Cheminées de fée

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Cheminées de fée, merveille de l’érosion – Les Orgues d’Ille sur Têt – France – octobre 2016

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Les Orgues de Ille sur Têt – Octobre 2016

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Les Orgues d’Ille sur Têt – Octobre 2016

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Les Orgues d’Ille sur Têt – Octobre 2016

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Ça a commencé comme ça

c%cc%a7a-a-commence-comme-c%cc%a7aTout a commencé quand Flore reçut une lettre qu’elle n’attendait pas et qu’elle se mit à la recherche de figues qu’elle ne trouva pas. Comment, dans ce Lot-et-Garonne couvert de vergers, comprendre que les figuiers aient justement décidé de ne pas donner, l’année où elle en avait tellement besoin ? Bien sûr il restait un petit espoir, celui que Corto Pratt, ce nouvel arrivant bien trop mystérieux pour être honnête, en ait récolté un peu et qu’il veuille bien lui en vendre. Mais bien sûr pour cela il fallait lui adresser la parole et, pour Flore, c’était une tout autre paire de manches…

Où comment Angela Morelli* arriverait à nous convaincre que tout petit village du Lot-et-Garonne (ou d’ailleurs) recèle son homme mystère, séduisant au possible. Quoique il en soit des possibilités de ces petits villages où censément il ne se passe jamais rien, l’auteure a l’art de brosser des personnages attachants, de les faire vivre pour nous et de nous intéresser à leur vie, pas toujours aussi tranquille qu’il n’y parait. Au delà du troublant Corto, c’est Flore qui s’impose au lecteur, devenue orpheline trop tôt, mère trop jeune, chef de sa petite entreprise par nécessité et pâtissière-confiturière** par goût et opportunité, Flore se fraie un chemin dans le cœur de chacun, par son constant souci des autres sans doute, son solide bon sens peut-être, ses fêlures très certainement. La plume de l’auteur est toujours aussi vive, son humour aussi pétillant, ses références aussi réjouissantes, le tout au service d’une construction très maitrisée qui nous emmène exactement là où nous voulions aller. Rayonnant !

Ça a commencé comme ça – Angela Morelli – 2016 – HQ

*que j’aime d’amour, que cela soit dit une bonne fois pour toute
**ce roman donne terriblement envie de se mettre aux fourneaux, vous êtes prévenu.

De la même auteur dans ces pages
L’homme idéal en mieux (et je m’aperçois avec horreur que je n’ai pas chroniqué L’Amour est dans le foin (autre opus délectable), sans parler des ses délicieuses nouvelles, mea maxima culpa.

Publié dans roman français | 12 commentaires

Medicine river

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Will possède une petite entreprise de photographie à Medicine River en Alberta, à deux pas de la réserve d’où vient sa famille maternelle et où il n’a pas le droit de vivre, lui le fils d’un blanc qu’il n’a pas connu. Homme tranquille, ennemi de toute complication, Will peine à dire non, en particulier à son meilleur ami auto proclamé Harlen Bigbear, qui lui a toute sorte de projets et d’idées plus ou moins compliquées, destinées à améliorer la vie de tout un chacun et en particuliers celle de Will, qu’il verrait bien casé et en puissance de famille. Will qui pourtant n’en demande pas tant…

Medicine river est un roman profondément attachant, à la fois chronique de vies en marge aux lisières d’une réserve – que l’on découvre Blackfoot* au détour d’une page, j’ai mis un temps infini à la trouver sur une carte, que voulez-vous je suis curieuse – et galerie de personnages truculents, hauts en couleur, profondément reliés les uns aux autres par des liens de famille plus ou moins ténus – et qui ne seront jamais explicités car à quoi bon. Tout d’abord un peu perdu dans les noms propres qui fourmillent dans les récits décousus et souvent fantaisistes de Harlen, maître dans l’art du ragots ou peut être simplement profondément intéressé par ses frères humains, le lecteur – la lectrice – se laisse très vite porter par ces histoires toutes simples, souvent très drôles, parfois profondément émouvantes qui tracent en creux le portrait d’un homme flottant qui peu à peu retrouve des attaches. Coup de coeur !

Medicine river – Thomas King – 1989 – traduit de l’anglais par Hughes Leroy – 1997 – Albin Michel

*il s’agit de Blood 148 réserve des Gens-du-sang, nation de la Confédération Pieds-noirs au pied des Rocheuse, non loin de Calgary.

Publié dans roman canadien | 10 commentaires

Québec en novembre… c’est reparti pour un tour

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Bien chers gens de la livrosphère, chers habitués, chers passants, égarés bienvenus, piliers de bibliothèque, il nous arrive une nouvelle tout à fait ébouriffante, pour ne pas dire renversante, l’automne est là. Octobre pleut des feuilles, les figues se fendent, frère soleil pâlit et toute cette sorte de chose… Et quand Automne pointe le bout de son nez, c’est qu’il est grand temps de fouiller vos piles, de reprendre le chemin de la bibliothèque, de compiler vos envies de lecture et de sélectionner quelques lectures québécoises propres à faire connaitre et partager la littérature (entre autre) de la belle province.

Comme à l’accoutumé depuis – euh – des années disons, la très divine Karine et moi-même vous accompagneront dans ces virées québécoises où, comme à l’accoutumée toujours, tout est permis… Romans bien sûr de toute sorte et de tout calibre, essai, nouvelles, contes, bio, recettes, récits de voyages (le vôtre pourquoi pas), photos, films, musique, blabla en tout genre mais québécois.

Il y aura bien sûr des lectures communes – nous attendons vos proposition en commentaire ou sur le groupe facebook du cosmique évènement –  des billets récapitulatifs et – nous l’espérons – des idées à foison et de la causette. Si vous manquez de pistes pour préparer votre mois, vous en trouverez dans les catégories romans québécois de ce blog et de celui de Karine, dans la mega liste  Québec-o-trésors de Grominou, dans les billets récaps des années précédentes (ici celui de 2015 mais vous trouverez les autres dans le menu, juste haut dessus de ce billet), sur le groupe Facebook et j’en passe…

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Bonus, le sublime logo 2016 que nous devons à Mr kiki du Kikimundo et qui se décline en deux tailles pour se glisser dans tous les billets et maintenant à vos lectures, que le plaisir soit !

Publié dans Non classé, Québec en novembre | 21 commentaires

Ada

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Franck Logan, flic à l’ancienne plutôt trop honnête pour faire carrière, est un spécialiste des disparitions. Sa nouvelle affaire sort cependant quelque peu du cadre, lorsque la personne qu’il est chargé de retrouver, Ada, se révèle être une intelligence artificielle, dernière création de Turing corp, l’entreprise qui monte dans la Silicon Valley ! Plutôt technophobe, Logan est profondément heurté par la priorité donnée à cette affaire alors que de multiples disparitions de personnes bien vivantes (du moins l’espère-t-il) l’attendent. Et ses préventions s’accentuent encore lorsqu’il apprend que la dite Ada a été programmée pour écrire des romans, certes à l’eau de rose ce qui n’est guère son genre de prédilection, mais tout de même, des romans. Un objectif profondément perturbant pour un homme qui croit encore que certaines choses sont le propre de l’Homme et il n’est évidemment pas au bout de ses surprises…

C’est un plaisir de retrouver Antoine Bello qui est toujours un auteur des plus surprenants. Cette fois il nous entraine, sous couvert d’une enquête policière plus ou moins vraisemblable, dans les arcanes du processus de création, dans l’éternelle énigme du rapport entre créateur et créature et dans l’immédiat futur du dialogue homme machine… si toutefois on peut encore parler de machine lorsque l’on parle d’intelligence artificielle. Et le grand concepteur sait (comme dirait C3PO) qu’il semble s’y amuser autant qu’il amuse le lecteur – ou en l’occurrence la lectrice, jouant avec les codes tant du polar que de la romance, pervertissant les lois de la robotique d’Asimov d’une façon tristement vraisemblable, s’amusant des calibrages d’une certaine littérature, s’essayant à définir ce sentiment d’amour, au cœur des rêves humains mais si difficile à imaginer sous forme algorithmique. J’ai souvent pensé à la Samantha du Her de Spike Jonze* mais aussi – dans un registre plus burlesque – à la Gloria protéiforme, assistante bénévole du délicieux mais transparent détective Tem** du regretté Roland Wagner. Comme quoi l’histoire des relations entre humains et lignes de codes ne cesse de s’allonger et de s’enrichir. C’est frais, c’est enjoué et même carrément drôle, c’est astucieux et retors comme il se doit avec l’auteur, peut-être pourrais-je mettre un demi-bémol sur le traitement un tantinet léger par rapport à l’ambition et aux possibilités du sujet mais tel quel Ada allie réflexions et plaisir de lecture de fort plaisante manière. Réjouissant !

Ada – Antoine Bello – Gallimard – 2016

L’avis de Papillon, fan absolue, de Delphine-Olympe tout aussi enthousiaste, celui un poil plus réservé d’Eva

Du même auteur dans les épisodes précédents :
La trilogie des Falsificateurs
Enquête sur la disparition d’Émilie Brunet

* Her – 2013 – Comédie dramatique de Spike Jonze – USA – avec Joachim Phoenix et Scarlett Johansson
** Les Futurs Mystères de Paris – Roland C. Wagner – 1996-2007 – Fleuve noir puis l’Atalante

Publié dans roman français | 18 commentaires

Et de dix…

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Il y a dix ans, (enfin il y a eu 10 ans hier, je suis en retard comme il se doit) je décidai un beau soir d’ouvrir un blog, hop, comme cela, sans rien connaitre à rien, après juste quelques semaines de fréquentation d’une poignée de blogs de lecture (dont certains existent encore, si, si, si, n’est-il pas dame Cuné ?). En quelques clics, Chroniques de lecture vit le jour (Et si j’avais réfléchi, Tolkien sait que j’aurais choisi un nom plus original). Depuis il n’a guère changé… des livres, des livres et encore des livres, de tous les genre et de tous les âges, des billets points trop longs (j’espère), garantis sans spoil (à ma connaissance), avec notes de bas de page (parfois), parenthèses (nombreuses) et pas mal d’enthousiasme (le plus souvent) (Je préfère. Les livres sans enthousiasme, ça me fatigue rien que d’y penser alors en écrire…).

gaston-livresEn dix ans, la blogosphère, ce bizarre concept, n’a cessé de changer, les gens sont venus, partis, revenus, des blogs se sont ouverts, ont fermé, se sont spécialisés, facebook a bien souvent remplacé les commentaires comme lieu de discussion, mais la passion des livres – sous toutes ses formes – est bien là. Et moi je m’amuse toujours. A mon rythme (tout sauf régulier), avec quelques interruptions de programme (ça arrive), des reprises en fanfare (avec bonnes résolutions), des participations aléatoires à tout plein de challenges (j’ai raté le mois anglais en juin, shame on me), des organisations (certes brouillonnes) de rendez-vous incontournables (qu’on se le dise) (Québec en novembre – avec Karine – et l’Année grecque – avec Cryssilda – pour cette année), et je bénis encore et toujours cette idée saugrenue d’ouvrir un blog qui m’a valu tant de rencontres (virtuelles ou réelles), d’amitié, de fou rire, d’idées de lecture, de voyages, de retrouvailles, de champagne, de discussions, de colis postaux, d’éboulements livresques, de mojitos, et j’en oublie…

Bienvenue chez moi les gens, merci dix mille fois de vos visites et de vos commentaires et à très bientôt pour de nouvelles aventure…

Bon anniversaire blogounet et longue vie !!!!

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Publié dans le blog | 44 commentaires

Le Retour

leretour1755, Elizabeth Cook attend son mari, parti depuis bientôt trois ans et sur le chemin du retour… Trois ans d’absence, pour la seconde fois, mais c’est terminé. On le lui a promis. Son célèbre mari restera désormais à terre, couvert d’honneur. Fini les naissances et les deuils supportés seule, finis les décisions délicates à force de questionnement solitaire – qu’aurait-il donc souhaité ? – fini enfin les inquiétudes fiévreuses, me reconnaitra-t-il, le reconnaitrai-je, sera-t-il le même que celui qui est parti ? Oui, on le lui a promis, ce retour près d’elle – son port d’attache, et de ses enfants – ceux qu’il connait, ceux qui ont survécu, est le dernier…

Inspiré par l’extraordinaire destin du capitaine James Cook, grand marin, explorateur, cartographe, découvreur d’iles en tout genre, Anna Entquist nous livre ici – paradoxalement – un intime et magnifique portrait de femme dans l’Angleterre bruissante des lumières où la course à la connaissance fait pendant aux rigidités d’une société codifiée. Couple d’origine modeste mais instruits – Elizabeth décrypte les journaux de bord de son mari et l’aide en en faire des relations pour le public, les Cook sont entrés dans la bonne société par la petite porte, celle du mérite personnel, et restent à jamais un peu en lisière des choses, à la fois honorés et ennuyés par une vie mondaine qui leur reste étrangère. Tous deux sont les précurseurs d’une Angleterre nouvelle, tournée vers l’étude, la connaissance et le monde qui reste à découvrir. James Cook ne résistera pas à la pression et connaitra le prestigieux et dramatique destin qu’on lui connait*. Quant à Elizabeth, femme intelligente et forte, elle devra encore et toujours vivre l’absence, l’apprivoiser, tenter de lui échapper pour impitoyablement y revenir, de perte en perte, elle survivra à toutes les absences, en toute solitude, en femme de marin. Puissant !

Le retour – Anna Entquist – 2005 – traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin – Actes sud 2007 – Babel – 2009

*les explorateurs m’ayant toujours fait rêver – Ah le dix-huitième siècle et ses trois mâts partis conquérir l’horizon (en toute brutalité certes mais les enfants s’en moquent), je connaissais grosso modo la vie et les découvertes de James Cook (mais pas celle de sa femme bien évidemment tsss)

 

Publié dans roman néerlandais | 18 commentaires

Les nuits de la Saint-Jean

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La petite ile de Sandhamm dans l’archipel de Stockholm est un lieu privilégié de vacances pour suédois aisés et touristes en mal de nature. L’hiver en revanche, il n’y a pas grand monde, quelques iliens qui y vivent à l’année et le week end ou lors des petits vacances scolaires quelques stockholmois ayant la chance par famille ou achat de posséder une maison sur l’ile. C’est le cas de Nora Linde, juriste récemment divorcée, qui amène ses enfants passer quelques jours à la Toussaint dans sa maison d’enfance. En jouant dans les bois, ses enfants font une découverte troublante qui va relancer une enquête vieille d’un an, la disparition d’une jeune fille qu’on avait crue disparue en mer. Nora et son meilleur ami, Thomas, officier de police, se retrouvent par la force des choses au centre de l’enquête…

J’aime bien les polars de Viveca Sten, elle excelle a peindre l’ambiance du Stockholm d’aujourd’hui et de la vie dans l’archipel qui lui fait face. Vie d’aujourd’hui et même d’hier, puisque l’intrigue des Nuit de la Saint-Jean s’articule autour d’un carnet, découvert dans un vieux tiroir, narrant la vie d’un jeune garçon de Sandhamm dans les années vingt – où la vie était autrement plus dure et encore dominée par un protestantisme des plus rigoristes – et de ses répercussions sur un crime commis presque cent ans plus tard. Certes le lien entre les deux est assez ténu mais les deux lignes narratives sont fort bien développées avec une certaine justesse psychologique. Pour ma part, je me serais passée d’une fin – heureusement point trop longue – un peu trop “suspens et course poursuite” qui ne m’a pas semblé apporter grand chose à l’histoire mais c’est du détail (et puis je n’aime guère le suspens c’est connu alors je suis de mauvaise foi), dans l’ensemble une lecture fort agréable et recommandable pour qui aime les polars plus centrés sur l’énigme et les personnages que sur l’horreur. Suédois !

Les Nuits de la Saint-Jean – Viveca Sten -2015 – Albin Michel – 2016 – Le livre de poche

PS :  Les nuits de la saint-Jean est la troisième enquête de Nora et Thomas, malheureusement je crois que j’ai omis de chroniquer les deux premier ahem !!!! Cela dit cela peut se lire indépendamment.

PPS : On me dit dans l’oreillette que vu qu’il s’agit quand même d’un démembrement (je ne spoile pas, c’est un bras que les enfants trouvent dans la neige aux premières pages du roman), il y a – quand même – une dose de gore pour les amateurs, je dis ça je dis rien…

PPPS : C’est l’adaptation en série télé des romans – Meurtres à Sandhamm – qui m’a donné envie de lire les romans. Chaque saison (il y en a quatre) fait trois épisodes et s’inspire – plus ou moins librement – d’un des romans. En France la série est diffusée sur arte. J’aime beaucoup (d’ailleurs ils ont modifié le déroulement de la fin et toc) (c’est tout ce que j’ai trouvé comme trailer, my bad 🙂 )

 

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L’élégance des veuves

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À l’orée du XXe siècle, trois générations de femmes de la bonne bourgeoisie parisienne se succèdent dans le dévouement qu’exige leur éducation “royaliste et catholique”. Valentine, l’aïeule, est fiancée sans que l’on s’enquiert de ses sentiments, ses fiançailles rompues puis renouées toujours sans son avis. Du moins la constance du promis – Jules – méritait-elle son intérêt voire – à l’avenir – son affection…

En une année, celle de ses vingt ans, elle fut fiancée officiellement, mariée religieusement, installée bourgeoisement, ardemment fécondée et douloureusement accouchée : la vie de Valentine commençait à être ce qu’elle devait être.”

Car tel est le destin des femmes de cette famille – de ces familles – enfanter et enfanter encore pour la gloire de Dieu, de la patrie et de la famille – dans cet ordre – avec tout ce que cela suppose de dévotion, de dévouement, d’oubli de soi et de douleur aussi, celle des pertes inévitables qui ne peuvent manquer de marquer profondément ces destins entièrement enroulés autour du noyau familial. Valentine, Mathilde, Gabrielle…

“C’était un bourgeonnement incessant et satisfait. Un élan vital (qu’ils avaient canalisé), un instinct pur (dont ils ne voulaient pas entendre parler), une évidence (que jamais ils ne bousculaient), les poussaient les uns après les autres, à rougir, s’épouser, enfanter, mourir. (…) Car les épouses étaient toutes accaparées par cette tâche : procréer. Et Dieu qui les guidait, à qui chaque soir elles offraient leur journée, ce Dieu-là se chargeait de bénir leur couche, et de pardonner aux époux la douceur des caresses en soufflant autour d’eux des petits enfants. Ainsi les couples étaient féconds, comme si la terre avait été si belle qu’il fallait enfanter des êtres capables de s’en émerveiller. Ou si cruelle qu’il fallait apprendre à compter, parmi ceux qui naissaient, lesquels survivraient.”

Ce court récit d’une élégance folle réussit à être à la fois un vibrant hommage à ces femmes – ces épouses et mères plutôt  – profondément impuissantes mais étonnamment dignes et un réquisitoire impitoyable contre leur condition, contre cette vie bourgeoise étouffante, sclérosante, sans perspectives ni même velléités d’épanouissement. Servi par une écriture ciselée, c’est un roman beau, cruel, affuté comme un rasoir, touchant d’une certaine manière mais profondément perturbant. On le lit d’une traite, fascinée et on le referme en souhaitant du fond du cœur : Plus jamais ça !

L’élégance des veuves – Alice Ferney – Actes sud – 1995

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Dragon

Dragon

Dans un Bangkok rongé par la corruption et peu à peu submergé par les eaux d’une mousson sans fin, un tueur en série s’en prend aux pédophiles adeptes du tourisme sexuelle. Le lieutenant Tannhaüser Ruedpokanon est donc chargé d’user de sa parfaite connaissance des bas-fonds – sa recherche de la perfection physique le conduit dans des endroits des plus interlopes – pour régler rapidement le problème et ce, en toute discrétion, car il ne s’agit d’effrayer les touristes. Mais Dragon, ainsi que chacun le surnomme, va se révéler un adversaire hors du commun…

La nouvelle collection Une heure de lumière du Bélial, propose aux lecteurs français des novellas, longue nouvelle ou court roman, format très prisé outre-atlantique – notamment en Sf – mais peu usité par chez nous. Dragon, une de ses premières publications, réussit le tour de force d’être, en 150 pages, un thriller brutal, un roman noir glauque à souhait et un singulier conte fantastique entre mysticisme et post-apo* sans oublier de camper quelques personnages singuliers – au premier chef le fameux Tannhaüser. Habituellement, je fuis les sujets comme la pédophilie et le gore sous toutes ses formes (j’ai un petit coeur tout mou à préserver), mais voilà j’ai un faible pour Thomas Day depuis l’Instinct de équarrisseur**, alors j’ai pris mon courage à deux mains (à deux yeux ?) et malgré quelques scènes un rien brutales (pour le moins), je dois dire que ce petit roman est une merveille, une merveille cruelle et dérangeante qui jette à la tête du lecteur la pourriture de notre monde sans entrevoir de solution, serait-elle criminelle. Soufflant !

Dragon – Thomas Day – 2016 – Le Bélial

*post-apocalyptique, avec dérèglement climatique, déliquescence politique, post humanisme et le toutim, et oui le “post-apo”, baptisé dans les années 70 commence à ressembler furieusement à du “ici et maintenant”.

**Une des meilleures variations autour de Sherlock que j’ai lues, mais en mode trash quand même

Publié dans SFFF | 6 commentaires