Temps glaciaires

vargas— Commissaire, lança un autre lieutenant, le juge exige de classer. (…)

— Je classe, annonça Bourlin en soupirant, comme physiquement vaincu. À condition qu’on tente encore d’éclairer le signe qu’elle a dessiné à côté de sa baignoire. Très clair, très ferme, mais incompréhensible. Il est là, son dernier message.

— Mais inaccessible.

— J’appelle Danglard. Lui saura peut-être.(…)

— Le commandant Adrien Danglard ? intervint un brigadier. De la brigade criminelle de Paris 13 ?

— Lui-même. Il sait des choses que vous n’apprendrez pas en trente vies.

— Mais derrière lui, murmura le brigadier, il y a le commissaire Adamsberg.

— Et ? dit Bourlin en se levant presque majestueusement, les poings posés sur la table.

— Et rien, commissaire.

Rien voire ! Ce n’est jamais rien que de mêler Adamsberg à quelque chose, surtout quelque chose d’un tant soit peu tordu, pardon mystérieux. Le pelleteux de nuages voit des choses là où personne ne voit rien et ignore ce qui semble évident à tous… Le suicide douteux de la femme au signe inaccessible (signe qui tiendra l’érudit Danglard en échec, à son grand dam) conduira l’équipe d’Adamsberg du cœur de la révolution française – par le biais d’une bien étrange association d’amis de Robespierre – aux franges de l’Islande sur le minuscule ilot du Renard où, piégé par l’afturganga, un groupe de touristes français vécût un étrange cauchemar quelque dix ans plus tôt. Ajoutons un Creux non loin de Sombrevert, des soirées costumées façon Convention, un sanglier nommé Marc et sa gouvernante prénommée Celeste (ou l’inverse), un Sanson déprimé descendant de bourreaux, quelques canards décapités… Un bel écheveau d’algues entremêlées dont on se demande bien comment l’auteur et son commissaire vont se sortir.

Vous le conseillerais-je ? Cent fois oui. L’aimerez-vous ? Je l’espère. Fred Vargas a le polar poétique, l’intrigue raffinée et la verve onirique. Qu’elle nous entraine sur les traces de la Grand Chasse de la Mesnie Hellequin ou dans les rets glacées d’un démon brumeux de l’Islande profonde, ses intrigues, aussi cruelles et drôles soient-elles distillent toujours ce parfum de sortilège, de conte et de forêt qui enchante. Ses personnages extravaguent, aussi bizarres qu’attachants, son érudition fascine, ses dialogues sont éminemment drolatiques. Un pur bonheur !

Temps glaciaires – Fred Vargas – Flammarion – 2015

PS : Les romans de Vargas – ses rompols – sont toujours – toujours – trop courts mais heureusement ils se relisent très bien

PPS : Fred Vargas est historienne ou plus exactement Archéozoologue médiéviste, déjà ça, ça me fait rêver…

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