Mary Yellan, fille de fermier du sud de la Cornouaille, se retrouve seule au monde à la mort de sa mère. Ne sachant que faire, elle décidé d’obéir à la défunte et de rejoindre son unique parente, sa tante maternelle, perdue de vue depuis son mariage, plus de dix ans auparavant. Après avoir vendu ses maigres biens, elle prend donc le coche – nous sommes au début du XIXe siècle – et part pour les landes du nord où son oncle et sa tante semblent prêts à l’accueillir. Avant même d’arriver sur place cependant, Mary se rend compte que l’auberge de la Jamaïque, que tient le couple, et son propriétaire, Joss Merlyn son ci-devant oncle, ont fort mauvaise réputation. Mary n’a guère le choix mais c’est pleine d’appréhension qu’elle se présente à sa tante – fort changée -, à son oncle – plus qu’inquiétant – et s’installe dans cette auberge plus délabrée que florissante…
L’Auberge de la Jamaïque n’est pas le meilleur roman de Daphne Du Maurier. La narration manque de maitrise et son intrigue est loin d’être aussi aboutie que celle de Rebecca écrit deux ans plus tard, pour autant c’est un roman d’aventure fort agréable à lire et les thèmes que l’auteure y brasse m’ont semblé fascinants.
Tout d’abord l’évocation de la lande est superbe sous la plume de l’auteure, toute frémissante de réminiscences de romans gothiques – Emily Brontë et ses Hauts de Hurlevent ne sont pas si loin – alliant roches torturées, bruyères noires, brouillard et sable mouvant. La lande en somme, des plus familières pour qui l’a arpentée au côté de Watson et Holmes dans le Chien de Baskerville (j’aime replacer mes chouchous).
L’intrigue elle-même est assez prévisibles pour qui connait un peu les romans d’aventure de ce temps – j’avais deviné les occupations de l’oncle Joss bien avant que Mary commence à soupçonner quoique ce soit – mais cela fait toujours plaisir de retrouver ce genre de malandrins un peu oubliés de nos jours. Ce qui est moins prévisible et même surprenant pour l’époque, c’est la tension sensuelle que Daphne Du Maurier instaure entre Mary et son oncle d’un côté et Mary et Jem de l’autre. Sans déroger vraiment à la bienséance d’un roman des années trente, les réactions de Mary devant la ressemblance – et les privautés – des deux frères, entre répulsion et fascination, sont plus qu’ambigües.
Enfin, et je crois que c’est un thème récurrent chez l’auteure, ce roman traite encore une fois – ou faut-il dire déjà – de la place des femmes dans le monde, la famille et surtout l’action. Les figures féminines de ce roman sont soit soumise et brisée – la tante Patience – soit soumise et gâtée – la femme de Squire – mais aucune n’a réellement de place, elles se définissent par leur mari et s’effacent – volontairement ? – devant lui, seule Mary tente d’agir – à bon ou mauvais escient, de garder sa liberté de choix et d’action. La proposition qui lui est faite à la fin du livre est à ce titre étrangement tournée, “Si vous étiez un homme, je vous demanderais de venir avec moi, vous grimperiez sur le siège, vous enfonceriez vos mains dans vos poches et nous resterions ensemble aussi longtemps qu’il vous plairait.” Quelle déclaration ! Est-ce Mary qui l’écoute ou Daphne qui en rêve ? Je vous laisse découvrir leur réponse. Ténébreux !
L’auberge de la Jamaïque – Daphne Du Maurier – 1936 – Traduit de l’anglais par Leo Lack – Albin Michel
PS : Je me rend compte que j’ai négligé de parler de l’intéressant vicaire d’Altarnum qui pourtant mériterait à lui seul tout un chapitre, mais ce sera pour une autre fois…
Lu dans le cadre du mois anglais des dames Cryssilda, Lou et Titine…
A 15 ans, l’auberge de la Jamaique, ça le fait bien. Visiblement, tu t’es fait une longueur de Daphné du Maurier. Je crois que j’en ai un dans ma PAL dont je ne me souviens plus le titre, que je pourrais te léguer momentanément …
Ah oui, je veux bien, je crois que j’aime Daphné, c’est pas comme si j’étais obsessionnelle hein 🙂
Je réalise cette semaine que ce roman ne parle pas du tout de ce à quoi je m’attendais… j’ai très envie de le lire maintenant 🙂
Pas le meilleur mais il a son charme et puis il y a ce condensé de roman gothique 🙂
Gé-nial !
Tu pourrais l’inscrire dans ‘La Grande Braderie de l’été’ (série à venir sur Libellus et déjà présente sur Facebook). Il y a, en couverture, un très beau voilier, digne des conquérants du ‘Vaisseau ardent’.
Tina, je te ferai dire que Yueyin ne se fait pas une “longueur”, elle se fait une ligne – mais je n’ai rien dit.
Mais oui je pensais bien que Daphné pourrais faire partie de la grande braderie 🙂 il faudrait un logo… je vais faire ça bientôt 🙂 (et je ne relèverai pas tes insinuation monsieur Lou, une ligne de Du Murier franchement 🙂 )
Voila ma twinette tu résume parfaitement: pas le meilleur , mais bon quand même!!! Bref du Du Maurier quoi!!! ^^ (comment ça moi aussi je suis obsessionnelle comme fille??? :oD )
oui on a des côtés comme ça 🙂
Bonsoir,
Une petite cure de Du Maurier, c’est toujours du plaisir assuré -bon, c’est vrai, je ne suis pas la reine des slogans-, j’aime bien de temps en temps me plonger dans les ambiances souvent vénéneuses de ses romans, me délecter devant sa façon de dépeindre la psychologie de ses personnages…
ah oui vraiment, je crois que je vais continuer à lire ses romans bien inhjustement oubliés 🙂
J’ai beaucoup aimé “Ma cousine Rachel” et je vais bientôt attaqué “Rebecca”. Celui-là attendra un peu 😉
Ah oui je pourrais continuer avec la cousine, j’uy pensais justement 🙂 Rebecca c’est un must, tu ne le regrettera pas 🙂
je l’ai dans ma pal, mais il est en sacrément mauvais état…je le lirai en numérique!
Un vieux poche ? y’en a pas mal qui trainent 🙂
Une déception, en ce qui me concerne.
Ah dommage, c’est particulier et il a des défauts mais il m’a bien plu quand même 🙂
Ce mois anglais m’enchante car je vois fleurir des billets sur l’oeuvre de cette chère Daphné. Je suis comblée !
Ah oui Daphné est à l’honneur et elle le mérite 🙂
Un roman qui m’est littéralement tombé des mains.