Il pleuvait des oiseaux

“Ted était un être brisé, Charlie un amoureux de la nature et Tom avait vécu tout ce qu’il est permis de vivre. Une journée après l’autre, ils ont vieilli ensemble, ils ont atteint le grand âge. Ils avaient laissé derrière eux une vie sur laquelle ils avaient fermé la porte. Aucune envie d’y revenir, aucune autre envie que se lever le matin avec le sentiment d’avoir une journée bien à eux et personne qui trouve à y redire”.

Quand la photographe débarque au campement de Charlie, Ted, à moins qu’il ne s’appelle Ed ou Edward, vient de mourir, or c’est lui qu’elle cherchait. Lui – la légende – le garçon errant dans les cendres du grand feu de Matheson qui ravagea le nord de l’Ontario en 1916. Derrière lui, il ne laisse qu’un chien, deux vieux amis en rupture de société et des centaine de toiles, essentiellement grises mais parcouru d’étranges éclairs de couleur. Pour elle, c’est le point final à une recherche entreprise sans trop savoir pourquoi ni dans quel but, retrouver et photographier les derniers survivants des “grands feux”. Le point final oui, mais aussi le début de quelque chose de tout différent, quelque chose qui va peut être donner du sens à sa quête et plus encore…

D’abord un peu bousculée par le style très visuel de l’auteure, je me suis laissé happer par cette magnifique histoire, toute simple en apparence – une année au fond des bois – mais brassant intimement de multiples thèmes sans avoir l’air d’y toucher – Les fameux grands feux du début du XXe siècle bien sûr et les marques profondes qu’ils ont imprimé sur les survivants mais aussi la solitude, la vieillesse, la marginalité, l’amitié, l’amour, la liberté surtout… Liberté d’une autre vie, détachée des obligations, des contraintes, de la famille, des médecins, des services sociaux – que sais-je – de tous ceux qui nous veulent du mal et, pire encore, du bien. Ces petits vieux – comme les appelle complaisamment la photographe dont nous ne sauront jamais le nom, veulent simplement avoir le choix, celui de leur vie, comme celui de leur mort et pour cela ils ont choisi la forêt, rude, éprouvante, qui isole mais qui protège aussi et parfois voit éclore ce qu’on n’attendait plus. Lumineux !

Il pleuvait des oiseaux – Jocelyne Saucier – XYZ – 2011 (en France – Denoel 2013)

L’avis – enthousiaste – de la so sweet Karine

PS : J’ai fait quelques recherches ensuite – évidemment – et j’ai vu des articles et des photos sur ces grands feux qui ont ravagé le nord de l’Ontario – impressionnant vraiment et effrayant !

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Histoire d’Alice qui ne pensait jamais à rien (et de ses nombreux maris, plus un)

aliceÀ l’enterrement de sa mère, Paul fait la connaissance d’Alice, la sœur de celle-ci, qu’il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer. Mariée très jeune, elle avait suivi son premier mari au Canada et n’avait jamais, depuis, remis les pieds en Belgique. Curieux, Paul accepte de partager quelques moments avec cette charmante vieille dame à l’élégance discrète et peu à peu, de restaurants en salons de thé, de promenades au parc en dîners raffinés, Alice se met à lui raconter sa vie – la vie étonnante et mouvementée d’une femme toute simple, vouée au deuil mais douée pour le bonheur…

Francis Dannemark est un des auteurs que j’ai décidé de découvrir pour le mois belge sur recommandation toute spéciale de Julie des Magnolias, une des mes très chères partners in crime (oui oui je sais, nous sommes déjà presque à la fin du mois, MAIS tout d’abord ne pas écrire ne signifie en rien que je ne lis pas, ensuite le mois à été prolongé genre quitte ou double et enfin découvrir des auteurs belges voilà l’important.) Bref tout cela pour dire que ce roman fut une délicieuse expérience de lecture. Enfin un livre qui respire le bonheur, grâce à cette Alice, personnage authentiquement heureux, peut être pas tous les jours certes, comme elle l’avoue elle-même, mais toujours prête à repartir, à se laisser à nouveau séduire par la vie, par l’amour – sans trop réfléchir voire sans réfléchir du tout… C’est une vie bien plaisante que Francis Dannemark nous convie à partager, dans un style tout de douceur et d’élégance. Reposant !

Histoire d’Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) – Francis Dannemark – Robert Laffont – 2013

Lu dans le cadre du mois Belge organisé par Denis

PS : J’ai aimé ce roman et j’en lirai d’autres de sa plume mais rien que pour son art du titre, l’auteur m’aurait séduite : titre à rallonge et parenthèse, que du bon !

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Très bonne année à tous…

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L’homme idéal (en mieux)

Depuis le départ de son compagnon, Émilie mène une vie bien remplie, disons plutôt épuisante, entre sa fille, son métier de professeure de lettres, ses copies à corriger, ses amies bien intentionnées, ses discussions facebookiennes et ses insomnies chroniques. Malgré les encouragements de ses amies, elle a fait une croix (qu’elle espère temporaire quand même) sur sa vie amoureuse, en attendant d’être vraiment remise de sa rupture mais c’est évidement sans compter avec le sort et le fait que certains hommes fréquentent, contre toute attente, les librairies…

Que ce roman relève de la Chick-lit ou de la romance qu’importe ! Je ne suis pas habituellement une lectrice de ces genres (désolée les prêtresses). Certes j’apprécie de temps à autres une romance historique mais les romances contemporaines me donnent la plupart du temps envie de hurler de frustration quand elle ne me font pas bailler d’ennui. Les gens ne peuvent PAS être aussi immatures et stupides et je hais ces invraisemblables quiproquos qui durent alors qu’ils pourraient être résolus en trois mots si les protagonistes se donnaient la peine d’ouvrir la bouche.

Cela dit, je savais avoir peu de chance de trouver de tels ingrédients dans ce roman précis car quand votre glamourissime jumelle bloguesque se lance en écriture, alors même que vous êtes tombée en amitié avec elle en la lisant, il y a de bonne chance que sa prose vous séduise. Et c’est bien ce qui s’est passé… Rien d’indigeste ou de grossier ici, tout est léger, bien mené, convainquant, réaliste. Ah Émilie, Émilie… que tes obsessions me parlent, que tes cheveux frisent, que tes conversations me font mourir de rire, que tes goûts me chatouillent… Je jure devant Tolkien que tout est possible dans ce roman sauf peut être la rencontre avec un sosie du mythique Bradley Cooper, mais baste les livres sont là pour nous faire rêver que diable.

Angela Morelli nous trousse ici une fable contemporaine allègrement menée, délicieusement écrite, truffée de références littéraires, et pour tout dire aussi drôle et pétillante que parisiennement réaliste. Autant dire un must have du genre. Fashionesque !

L’homme idéal ou presque – Angela Morelli – 2013 – HQN

PS: Pour l’instant ce petit délice n’existe que sous forme électronique mais ne désespérons pas…

PPS: et pour les afficionados, Angela a commis, il y a quelques mois, le délicieux Sous le gui, une très jolie nouvelle de noël qui mérite votre attention et que vous pouvez télécharger gratuitement ici. enjoy !

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Le cas Eduard Einstein

1930, Mileva Maric, ex-femme d’Albert Einstein, vient de vivre une des journées les plus éprouvantes de sa vie – elle a conduit son plus jeune fils Eduard – 20 ans, à l’asile du Burghölzli de Zurich et est repartie, seule, rongée de culpabilité et de désespoir. Dans le même temps Albert à Berlin s’interroge : alors que le monde se referme sur lui, devenu ennemi du régime hitlerien, que convient-il de faire pour ce fils qui l’inquiète depuis longtemps et sera bientôt diagnostiqué schizophrène ? Et Eduard dans tout cela ? Eduard rêve, imagine, sanctionne, philosophe aussi… que lui sert donc d’être le fils du plus grand génie du siècle, un absent qu’il déteste, et ne peut-il se définir que comme fils de… ? Jamais plus Eduard, vulnérable, souffrant mais aussi dangereux ne quittera vraiment l’asile, jamais plus ses parents ne se libéreront de la lourde charge de l’enfant malade…

Que voici un roman fascinant, mené à trois voix celles d’Eduard, de Mileva et d’Albert, il tisse l’histoire d’une famille brisée qui n’existe plus que par la maladie d’un des fils. Car c’est bien de cela qu’il s’agit… Après leur divorce, Albert et Mileva aurait pu cesser totalement de correspondre – peut être cela eut-il été mieux pour Mileva après tout – mais un fils malade, incurable, fou… dont il faut prendre soin – serait-ce de loin, pour lequel il faut prendre des décisions, cela représente des obligations bien difficiles à tenir que ce soit pour des raisons psychologiques – Albert semble persuadé que sa présence ne pourrait qu’aggraver l’état de son fils – que pour les difficultés pratiques d’un monde déchiré par la guerre et l’exil.

Laurent Seksik sait donner corps à ses personnages et on ressent une grande compassion pour ses destins qui peuvent apparaitre de l’extérieur, brisés – Mileva – pleinement accompli – Albert – ou simplement gâché par la maladie et les balbutiements d’une psychiatrie naissante – Eduard – mais qui tous recèlent une terrible félure affective. Juger pourrait sembler facile mais L’auteur ne s’y risque pas et je lui en sais gré car qui pourrait prétendre savoir que faire dans une telle situation. Une plongée fascinante quoique parfois dérangeante dans l’intimité d’un des grands hommes du XXe siècle. Poignant!

Le cas Eduard Einstein – Laurent Seksik – 2013 – Flammarion

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Joyeux noël

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Le rocher de Montmartre

Zozie, à moins qu’elle ne s’appelle Françoise, Emma ou Amélie, est en chasse… Avide d’une nouvelle vie, de changements, d’un défi, de quelque chose enfin qui comble le vide infini qu’elle promène partout où la mène ses pas. Elle pense avoir trouvé son prochain dessein en tombant, quelque part dans Montmartre, sur une étrange et fascinante petite fille. Autour d’Annie, de sa mère Yanne et de sa petite soeur Rosette flotte une aura de magie réprimée qui fascine Zozie et lui donne envie de s’installer, d’exercer son pouvoir – qui n’est pas mince – pour comprendre ce qui se cache derrière la façade de cette chocolaterie délabrée, sous le manque de fantaisie de cette femme secrète. Et sous l’influence de Zozie, peu à peu, la petite place montmartroise s’anime, la vie reprend ses couleurs et noël s’annonce magique… à condition de se souvenir que tout ce qui brille n’est pas d’or.

Quelques années après Chocolat, on retrouve Vianne et Anouk mais leur vie a bien changé. Plus de fantaisie, plus de magie douce pour embellir le quotidien et lui donner ce petit lustre doré qui fait toute la différence. Quelque chose est arrivé à Vianne transformant cette femme pleine de vie en une créature dominée par la peur, repliée sous un conformisme gris et vendant d’insipides chocolats industriels. Avec la nouvelle arrivante cependant et ses chaussures sucre-d’orge qui donne son titre anglais au roman –  la vie semble reprendre. La magie se déploie à nouveau, Vianne ranime ses fourneaux et la boutique s’emplit de merveilleux effluves mais sous ces apparences brillantes quelque chose de plus sombre se trame sans que l’on sache bien si le plus grand danger qui guette Vianne et ses filles se trouve dans l’obscurité avide et scintillante ou dans une normalité grise et sans joie.

Quel joli roman ! J’avais beaucoup aimé Chocolat et son hymne à la vie et la magie du quotidien mais je me demande si je n’ai pas préféré celui-ci, plus sombre, plus retors, avec une touche de tristesse – celle de la mère qui voit son enfant grandir et s’éloigner peu à peu – mais porté par une force de vie puissante dégageant des arômes de chocolat parfumé de cannelle et de vanille avec une touche d’orange amère. Délicieux !

Le rocher de Montmartre – Joanne Harris – Traduit de l’anglais par Jeannette Short-Payen – 2008 – Baker Street

PS : Attention, ce livre donne faim !

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Une part de ciel

Une boule de verre dans la boîte aux lettre… Depuis toujours, c’est ainsi que Curtil annonce ses retours, et depuis toujours, pour ses enfants c’est le signe de l’attente du père. Alors Carole fait ses valises et retourne au Val où elle a grandi, au Val que son frère et sa soeur n’ont jamais quitté et où ils attendent eux-aussi, armés de leur boule à touriste pleine de cristaux de neige artificielle tombant sur des décors naïfs.

Voir son père, le retrouver et rentrer, l’affaire de quelques jours dont elle profitera pour avancer un peu sa traduction de la vie de Christo – celui qui voile les choses pour mieux les révéler, c’est ce que pense Carole. Seulement, Curtil n’est pas encore là quand elle arrive, et l’attente s’installe…

Je n’avais jamais lu Claudie Gallay. On s’en moque me direz-vous et vous aurez bien raison mais cela a son importance car cette lecture me fut un choc esthétique. Le style de cette auteure est bien étrange. Au premier abord, il agace. Il gratte, il démange, accroche l’oeil et puis sans qu’on sache bien pourquoi, on se retrouve installée dans cette histoire, dans cette attente, faite de gestes quotidiens décrits aussi minutieusement aussi sobrement aussi banalement que la nature sauvage qui se referme sur ce village de montagne. Quel est donc l’adjectif qui signifie exactement l’inverse de lyrique ? Certainement pas simple en vérité. Quelque chose comme âpre peut être ou cru ou austère mais avec un côté plus sensuel que désagréable dans le rugueux – oui je m’égare dans le lyrisme justement, abus d’adjectif, vous me ferez vingt lignes – car, quand tout est dit, une fois dedans, on ne veut plus que cela s’arrête. Les personnages vous deviennent aussi proches que votre propre famille, la nostalgie vous écorche, la neige vous brûle et dans ce temps qui s’étire, chacun a le loisir de méditer sur les relations qui se tissent entre nous et les autres, entre frères et soeurs, entre amis d’enfance, entre mère et fille, entre femme et homme, entre homme et chien… Une découverte !

Une part de ciel – Claudie Gallay – Actes Sud – 2013

PS: Coup de coeur (au cas où ce ne serait pas clairement clair)

PPS: Le soir même, une adaptationdes Déferlantes passait à la télé, j’ai aimé…

PPPS: je suis en train de lire les Déferlantes…

PPPPS: Qu’a-t-elle écrit d’autre, il me faut des munitions…

PPPPPS: LCA (Lectrice compulsive anonyme) bonjour j’m’appelle Yue, quinze minutes sans toucher un livre, vous aimez Claudie Gallay ?

Lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire organisés par Price Minister.

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Taguée, Taguons…

Julie des Magnolias a eu la gentillesse de me taguer en espérant que je ne m’étais pas déjà livrée 17 fois à cet exercice. 100 fois, 17 ou plus, qu’importe tant qu’on cause et moi je suis toujours prête pour un brin de causette. Or donc…

 

Ma plus grande réussite :
 Vous pouvez répéter la question ? Je m’interroge, réussite en quel sens ? Professionnelle ? Manuelle ? Familiale ? Culinaire ? Du coup j’ai demandé son avis à une de mes trois plus grandes réussites familiales (mon fils). verdict : Le poulet mariné avec risotto aux cèpes… imparable !

Mon livre préféré : L’ennui c’est que ça change tout le temps ces choses là. Avant 15 ans, j’aurais dit les Trois mousquetaires ou les Rois maudits. Depuis, j’ai fait beaucoup mieux en matière de relectures. Le Seigneurs des anneaux, tenez, je le lis normalement une fois par an (ou deux). Je vous entends ricaner mais cela fait 20 ans que ça dure… notez que je me souviens d’une année où j’ai lu plus de 30 fois Orgueil et Préjugé (oui la même année). Qui a dit compulsive, qu’il se dénonce…

Le pays qui m’a marquée : J’hésite… J’ai prêté serment à la reine du Canada le jour où je suis devenu canadienne, alors disons que même si j’ai quitté le Québec depuis, c’est un pays qui m’a durablement marqué. Sinon en tant que voyageuse de passage, la Chine et le Japon sans aucun doute…

Mon rêve le plus fou : Voler !

La naissance de mon blog : J’ai toujours été frustrée de discussions livresques, jusqu’au jour où j’ai commencé à vadrouiller sur les blogs. De Cuné en Golb, j’ai découvert un monde et un jour de septembre 2006 (tout ce temps déjà) j’ai décidé de sauter le pas. Je pensais faire un journal de lecture un peu basique mais complet ; j’ai découvert que j’aimais l’écriture mais lisais définitivement plus vite que j’écrivais. Par la même occasion j’ai su enfin que je n’étais pas seule dans l’univers, que d’autres que moi lisaient déraisonnablement, tombaient amoureuses de personnages de papier, pouvaient passer d’Angélique aux sagas islandaises en passant par Sherlock et Louise Labbé. Ce fut beau, ce fut grand, ça l’est toujours.

La personnalité que j’aimerais être : Elizabeth Bennet (rien d’original, je l’avoue, mais avec Matthew Darcy please) ou Rose Tyler (pas taper les copines, ce n’est pas tant pour le Docteur que pour voyager dans le Tardis…)

(désolé, cela faisait longtemps que je n’avais pas mis une photo de Matt Darcy dans ces pages, il me manquait !)

Le don que j’aimerais posséder :
 Faire le ménage juste en remuant le nez.

Le plus gros défaut de l’homme qui partage ma vie :
 son humour glacé et sophistiqué de gastéropode, d’un autre côté c’est aussi une de ses plus grandes qualités.

Light ou pas light ? Bio ou pas bio ?
 Light oui souvent (mea maxima culpa, mais mon poids m’est une grande perturbation), bio rarement, disons quand j’ai l’impression que ce n’est pas – que – une arnaque. Sceptique is my middle name.

La it-pièce de mon armoire :
 Je ne comprends pas la question (aïe, et mes filles qui ne sont pas là). Si it-pièce signifie vêtement préféré du moment, je dirais ma petite veste entièrement passementée de rose façon brocart.

Combien de temps passé devant mon écran : juste beaucoup trop !

 

Je dois maintenant désigner quatre personnes, bien bien bien, Taguons, taguons :

Karine parce que c’est elle et que j’adore lui donner une occasion de raconter sa vie

Coccinelle parce que je viens de découvrir son blog

In cold blog parce que je connais son blog depuis trrrrèèèèès longtemps

et Cess parce que ses billets me font souvent mourir de rire

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Au revoir là-haut

Automne 1918, dans les tranchées on attend la fin de la der des der en essayant de se faire le plus petit possible. Enfin peut-être pas tout le monde, certains officiers espèrent sans doute un ultime fait d’arme qui leur assurerait une dernière tranche de gloire assaisonnée d’une petite breloque voire d’une promotion et tant pis pour le glaçage de morts. De là, à provoquer toute l’affaire, il n’y a qu’un pas… Et dans le tourbillon de fer et de feu de la cote 113, trois hommes vont se retrouver liés à jamais, Albert petit comptable quelque peu falot, Edouard flamboyant fils de famille en rupture de ban et Henri – mais nous l’appellerons plutôt Pradelle – profiteur de guerre qualifié et je dirais assumé.

Dans une France ravagée par la guerre, glorifiant ses morts mais avide d’oublier des survivants mutilés, traumatisés et pour tout dire bien peu décoratifs, les affaires restent les affaires et l’époque se prête prodigieusement aux trafics et arnaques en tout genre. Et après tout, si le pays ne les aide pas, certains n’ont-ils pas quelque droit à exiger réparation d’une façon ou d’une autre…

Bon avouons-le c’est un roman plutôt glauque que nous avons là : une période à la limite du sordide, des personnages qui ne sortent pas vraiment grandis de leurs épreuves et restent bien peu attachants – quand ils ne sont pas tout bonnement immondes, mention spéciale au monumental Pradelle – et une intrigue certes fort habile mais qui donne une image peu ragoûtante de l’humaine nature. Notez bien que l’arnaque des poilus – contrairement à celles (au pluriel) de leur officier – a quelque chose de sympathique voire de grandiose et on en arrive à souhaiter qu’elle réussisse. Car la grande qualité de ce  roman, outre un style excellent, est cette maitrise dans la conduite de l’histoire – cet emboitement d’arnaques en miroir – qui culmine en un véritable suspens. Je ne suis pourtant pas amatrice du genre – je fuis les thrillers comme la peste – mais là, je me suis laissé prendre au jeu. Si je devais chercher la petite bête, je dirais qu’entre un début grandiose – un premier chapitre d’anthologie – et une fin picaresque, le rythme faiblit un tantinet mais pas de quoi gâcher mon plaisir de lecture. Cruel !

Au revoir là haut – Pierre Lemaître – 2013 – Albin Michel

P.S. Le magnifique titre de ce roman est tiré de la dernière lettre de jean Blanchard, fusillé pour trahison en 1914 – réhabilité en 1921 « Je te donne rendez-vous au ciel où j’espère que Dieu nous réunira. Au revoir là-haut, ma chère épouse… »

P.P.S. Sur cette période de l’après première guerre, je ne saurais trop recommander dans un autre genre – un rien moins glauque – Un Long dimanche de fiançailles de mon très aimé Sébastien Japrisot et son adaptation cinématographique éponyme par l’excellent Jean-Pierre Jeunet.

Une Lecture commune avec Julie des Magnolias

 

 

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