homme, son rapport au monde et  l’utopie. Car s’il s’agit bien d’une utopie, ce monde sans guerre ni violence a quand même tout d’une dictature certes bienveillante mais où chacun est surveillé “de l’intérieur” grâce aux implants obligatoires. L’intrigue est captivante et bien menée, les personnages intéressants dans leurs contradictions, le monde cohérent et – que c’est agréable – plutôt optimiste. On sent que l’auteur a pris grand plaisir à imaginer un système solaire habité, nous promenant du fond des océans – ou le transhumanisme est de règle avec des adaptations surprenantes – aux confins de Pluton – essentiellement livrés aux machines – en passant par la lune – domestiquée depuis longtemps et Mars un peu plus sauvage. Un excellent roman qu’il est bien difficile de poser avant d’en avoir tourné la dernière page. Dépaysant !

La Terre bleue de nos souvenirs – les enfants de Poseidon 1 – Alastair Reynolds – 2012 -traduit de l’anglais par Laurence Queyssi – Bragelonne 2015

L’avis de Lune

diversitéCe roman compte pour pas moins de 6 points dans le Défi SFFF et Diversité de Lhisbei, il se passe (en bonne partie) en Afrique berceau de la famille Akynia, le climat et l’écologie y tiennent une bonne place (panspermie et efflorescence verte), c’est le premier tome, traduit, d’une série (dont j’attends la suite avec impatience je dois dire), Un intelligence artificielle y joue un rôle important et, à mon avis, il y est bien question de transhumanisme… bref ce défi commence bien. 6/20

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Défi Science-Fiction, Fantasy, Fantastique et Diversité

diversitéJe me souviens de l’époque, lointaine, très lointaine, où je m’inscrivais à tous les challenges qui fleurissaient de blog en blog (minute nostalgie). Certes je ne les finissais pas tous, en fait je les finissais rarement (qui a dit jamais, qu’il se dénonce) mais qu’importe, les idées de lecture fusaient, les discussions pétillaient, les logos pavoisaient. Et puis le temps a passé, les idées se sont répétées (quoi de plus normal), je me suis moins inscrite, puis plus du tout (trémolo). Mais foin de regrets, cette année c’est la reprise (roulement de tambour), en plus de l’année grecque organisée avec cousine Cryssilda,, du challenge Lire le Monde de Yspadadden (que je fais en touriste mais tout de même) et des quelques mois thématiques traditionnels (anglais, québécois, kiltissime), je craque pour un challenge SFFF (justement j’avais une foultitude d’envies de SF depuis les Utopiales), mieux pour un challenge militant mariant SFFF et diversité (bon le nom manque de panache d’accord, mais la diversité ça me parle, on pourrait dire le Diversitèsfff, non ? tant pis !), adapté et lancé par dame Lhisbei du RSFblog. Vingt catégories pour nous faire découvrir les littératures de l’imaginaire autrement… Bon honnêtement, il y a des questions que je ne me pose jamais – mais jamais – sur un auteur – donc certaines catégories vont me faire sortir de mes habitudes mais c’est l’idée. Le principe est d’atteindre un score sur 20, en piochant des livres appartenant à une ou plusieurs des catégories suivantes (1 point par catégorie cochée) entre le 1 janvier 2016 et le 14 janvier 2017 (un an quoi, résumons). Il est même possible de s’arranger si une catégorie nous rebute vraiment, que demander de plus ?

robotPour plus de détails et d’explications (ainsi que quelques pistes et idées de lecture qui ne seront pas de trop, étant donné que certaines catégories me sont mystérieuses) rendez-vous sur le RSFblog et en attendant voici les dites catégories (deuxième roulement de tambour) :

  1. Lire une oeuvre de SF(et uniquement de SF) écrite par une femme.
  2. Lire une oeuvre de SFFF (SF, Fantasy ou Fantastique) francophone mais non française.
  3. Lire un essai ou un article traitant de science, de science-fiction, de fantasy ou de fantastique.
  4. Lire une oeuvre SFFF écrite par un auteur de « couleur »
  5. Lire un livre SFFF dont vous n’avez pas encore vu l’adaptation en film.
  6. Lire un roman SFFF young adult
  7. Lire un livre SFFF se passant en Orient (qu’il soit réel ou fantasmé)
  8. Lire un livre SFFF parlant d’une ou de femme(s) dans la guerre (réelle ou imaginaire).
  9. Lire un roman graphique ou une BD ou un comic avec une femme pour héroïne.
  10. Lire une oeuvre de SFFF par un auteur non occidental.
  11. Lire une oeuvre de SFFF dans laquelle l’Afrique (ou un pays d’Afrique) tient une place prépondérante.
  12. Relire un conte que vous avez adoré étant enfant.
  13. Lire une oeuvre de SFFF écrite par une personne issue ou militant pour la communauté LGBTQIA.
  14. Lire un livre de cli-fi (climate fiction). Ou éco-fiction (pour écologie fiction).
  15. Lire un livre de SFFF féministe. Ouvertement féministe ou gommant les genres.
  16. Lire le premier livre d’une série SFFF que vous n’avez jamais lu.
  17. Lire un livre dans lequel une IA ou des robots ont un rôle prépondérant.
  18. Lire un livre SFFF traduit
  19. Lire un recueil de nouvelles SFFF.
  20. Lire un livre de SFFF transhumaniste ou posthumaniste.

C’est parti…

zoe

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Saga de Ragnarr aux braies velues

RagnarLa Saga de Ragnarr aux Braies velues, ou Ragnars saga loðbrókar, probablement transcrite au XIIIe siècle, est l’une des plus célèbres sagas dites “des temps anciens”, les Fornaldarsögur ou sagas légendaires. Elle est traduite ici du norrois par Jean Renaud avec deux autres textes liés, le Dits des fils de Ragnarr composé sans doute à la même époque et le Chant de Kráka, poème scaldique du XIIe siècle qui donne la parole au héros – Ragnarr donc – dans un chant de mort des plus guerriers.

Avouons tout, battons notre coulpe. Un peu après tout le monde j’ai découvert entre noël et jour de l’an la série irlando-canadienne Vikings. Et bien entendu pour qui connait mes faiblesses pour le haut moyen-âge, les guerriers chevelus et les cultures anciennes, j’ai hautement apprécié et, mieux, je ne me suis pas lassée au bout de quelques épisodes (fait devenu rarissime en matière de série, allez savoir pourquoi) (je suis au milieu de la saison 3 et la bonne nouvelle est que la quatrième arrive). Or il se trouve que la série en question s’inspire directement (quoique en réarrangeant les motifs à sa convenance) de la légende du très fameux Ragnarr, légende relatée, entre autres, par ces trois récits en norrois. Pouvais-je résister ? Je pose la question et je réponds, non bien sûr. Et, comme prévu, je me suis régalée tant à la lecture pleine de bruit et de fureur des textes eux-même qu’à celle de la postface éclairante et érudite de Jean Renaud.

Et ce Ragnarr Loðbrók (aux braies velues sonne moins bien en français, allez savoir pourquoi) n’est pas n’importe qui, si j’ose ainsi m’exprimer. Il occupe une place singulière dans l’imaginaire occidental, non seulement parce qu’il est réputé être à l’origine des premiers raids nordiques en Angleterre et en Francie mais aussi parce que ses aventures légendaires, forgées entre le neuvième et le treizième siècle, traduites en latin au XVIIe et redécouvertes par les romantiques, sont à l’origine de l’image populaire du “Viking”, guerrier des mers, trinquant dans un crâne (mauvaise traduction issu du Chant de Kráka– la “branche courbe du crâne” du poème désignant prosaïquement une corne à boire) et courant à la mort en riant, sa hache à la main, pressé de rejoindre le banquet d’Odin.

“Joyeux, je vais sur le haut siège
boire la bière avec les Ases ;
tout espoir de vie a disparu,
en riant je mourrai.” (Chant de Kráka, dernière strophe)

De même, la seule évocation d’un supplice de l’aigle de sang (une belle horreur nullement attestée historiquement) vient de la saga de Ragnarr, ses fils l’ayant infligé au roi Ella de Northumbrie pour venger leur père. (je rassure les amateurs de la série, bien qu’inspirée par la matière ragnarienne, elle a changé ce trait particulier, ceci n’est pas un spoiler).

Tel un Arthur du nord, Ragnar est donc un roi-héros essentiellement légendaire, peut être inspiré d’un ou de plusieurs personnages historiques, à la croisée de multiples récits, scandinaves, saxons, irlandais, francs, transcrits en diverses langues. Il aurait conquis Lagherta – une valkyrie ? – en, combattant un ours et un chien, Þóra en tuant un serpent géant, épousé la fille de Sigurd le tueur de dragon et de Brynhildr la guerrière, découvert la route de l’ouest, pillé les royaumes saxons, guerroyé en Écosse et en Irlande, remonté la Seine pour mettre le siège devant Paris, eu de nombreux fils, fameux pour leurs exploits. Aujourd’hui au coeur de la série Viking, mais aussi personnage de plusieurs jeux vidéo, on le retrouve dans des bd, des romans (de Chateaubriand à Jack London en passant par Hugo et Sue, rien que cela !), la musique Heavy Metäl* (littéralement habitée par les légendes nordiques) – il est l’Archétype du découvreur guerrier, un rien cruel et sanguinaire avide d’horizons, de combats et de découvertes.

Et les récits me direz-vous ? Comme toujours dans les sagas, les faits sont brutes et le style direct, foin de politique subtile ici mais le souffle de l’épopée est bien là, resplendissant de sang et de fureur, de haches et d’épées, de batailles et de banquets, de hauts faits d’arme, de trahison et de vengeance. Épique !

La Saga de Ragnarr aux braies velues suivi du Dits des fils de Ragnarr et du Chant de Kráka– XIIe et XIIIe siècle – traduit du norrois par Jean Renaud – 2005 – Anacharsis éditions

PS : Au cas où je n’aurais pas été bien claire, je conseille la série, je conseille absolument.

PPS : D’après mon fils, métaleux de choc, Heavy Metäl prend un tréma !

vikings

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Le dernier Lapon

dernier lapon-300x460Kautokeino, nord de la Norvège, ce 10 janvier le soleil va réapparaitre pour quelques minutes, réchauffant l’âme de ceux qui vivent la nuit polaire depuis plusieurs semaines. Klemet et Nina, membres de la police du renne, cette instance transfrontalière spécialement créée pour régler les conflits entre éleveurs de rennes – deux espèces peu concernées par les frontières – sont chargés d’enquêter sur la disparition d’un ancien tambour sami, pièce exceptionnelle, mystérieusement revenue en pays same par don privé, mystérieusement disparue avant même d’avoir été déballée. Et la situation se complique quand un éleveur sami est retrouvé assassiné et mutilé, un homme connu pour son habileté à fabriquer des tambours pour les touristes. Coïncidence ? Nos enquêteurs ne le pensent pas, mais reste à voir si on les laissera enquêter… D’autant que Klemet est sami, le seul policier d’origine lapone de la région, et que, même en pays lapon, cela ne plait pas à tout le monde…

Le dernier lapon est donc un polar polaire, mais singulier tant l’intrigue s’imbrique habilement dans l’équilibre politique et social délicat de la Laponie, ce territoire à cheval entre Norvège, Suède, Finlande et Russie où depuis la nuit des temps, les Samis vivent du Renne en tentant de s’accommoder de leurs voisins plus ou moins tolérants. Entre enquête policière, nature writing et plongée dans les restes d’une culture antique* – la plus ancienne culture autochtone d’Europe dit-on, l’auteur réussit à nous tenir en haleine avec une efficacité certaine, soulignant la complexité de la situation sans angélisme ni complaisance. Les personnages sont bien campés, l’histoire passionnante à souhait, le décor grandiose, l’écriture incisive. J’ai souvent pensé à Tony Hillerman** – le père du polar ethnologique*** – et à son Peuple de l’ombre entre autre, avec ces sombres histoire d’exploration et de prospection en terra présumée incognita, ces vieilles cartes et ces conflits d’intérêts. Excellent et dépaysant !

Le dernier Lapon – Olivier Truc – 2012 – Métailié noir****

Lou et le papou ont aimé

* Car l’auteur a pris le temps de s’intéresser non seulement à la situation actuelle mais aussi, et vraiment, aux Samis (du nom que se donnent ceux que leurs voisins avait baptisé lapons, ce qui signifie plus ou moins loqueteux) et à leur culture, et ça c’est le bien.

** Une sacrée bonne nouvelle pour moi, car j’aime Tony Hillerman d’amour et je suis ravie qu’il ait enfin une relève…

*** En posant Arthur Upfield avec son célèbre Bony, en grand-père

**** Le Détroit du loup, où l’on retrouve les mêmes enquêteurs mais pendant l’été arctique et ses interminables journées blanches, m’attend déjà et il n’attendra pas longtemps.

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Les Liaisons culinaires

liaisons culinairesDimitri et Damoclès sont voisins de palier. au hasard d’une conversation, ils lient connaissance et se rendent rapidement compte qu’ils partagent deux passions, l’une pour la cuisine, l’autre pour une femme, Nana, amante passionnée et gourmande dont aucun des deux ne songe à se passer. Après avoir brièvement envisagé les pires extrémités – à base de poison – tous deux décident, pour gagner l’amour exclusif de la belle, de s’affronter sur leur terrain de prédilection, la gastronomie.

Andréas Staïkos mêle ici livre de cuisine et marivaudage, nous contant la rivalité de Dimitri et Damoclès en dix-sept alléchants menus accompagnés des recettes dégustées par la frivole Nana. Recettes des plus classiques pour la plupart, keftedes, agneau aux petits pois, moussaka, mais qui mettent l’eau à la bouche. Quant au vaudeville, entièrement vu du côté masculin du trio, si j’ose ainsi dire,  il est fort plaisant. Rumination jalouse, obsession amoureuse et amitié naissante alternent sur un ton tout en drôlerie et légèreté, un peu décalé dans le temps peut être, tant l’atmosphère évoque à la fois le théâtre de boulevard et les chansons de Brassens (A l’ombre des maris notamment, dont je ne saurais trop vous recommander l’écoute). Folâtre.

Les Liaisons culinaires – Andréas Staïkos – Traduit du grec par Karine Coressis et Delphine Garnier – 1997 – Acte sud/Babel

UlysseLu dans le cadre de l’année grecque organisée par cousine Cryssilda et moi-même.

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Pietr le letton

pietrA la gare du nord, Le commissaire Maigret attend l’Etoile du nord – le célèbre train – à bord duquel doit se trouver un escroc international de renom, connu sous le nom de Pietr le letton, dont il ne connait qu’un portrait parlé mais précis. Et il le reconnait effectivement, sémillant dans son complet de grand faiseur, suivi d’un porteur chargé de bagages de grand luxe. Mais avisant un attroupement, il se rend rapidement compte que non seulement le train a été le théatre d’un meurtre mais que le mort pourrait tout autant correspondre au portrait qu’il a reçu. Pietr serait-il mort, et dans ce cas qui donc joue son rôle ?

Au moment de me choisir un Simenon, il m’a paru logique d’attaquer la toute première enquête du célébrissime commissaire Maigret, écrite vers 1929 – 1930, par le jeune Georges Sim qui pour la première fois décida de le signer de son véritable patronyme. Et comme autrefois, la plume magique de l’auteur m’a séduite, distillant l’ambiance d’un Paris perdu, affinant des personnages complexes et campant ce très fameux commissaire taillé dans le granit, lourd, lent, imposant, fumeur de pipe invétéré, grand consommateur de sandwiches et de demis. Alors certes, époque aidant, certaines remarques sont quelques peu dérangeantes et l’intrigue, quoique agréable, n’est sans doute pas la plus originale de cet écrivain prolifique mais tel quel c’est un roman fort plaisant, qui développe le type d’enquêteur que je préfère, un peu après Porphiri Petrovitch et Hercule Poirot, de ceux qui cherchent l’humain dans les failles du coupable et qui, par cette empathie, parviennent à résoudre leurs affaires. Voyage temporel !

Pietr le letton – Georges Simenon – 1931

Lire-le-monde-300x413Lu dans le cadre de la LC Simenon du challenge Lire le monde de la très voyageuse Yspaddaden

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Agatha Christie – La romance du crime

christie-1Pour être parfaitement honnête avec vous, ce n’est pas la première biographie de dame Agatha que je lis. Car après tout, lit-on des biographies pour apprendre des faits ou pour le plaisir d’entendre parler d’un auteur aimé ? Je pose la question et j’y réponds, sans doute n’ai-je pas appris grand chose à la lecture du beau livre de François Rivière mais je me suis certainement régalée.

D’une part, l’auteur a rassemblé une iconographie tout à fait exceptionnelle faite de photos familiales ou de presse, couvertures de roman, affiches et extraits de films, fac-similés en tout genre à la fois originaux et intéressants (en général, ce sont toujours les mêmes photos que l’on retrouve partout), d’autre part il a su apporter un éclairage personnel sur certains épisodes de la vie de la romancière qui changent un peu des versions officielles qu’elle s’est efforcée – avec opiniâtreté – d’imposer toute sa vie. Je pense notamment à sa fameuse disparition sur laquelle elle a gardé un silence obstiné mais que François Rivière présente sous un jour qui me semble assez cohérent avec les situations ou remarques qu’elle place dans la bouche de ses personnages de l’époque. Un fort beau livre donc, intéressant tant pour les aficionados que pour ceux qui s’intéressent pour la première fois à la Reine du crime et de l’édition… Car Agatha la modeste qui s’est toujours prétendue un écrivain de troisième zone préoccupée seulement de faire bouillir la marmite est aussi l’auteur le plus vendu dans le monde (la Bible seule surpasse ses ventes) et le troisième auteur le plus traduit… Près de quarante ans après sa mort, elle est toujours lue, fait toujours vendre, suscite autant de passions et de discussions (Dr Who lui-même, lui rend un hommage appuyé entre Dickens et Shakespeare, si cela n’est pas un signe que faudrait-il ?) malgré son conservatisme, ses positions surannées parfois même déjà à son époque et le classicisme de ses romans, il y a quelque chose chez Dame Agatha dans le pétillant de sa plume, la verve élégante de ses personnages, la pertinence de son humour, la solidité de son bon sens qui séduit encore et toujours.

Un seul bémol à cette lecture peut-être, l’étonnante abondance de coquilles, maladresses – comme si parfois on avait coupé le texte à la sauvage – et petites incohérences – de dates notamment – qui fatiguent un peu à la longue – fi l’éditeur ! – même si elles ne gâchent heureusement pas le plaisir de la lecture. Passionnant !

Agatha Christie – La romance du crime – François Rivière – Éditions de la Martinière – 2012

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