L’été, la Normandie, le sel, le sable, la famille… Voilà ce qui s’annonce pour le narrateur : toutes les apparences d’un bonheur simple, peut-être même une part de réalité mais au-dedans comme un grand vide qu’il ne s’explique pas – en même temps on ne peut pas dire qu’il soit doué pour l’introspection – mais qu’il constate avec une inquiétude diffuse. Jusqu’à ce qu’il rencontre Alice au détour d’un panier de poires, Alice vieille, excentrique, souvent acerbe, parfois plus à l’écoute de ce qu’il ressent que lui-même. Alice et ses trois Kachinas hopis sur l’armoire, Alice qui a fréquenté André Breton et les surréalistes en Arizona et qui semble encore hantée par ce là-bas trop chaud, trop sec, trop ensoleillé. Là-bas où vit le Peuple paisible*…
Je me demande à quels contes on pourrait comparer ce roman, Hansel et Gretel pour la vieille dame au fond du jardin attirant l’innocent promeneur – et puis n’a-t-elle pas un four du diable, les Mille et une nuits pour l’attraction irrésistible d’en savoir toujours un peu plus, ou encore un de ces contes initiatiques hopis où l’enfant devenant adulte comprends comment les esprits s’incarnent derrières les masques. Disons qu’il y a un peu de chaque, avec en prime cet entêtant va-et-vient, obsédant comme la mer, entre les pierres chauffées à blanc des villages Pueblos et la pluie insistante et douce de la côte d’albâtre, entre mutisme et confidences, entre coquille vide et trop plein d’images et d’émotions. Le tout dans ce style rêche et placide qui n’appartient qu’à Claudie Gallay, certains s’y ennuient, moi j’y trouve une poésie aussi poignante et vertigineuse que le vide intérieur du narrateur. Enivrant !
Dans l’or du temps – Claudie Gallay – 2006 – Le Rouergue
Déjà chroniqués dans ces pages de Claudie Gallay (que j’aime d’amour, vous l’aviez compris) : La beauté des jours, Une part de ciel et les années cerise
*c’est ce que signifie Hopis dans leur propre langue
PS : Le titre – magnifique – est inspiré directement de l’épitaphe d’André Breton, Je cherche l’or du temps, allez donc la lire à l’occasion au cimetière des Batignolles dans le 17e arrondissement de Paris section 31 (oui je me promène dans les cimetières, pas vous ?)
PPS : Les villages Hopis sont constitués aujourd’hui en réserve à part entière mais pendant longtemps ils ont été “inclus” dans la réserve Navajos dans la région des Fours corners. Un endroit désolé et magnifique qui n’est guère accessible par les temps qui courent mais on peut toujours lire Soleil hopi, le fameux livre dont il est question dans ce roman, et puis rêver…
J’ai beaucoup aimé ce roman lu il y a quelques années, d’autant plus que si je me souviens bien, une partie se déroule à Veules-les-Roses, un village au bord de la mer où je vais souvent me promener.
Oui tout à fait veules-les roses, Varengeville et Dieppe 🙂
Ce roman ne m’avait personnellement pas convaincue, malgré l’intérêt que présente le sujet, et j’avoue que par la suite, Les déferlantes m’ont laissé un goût mitigé aussi..
Mais il m’aura au moins permis de faire connaissance avec les Hopis..
Je crois que le style de Claudie Gallay ne plait pas forcément et je le comprends. Mais sur moi, après quelques pages – car les débuts me désarçonnent toujours, ça marche très très bien 🙂
j’irai bien voir Veules les roses que je ne connais pas
ah moi aussi j’aimerais même beaucoup, j’aime la côte normande presque autant que la Bretonne 🙂
Ce n’est pas mon roman préféré de l’auteure.
Ah Oui, lequel préfères-tu ? le mien c’est la beauté des jours 🙂