Pour notre rencontre “Lire et Délires” du mois de janvier, nous avons choisi le thème “coup de coeur de l’un des membres”, chacune ayant normalement fourni une liste de cinq de ses chouchous – bon dix pour moi, j’ai du mal à me restreindre. Une bien jolie liste que nous avions là ma foi, plutôt éclectique et dans laquelle j’ai choisi un coup de coeur de Marie, Ce Maître et Marguerite donc, dont j’avais entendu parler mais sans vraiment savoir à quoi m’attendre. Même après avoir lu ce billet, vous ne saurez toujours pas à quoi vous attendre devant cet objet textuel non identifié à la fois satire sociale, dénonciation politique, roman fantastique, farce cruelle, parodie grotesque… Je pourrais continuer mais cela risquerait de faire un tantinet énumération.
Donc résumons-nous, le diable débarque un beau jour à Moscou, accompagné de ses démons familiers, Béhémoths le chat, Fagot le chantre, Azazello le tueur et Hella la sorcière… A eux cinq, ils vont semer une pagaille indescriptible dans la ville s’en prenant principalement au monde intellectuel et artistique moscovite. Du moins pour ce qui est de ses représentants les plus hypocrites, corrompus, intéressés, menteurs et autres péchés divers largement encouragés par un régime – jamais nommé bien évidemment, le roman a été écrit dans les années trente – dont on sent la présence écrasante en filigrane dans l’usage du discours unique, des disparitions habituelles et des slogans obligatoire. Peut être aussi dans l’endroit où se retrouve quasiment toutes les victimes – fort peu sympathiques il faut l’avouer – des farces infernales, l’hôpital psychiatrique – faussement bucolique – où un certain Stravinsky soigne ses patients à grand renfort de calmants divers. Fort heureusement les notes de bas de page – abondantes – sont là pour nous éclairer sur les non moins abondantes références – littéraires, politiques ou musicales – maniées par l’auteur. Car qu’allaient donc faire Stravinsky ou Rimski dans cette galère, on se le demanderait si les précieuses notes n’étaient là pour nous apprendre leurs positions – spirituelles ou matérialistes par exemple – expliquant le rôle que Boulgakov leur attribue dans cette histoire.
Entrelacés à ce thème central, deux autres fils conducteurs forment la trame du roman, d’une part le récit du jugement de Pilate et de la crucifixion raconté tant par le diable lui-même que par un roman peut être déjà brûlé et l’histoire d’amour entre le maître et Marguerite – le maître n’étant autre que le romancier de Pilate et Marguerite, son amante, en quelques sortes le choix du diable. A ce sujet le bal de Satan dans la troisième partie du roman est à mon sens le moment le plus magique de cette oeuvre avec son faste décalé, ses morts célèbres qui se lèvent, ses fontaines de champagne et de cognac et son atmosphère onirique.
Ce n’est qu’assez tard dans le roman, que ces fils conducteurs se rejoignent et que les desseins de l’auteur s’éclaircissent, peut-être faut-il éviter de se poser trop de questions en cours de lecture mais se laisser porter par le récit en s’accrochant aux patronymes compliqués des personnages russes – parlez-moi des noms infernaux, tellement plus faciles à retenir. Le style est excellent, allègre, parfois poétique, nourri de littérature, le Faust de Goethe au premier chef mais pas uniquement tant s’en faut. On se prend à sympathiser avec les démons, à compatir avec Pilate et à envier les sorcières au sabbat. Classique et inclassable (oui elle était facile mais comment résister ?)
Le Maitre et Marguerite – Mikhail Boulgakov – 1942 – Traduit du russe par Claude Lagny, révisé par Marianne Gourg. Robert laffont 1993
L’avis de karine
PS : Sherlock Holmes dans une de ses aventures (Wisteria lodge si je ne m’abuse) démontrait le lien indissoluble entre le grotesque et l’horreur et c’est bien le cas ici. Les farces grotesques, souvent drôles, sont toujours sur le fil, prêtes à basculer dans le drame, le feu et le sang.
PPS : Higelin avait lu le Maître et Marguerite avant d’écrire Champagne, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement… La nuit promet d’être belle car voici qu’au fond du ciel apparait la lune rousse…
Ah oui, cette scène du bal… elle est gé-nia-le… Tu réussis mieux que moi à faire un billet cohérent, je trouve. Et ça ne t’a pas donné envie de visiter Moscou?
j’aime ton billet moi… et cohérence n’est pas le mot qui vient immédiatement à l’esprit quand on parle de ce roman de toute façon 🙂
j’ai vraiment beaucoup aimé le bal de satan, c’était magique ! et Moscou oui sans doute mais j’ai peur de ne pas reconnaitre la ville tu sais… celle de Bougakov a disparu dans mes méandre de l’histoire et de son imagination. Par contre j’adorerais participer au sabbat des sorcières.
Quoi ! Tu ne l’avais toujours pas lu ? Comment ai-je laissé passer ça depuis tant d’années ? C’est un de mes livres préférés… je suis contente que tu l’aies découvert.
Ah je ne savais pas mais il y a tellement à lire et si peu de temps pour le faire ma tina 🙂
Et tu en parles très bien, je trouve que c’est un livre difficile à décrire et inclassable, une météorite.
Merci… c’est vrai que je me suis demandé un moment comment aborder la chose 🙂
Pas vraiment délirant comme roman, mais une lecture qui a dû être intéressante.
Je dirais l’inverse Alexs, il est complètement délirant 🙂
Le moins que l’on puisse dire c’est que Marie et toi m’avez donné envie de le lire, il est inscrit en bonne position dans mon petit carnet ! 😉
bieeeeeeeeeeeen tu vas voir, ça décoiffe 🙂
Un pur chef-d’oeuvre! Cela fait quelques années déjà que je l’ai lu. A l’époque, j’avais entrepris de rattraper mon retard concernant les auteurs russes. Il a fiat partie de mes romans préférés!
Ah ces auteurs russes 🙂 on les aime hein mais quel pondeurs de pavés 🙂 celui-ci est quand même très particuliers il faut le dire mais j’ai beaucoup aimé aussi 🙂
Wow quel beau billet. Ce roman fût un coup de coeur pour moi.
merci suzanne, il ne laisse pas indifférent c’est certain, quel foisonnement !
C’est clair que tu as aimé ce bouquin
tu as bien compris que j’allais faire comme AL, passer mon tour
Oui Anjie, je crois que cela vaut mieux sauf si tes goûts changent beaucoup :-))))
Il est dans ma PAL depuis des lustres ! Ton billet m’aurait donné envie de partir le chercher immédiatement si je n’étais pas branchée sur les lettres et la biographie de la princesse Palatine en ce moment !
Peut êter ensuite alors… les lettres de la princesse palatine ? Madame ? kiffant !
Voilà un billet qui rend curieux !
Et tu nous proposerais ta fameuse liste de dix titres ??
A vos ordres mon capitaine, je vais faire un billet 🙂
m’étonnerait bien, vu mon âge
n’exagérons rien, tu es une trrrrès jeune mamie 🙂
Justement, je l’avais acheté après avoir lu le billet de Karine ! J’ai hâte de découvrir cette intrgiue incroyable et inclassable !
Inclassable c’est sûr, j’espère que ça va te plaire…
“Champagne” est une de mes chansons préférées…
Et j’avais adoré “Le maître et Marguerite”, il faut que je le relise, arg, il me faut plus de temps!
A moi aussi, j’adore cette chanson 🙂 et vraiment le bal de Satan m’a terriblemetn fait penser à la chanson, pon pourrait lui poser la question à Jacquot (bon si on le connaissait) mais s’en souviendra-t-il ?
tant de livres à lire, si peu de temps à y consacrer !