Temps glaciaires

vargas— Commissaire, lança un autre lieutenant, le juge exige de classer. (…)

— Je classe, annonça Bourlin en soupirant, comme physiquement vaincu. À condition qu’on tente encore d’éclairer le signe qu’elle a dessiné à côté de sa baignoire. Très clair, très ferme, mais incompréhensible. Il est là, son dernier message.

— Mais inaccessible.

— J’appelle Danglard. Lui saura peut-être.(…)

— Le commandant Adrien Danglard ? intervint un brigadier. De la brigade criminelle de Paris 13 ?

— Lui-même. Il sait des choses que vous n’apprendrez pas en trente vies.

— Mais derrière lui, murmura le brigadier, il y a le commissaire Adamsberg.

— Et ? dit Bourlin en se levant presque majestueusement, les poings posés sur la table.

— Et rien, commissaire.

Rien voire ! Ce n’est jamais rien que de mêler Adamsberg à quelque chose, surtout quelque chose d’un tant soit peu tordu, pardon mystérieux. Le pelleteux de nuages voit des choses là où personne ne voit rien et ignore ce qui semble évident à tous… Le suicide douteux de la femme au signe inaccessible (signe qui tiendra l’érudit Danglard en échec, à son grand dam) conduira l’équipe d’Adamsberg du cœur de la révolution française – par le biais d’une bien étrange association d’amis de Robespierre – aux franges de l’Islande sur le minuscule ilot du Renard où, piégé par l’afturganga, un groupe de touristes français vécût un étrange cauchemar quelque dix ans plus tôt. Ajoutons un Creux non loin de Sombrevert, des soirées costumées façon Convention, un sanglier nommé Marc et sa gouvernante prénommée Celeste (ou l’inverse), un Sanson déprimé descendant de bourreaux, quelques canards décapités… Un bel écheveau d’algues entremêlées dont on se demande bien comment l’auteur et son commissaire vont se sortir.

Vous le conseillerais-je ? Cent fois oui. L’aimerez-vous ? Je l’espère. Fred Vargas a le polar poétique, l’intrigue raffinée et la verve onirique. Qu’elle nous entraine sur les traces de la Grand Chasse de la Mesnie Hellequin ou dans les rets glacées d’un démon brumeux de l’Islande profonde, ses intrigues, aussi cruelles et drôles soient-elles distillent toujours ce parfum de sortilège, de conte et de forêt qui enchante. Ses personnages extravaguent, aussi bizarres qu’attachants, son érudition fascine, ses dialogues sont éminemment drolatiques. Un pur bonheur !

Temps glaciaires – Fred Vargas – Flammarion – 2015

PS : Les romans de Vargas – ses rompols – sont toujours – toujours – trop courts mais heureusement ils se relisent très bien

PPS : Fred Vargas est historienne ou plus exactement Archéozoologue médiéviste, déjà ça, ça me fait rêver…

De la même auteure

 

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La main gauche de la nuit

la main gauche de la nuitSur Gethen, un monde de glace, rude, isolé hors les limites de l’Ekumen et n’ayant jamais seulement imaginé qu’on puisse voyager dans les airs sans parler de s’aventurer dans l’espace, point d’hommes ni de femmes mais seulement des êtres humains. Êtres indifférenciés la plupart du temps mais pouvant choisir l’un ou l’autre sexe tour à tour dans leurs périodes de Kemma. Pour Genly Ai, mobile de l’Ekumen, envoyé pour établir le premier contact avec Gethen, ou Nivôse pour le reste de l’univers connu, les dangers inhérents à un premier contact se doublent donc de réelles difficultés à envisager les tenants, aboutissants et conséquences d’une telle évolution biologique, psychologique et sociale, sans précédents dans l’histoire de l’expansion humaine. Seul une amitié improbable pourrait lui permettre de transcender ses difficultés et de peut être enfin commencer à comprendre, mais comment une telle amitié pourrait-elle s’établir entre un gethenien et celui que tous considèrent  au mieux comme un affabulateur, au pire comme un provocateur et de toute façon comme un un répugnant déviant sexuel…

La main gauche de la nuit – prix Nebula 1969 et Hugo 1970 – est un roman étonnant, un space opera à la fois politique et contemplatif, un peu descriptif et lent mais pourtant fertile en péripéties, d’une précision toute ethnographique le plus souvent et soudain basculant dans poésie aussi âpre et sauvage que le paysage glacial de Nivôse, alternant les récits de Genly le terrien et d’Estraven le gethenien, entrecoupés de contes et légendes, le tout forme un surprenant hymne à la tolérance et l’humanisme d’une modernité et d’une profondeur que ne surpasse que la finesse de ses portraits psychologiques.  Impressionnant !

La main gauche de la nuit – Ursula K. Le Guinn – 1969 – Traduit de l’anglais par Jean Bailhache – Robert Laffont – Ailleurs et demain 1971

PS : Le cycle de L’Ekumen ou cycle de Hain (Hainish cycle) est en fait un non-cycle (selon l’auteure elle-même) ou disons un cycle potentiel de space opera contenant plusieurs romans et nouvelles sans continuité ni réels liens si ce n’est la présence de l’Ekumen – vaste organisation culturelle et commerciale galactique, celle de certaines technologies et un arrière plan historique plutôt évanescent. L’ensemble a collectionné les prix…

 

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Roma Aeterna

Le principe de l’Uchronie est tout simple : et si les choses s’étaient passé différemment, et si Alexandre était parti vers l’ouest, et si Napoléon avait quitté Moscou à temps, et si l’Axe avait gagné… les possibilités sont infinies et le Guide de l’Uchronie de Bertrand Campeis et Karine Gobled – la très aimée camarade Lhisbei de RSF blog – dont je compte vous parler un jour prochain, pourra vous apprendre tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sujet.
romaA la puissance des romains je ne mets de limites
ni dans le temps ni dans l’espace.
je leur ai donné un empire sans fin.
Virgile, Enéide, Livre 1

Inspirés par Virgile et Gibbon, l’historien anglais qui attribuait au christianisme une grande part de responsabilité dans la chute de Rome, imaginons donc, avec Silverberg, que les juifs n’aient pas réussi à franchir la mer rouge et fuir l’Égypte et que le christianisme ne soit donc pas apparu en palestine. L’empire romain resté fort aurait ainsi pu perdurer à travers les siècles résistant à la division. Ajoutons éventuellement un incident supplémentaire pour écarter de l’équation un illuminé potentiellement dangereux quelque part dans la péninsule arabique mais n’anticipons pas. Roma, la grande, l’unique, règne donc sur le monde et nous parcourons quelques unes des étapes cruciales de sa glorieuse histoire. L’originalité de cette œuvre est en effet de rassembler en un ensemble parfaitement cohérent une dizaine de nouvelles parfois séparées de quelques dizaines d’années, parfois de plusieurs siècles ; querelles de palais, affrontements entre capitales – car Constantinople a bien été fondée pour équilibrer l’administration de l’empire, tentatives de conquête de l’Amérique oups pardon de Nova Roma le grand continent de l’ouest, premier tour du monde d’un empereur navigateur, que sais-je encore. Le tout forme une impressionnante fresque de presque 2000 ans d’une Histoire de l’Ancien Monde alternative, dégagée de toute emprise religieuse. Un voyage d’un exotisme particulier et d’un intérêt certain avec parfois une touche de poésie, auquel on ne peut guère reprocher que d’avoir systématiquement privilégié le point de vue des puissants – voir quelques personnages plus ordinaires évoluer dans ce monde aurait été ma foi fort intéressant. Impressionnant !
Roma Aeterna – Robert Silverberg – 2003 – traduit de l’anglais par Jean-Marc Chambon – Robert Laffont, Ailleurs et Demain – 2004
Lecture inspirée donc par Le Guide de l’uchronie de Karine et Bertrand publié chez ActuSF
PS : Pour ceux qui aiment les VO
His ego nec metas rerum nec tempora pono : Imperium sine fine dedi.
‘Enéide’, 277 et sq.
merci Lou
PPS : Pour les courageux The History of the Decline and Fall of the Roman Empire – Edward Gibbon 1776-1789 – sachez que l’on dit que le grand Isaac Asimov soi-même s’en serait inspiré pour Fondation

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Sagrada Família

Quand je passe par Barcelone, je ne manque jamais d’aller saluer la Sainte Famille ou plutôt le Temple Expiatori de la Sagrada Família comme l’on dit qu’il faudrait dire (non ce n’est pas de l’espagnol, I know). J’aime les églises, et le poème de pierre imaginé par mon très cher Antoni, avec son architecture mystique, ses colonnes arborescentes et son look de vaisseau spatial organique est une de mes toutes préférées. Certes elle est encore inachevée mais quelle lumière au couchant…sagrada1sagrada2sagrada3sagrada4sagrada5Barcelone – Janvier 2015

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Amours

amours-recondo-229x300Dans une petite ville de province, Victoire et Anselme de Boisvaillant sont unis depuis quelques années par un mariage aussi parfait en apparence que conventionnel. Monsieur travaille, madame a ses robes et ses œuvres qui la font bien un tantinet bailler mais enfin… Seul bémol, l’enfant qui ne vient pas, il faut dire que madame n’est guère tentée par son devoir conjugal. Heureusement pour Anselme, il y a toujours les petites bonnes, malheureusement pour la jeune Céleste, les viols sont parfois féconds. Mais en ces temps policés, un arrangement est toujours possible, ce n’est pas comme si les domestiques – et les bonnes en particuliers – étaient de vraies personnes, avec de vrais sentiments…
L’auteure nous brosse ici avec délicatesse une situation d’une grande banalité pour l’époque car dans ce monde si civilisé, la jeune Céleste, engrossée par les mauvais offices du maitre de maison, n’est guère à plaindre, elle qu’on ne songe pas à chasser et qu’au contraire, on envisage de soulager de la charge d’un enfant non désiré. Mieux encore, la rencontre de Victoire et de Céleste autour du corps avide d’amour d’un nouveau-né laisse entrevoir que leur condition respective ne sont pas si différentes et que peut-être – peut-être – il existe autre chose au monde que l’ennui des corps, la froideur des sens et la soumission des esprits. Paradoxalement, le personnage d’Anselme qui pourrait être traité en camaïeu sombre, est fort intéressant –  profondément incapable de comprendre ce qui se passe dans la tête de sa femme ou de quiconque, désespérément inapte à toute communication, son éducation et son milieu font de lui une victime paradoxale car inconsciente des raisons de son mal être.
Très joliment écrit, ce roman traite une situation cruelle avec une certaine légèreté de ton fort bienvenue mais laisse une sensation de tristesse diffuse bien difficile à effacer. Bourgeois !
Amours – Léonor de Recondo – 2015 –  Éditions Sabine Wespieser
Les avis très positifs de Cuné et Gaelle

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Mãn

Man2Ma première mère, celle qui m’a conçue et mise au monde, avait un trou dans la tête. Elle était une jeune adulte, ou peut-être encore une fillette, car aucune femme vietnamienne n’aurait osé porter un enfant sans porter un jonc au doigt.
Ma deuxième mère, celle qui m’a cueillie dans un potager au milieu des plants d’okra, avait un trou dans la foi. Elle ne croyait plus aux gens, surtout quand ils parlaient. Alors, elle s’est retirée dans une paillote, loin des bras puissants du Mékong, pour réciter des prières en sanskrit.
Ma troisième mère, celle qui m’a vue tenter mes premiers pas, est devenue Maman, ma Maman. Ce matin-là, elle a voulu ouvrir ses bras de nouveau. Alors, elle a ouvert les volets de sa chambre, qui jusqu’à ce jour étaient restés fermés. Au loin, dans la lumière chaude, elle m’a vue et je suis devenue sa fille. Elle m’a donné une seconde naissance.

Mãn a grandi sans rêver… C’est son nom qui veut ça, son nom qui signifie “parfaitement comblée” et lui impose un état de satisfaction constant. Car les noms des choses, comme ceux des gens sont importants, ainsi celui de sa mère, Nhẫn, patience… sa troisième mère, celle qui l’a trouvée, protégée, aimée et mariée enfin, pour qu’elle ne manque de rien, qu’elle ait un avenir ailleurs.
Loin d’elle, loin du Vietnam, Mãn a cherché la sérénité dans sa mémoire, dans les gestes inlassables et les odeurs d’enfances des plats qu’elle prépare chaque jour dans la cuisine du restaurant montréalais de son époux. Ainsi elle fait revivre ses souvenirs, un à la fois, le plat du jour… Souvenir d’une ville, d’une rue, d’une rivière, d’un parfum, jamais plus d’un plat, rarement le même, et les clients ont afflué ; et la vie a suivi son cours. Élevée dans une certaine idée de son devoir et de sa place, elle n’aurait jamais l’idée d’aspirer à autre chose pourtant l’amitié de Julie, la québécoise, la presque-soeur, va transformer sa vie à un point qu’elle peine à percevoir. Toujours en recherche de sens, dans les mots qu’elle comprend mal, les plats qu’elle transforme, les gestes qu’elle n’ose pas, elle décrypte sans cesse un monde qui lui reste extérieur jusqu’à ce qu’elle se trouve enfin, là où, sans doute, elle n’a pas sa place, à moins que…
Kim Thui excelle à traduire cet entre-deux où se réfugient ceux qui ne sont plus de nulle part, elle nous chuchote à l’oreille, en confidence, les pensées de Mãn, la pudeur d’une mère, le quotidien d’une guerre, quelques mots, de courts chapitres, deux vies, des poèmes, l’amour enfin… son style chatoyant nous effleure, délicat et léger comme une aile de papillon, d’une douceur presque insupportable avec juste une pointe d’amertume pour l’espoir. Exquis !

Man – Kim Thui – 2013 – Éditions libre expression, Québec – Liana Levy, France

Les avis (enthousiastes) de Karine et Jérôme

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The Secret of Chimneys

THE_SECRET_OF_CHIMNEYS_fsAlors qu’il s’ennuie considérablement dans un emploi peu gratifiant au fin fond de l’Afrique, le sémillant Anthony Cade, se voit proposer une occasion de rentrer au pays – en l’espèce l’Angleterre, où il n’a pas mis les pieds depuis quatorze ans. Il lui suffit d’aller livrer en mains propres et contre espèces sonnantes et trébuchantes un simple volume de mémoire. Simple, voire ! Car rapidement les choses se corsent et Anthony se retrouve au coeur d’un enchevêtrement d’intrigues politico-crapuleuses bien propres à satisfaire ses tendances aventureuses, sans parler d’une rencontre des plus délicieuses…

J’aime quand dame Agatha se mêle d’écrire des romans d’aventure… Sans doute ne sont-ils pas réputés être ses meilleurs romans mais qu’à cela ne tienne, je les aime et particulièrement The secret of Chimneys qui a toujours flatté mon goût de l’intrigue tortueuse, de la tradition anglaise et du romanesque échevelée. Car il y a un peu de tout ici, aventuriers mystérieux, voleurs de bijoux interlopes, altesses incognito, secrets d’état, complots, romance, que sais-je encore, servis dans la langue drôle et pétillante de dame Agatha et sertis dans l’écrin d’une vieille demeure historique de la campagne anglaise avec parc immense, thé à cinq heure, bibliothèque lambrissée, majordome impassible, passages secrets et tutti quanti… Une petite merveille donc, fort agréable à lire et qui fait revivre pour nous – au travers d’une intrigue aussi délicieuse qu’invraisemblable – l’Angleterre de l’entre deux guerre.

En dehors de la qualité intrinsèque de ce joli roman, il se trouve qu’entre autre travers, j’ai la mauvaise habitude de relire et relire encore. Lorsque j’ai ouvert ma toute neuve édition anglaise de “Chimneys”, j’avais donc en tête sa version française (enfin une de ses versions, la plus ancienne datant de 1933 sauf erreur) ce qui m’a valu quelques – bonnes – surprises et à la traductrice de l’époque, quelques invectives (je crois avoir écrit que le diable la patafiole, mais j’ai des excuses, l’ambiance christienne est toujours un peu désuète). Je sais bien sûr – parce que cela se sait – que Dame Agatha n’a guère été gâtée par ses traducteurs français à une époque où la fidélité des traductions – et plus encore celles des “romans de gare” – était souvent douteuse. Mais le savoir en général et le tester en réalité sont deux choses bien différentes et là ce fut un festival. Outre le fait que mon édition anglaise compte soixante et une pages de plus que la française (oui 61 vous avez bien lu), ce qui s’explique aisément au vu des multiples coupures, citons trois pleine pages de conversations résumées par un lapidaire : après une course effrénée (chapitre 24, vous pourrez vérifier), les dialogues ont subi certains changements bien étranges. Pourquoi diable traduire “Pretty powerful engine she’s got in that car of hers.” par “Elle en fait du bruit sa voiture!” ? Pas que ce soit grave en soit, ni que cela m’ait empêchée d’aimer ce livre depuis toujours mais cela me semble tout de même bien curieux. Royal !

The secret of Chimneys – Agatha Christie – 1925

J’avais parlé de son adaptation en BD ici même il y a quelques années…

PS : Le secret de Chimneys marque également – un peu plus je l’oubliais – la première apparition du très solide et très impassible superintendant Battle que nous retrouverons avec grand plaisir dans Carte sur table et l’Heure zéro… entre autres.

PPS : Je ne résiste pas à vous livrer ce petit extrait comparé d’un dialogue entre Virginia Revel et Bille Eversleigh à la fin du chapitre 4

“Bill darling (…) I love you to enjoy yourself but don’t pretend to be dying of a broken heart, that’s all.”
Mr Eversleigh recovered his dignity
“You don’t understand at all”, Virginia, he said severely, “Men -“
“Are polygamous! I know they are. Sometimes I have a shrewd suspicion that I am polyandrous. If you really love me, take me out to lunch quickly.”

traduit curieusement par

“Mon petit Bill, je suis ravie que vous vous amusiez. Mais ne me dites pas que vous vous mourez d’amour !”
Mr Eversleigh retrouva sa dignité perdue.
“Vous ne comprenez pas, Virginie, dit-il sévèrement, que c’est votre faute ! Vous me poussez à cela par votre dédain, quitte à me critiquer ensuite. Je voudrais voir le type qui vous plaira !”
Moi aussi, dit Virginie, je voudrais le voir ! Et maintenant Bill, si vous m’aimez vraiment, emmenez-moi vite déjeuner ! Je meurs de faim !”

Je me demande ce que nous apprend ce changement – de détail certes mais néanmoins – sur la vision des femmes en France dans l’entre-deux guerre et sur le vocabulaire acceptable dans un roman “populaire”…

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Le tag de la pal…

Omontolkien, Karine m’a taguée, elle trouve les méandres de ma pal fascinants. Il faut dire qu’elle connait fort bien ladite pal et ses tendances aux éboulement spontanés. J’hésite, vous mettrai-je une photo de ladite pal, enfin plusieurs car je l’ai répartie, pas forcément harmonieusement d’ailleurs, il y en a ici, et là, beaucoup dans ma chambre, un peu dans mon bureau, une petite pile dans l’escalier, une autre dans le salon, enfin tout ça quoi. Non allez je vous épargne, passons directement aux questions, ce sera plus sage…

1) Un livre dont vous ne savez pas de quoi il parlejasper jones

Le secret de jasper Jones de Craig Sivey… je ne sais ni d’où il vient, ni de quoi il parle, mais il est là !

2) Un livre (en carafe) depuis plus d’un an

eifelheimEifelheim de Michael J. Flynn offert par Chiffonette si je me souviens bien et que j’avais, ai toujours, horriblement envie de lire…

3) Un tome 2

artdelavieL’Art de la vie de Kristin Marja Baldursdottir dont j’ai terriblement aimé le premier tome : Karitas, l’esquisse d’un rêve. Et oui au cas où vous auriez un doute c’est un roman très très islandais.

4) Plusieurs livres d’une même série

les-plouffe-719892-250-400Les Plouffe et le Crime d’Ovide Plouffe de Roger Lemelin, et sinon plusieurs Peter Tremayne, j’ai du retard avec sœur Fidelma (entre autre)

5) Un classique

martin edenMartin Eden de Jack London, j’aime Jack d’amour, pourquoi diable n’ai-je pas encore lu celui-là ? Ah et La Maison d’Âpre-Vent de Dickens acheté en pléiade parce que bon, et les œuvres de Barbey d’Aurevilly dans la même collection et…

6) un livre qui vous fait vraiment très très envie

ile-du-sermentL’ile du serment de Peter May (qui traine dans ma pal depuis un bout…), j’adore la trilogie écossaise de cet auteur, j’aime son écriture, ses ambiances, ses personnages… et celui-ci se passe au Québec sauf erreur…

7)  un livre que vous garder pour le lire pendant une période précise (grandes vacances, période de Noël…)

cortoLes balades de Corto Maltese de Guido Fuga et Lele Vianello – Si un jour je visite enfin la cité des Doges, il sera dans mon paquetage, promis.

8) Un livre que vous avez prêté sans l’avoir lu

COUV-Sous-les-couvertures-270x395Sous les couvertures de Bertrand Guillot (bon on pourrait dire plutôt qu’il a été kidnappé par fille ainée la sans pitié) et de toutes façons il doit revenir bientôt…

9) Un poche

les-carnets-de-jane-somers,-tome-2---si-vieillesse-pouvait-125758-250-400Si vieillesse pouvait de Doris Lessing (qui accessoirement est un tome 2 – le premier, Journal d’une voisine est excellentissime –  et depuis plus d’un an dans ma pal)

10) un livre dont vous aviez complètement oublié l’existence

équilibreL’équilibre du monde Rohinton Mistry offert pourtant mais ma très aimée et très judicieuse Isil, my bad, je le ressors du tas illico…

11) Votre prochaine lecture (promis, juré!)

ManPour l’instant Mãn de Kim Thui pour ma lecture québécoise de janvier et parce que Karine me l’a rappelé dans son beau billet récemment et que j’ai adoré Ru, son précédent roman. Que de belles raisons…

12) Un Pocket Jeunesse

Ah,  je ne pense pas en avoir mais il y en a plein dans les antres de mes enfants.

13) Un livre que personne n’a aimé, du coup, vous avez un peu moins hâte de le lire

camusL’ordre libertaire – la vie philosophique d’Albert Camus de Michel Onfray, je l’ai acheté en salon, fait dédicacer, j’adore Camus et j’aime bien Onfray parfois, mais impossible de m’y mettre, je n’entends que du mal…

14) un livre que tout le monde a aimé, du coup, vous avez peur d’être déçu

la_petite_fillela petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy mais je vais le lire, je vais…

15) un livre qui va être adapté au cinéma et que vous voulez absolument lire avant (si, si!)

Euh non, je fais partie des gens qui se contrefiche d’être spoilée, qui en fait s’autospoile pour pouvoir prendre tranquillement plaisir à leur lecture… J’adore les adaptations avant, après, pendant la lecture. Genre je vais voir Hunger games 2 (pas encore lu mais beaucoup aimé le premier) et en rentrant je lis la trilogie au complet… ça c’est moi ! Pareil pour les Game of Throne, j’ai lu tout ce que j’ai trouvé sur internet comme ça, je peux lire et regarder à mon rythme, pas de surprise, que du plaisir, mais promis je ne dirai rien…

16) un livre avec une tranche rouge

CVT_Le-Secret-de-la-Rouelle-Tome-1-lOeil-Mauvais_5805Le secret de la rouelle de Marie-France Houdart chez Maiade, acheté sur les conseils d’un libraire passionnant et québécois installé à Tulles (Corrèze) et dont la caverne d’Ali Baba est ouverte même le dimanche (si!). A part ça, ce livre illustré est un bel objet…

17) un livre de votre auteur préféré

Les-Monstres-et-les-Critiques-et-autres-essaisAi-je un auteur préféré ? Non pas vraiment mais les Monstres et les critiques de JRR Tolkien, ça pourrait le faire… parce que bon, Tolkien quoi… Ou Au fil de l’Inde de E. M. Forster (une édition non coupée trouvée chez le fameux libraire québécois de Tulles)…

18) Une suite de série mais avouez-le, vous ne vous souvenez plus de l’histoire des tomes précédents

la-symphonie-des-siecles-par-elizabeth-haydon_4064839-LLa symphonie des siècles de Elizabeth Haydon (le premier tome (deux en fait) m’avait énormément plu, ça je m’en rappelle – une histoire d’arbre en plus) ; Les suite de Fille de Lune de Elisabeth Tremblay, Les deux derniers tomes des chroniques de MacKayla Lane de Karen Marie Moning … (ne tapez pas)

19) Un thriller

lehane-gfJe déteste les Thrillers, je dé-tes-te, mais j’ai un tas de Denis Lehane qui m’attendent, ça compte ou pas ?

20) Un roman fantastique

Tyranael-1Les rêves de la mer de Elizabeth Vonarburg (entre autres hein, j’ai une bonne rangée de romans fantastiques qui décantent sagement).

21) Une dystopie

outrage-et-rebellionOutrage et rébellion de Catherine Dufour (je crois que ça rentre dans le genre mais comme je ne l’ai pas lu hein…), une « suite » ou du moins une histoire qui se passe dans le monde quelque peu déliquescent du Goût de l’immortalité de la même auteure qui est une petite merveille. Gagné chez le Traqueur stellaire, un jour de chance…

22) Une romance

explosiveAie je n’en achète jamais SAUF si c’est une amie qui les écrit et là je les lis tout de suite… Voyons qu’ai-je en stock… euhhhhh Explosive eighteen de Janet Evanovitch toujours pas lu, prêté il y a un siècle par twinette Angela Morelli, écrivaine de son état. Bon c’est un peu un polar mais il y a de la romance inside (et dans cet opus en particuliers m’a-t-on promis)…

23) Un livre d’un auteur dont le nom de famille commence par C (oui c’est très précis)

imagesPoésie irlandaise contemporaine de Martine Chardoux et Jacques Darras (un auteur sur deux, ça devrait le faire) Et sinon La couleur du soleil de Andrea Camilleri (qui pourrait figurer dans la catégorie : j’avais oublié qu’il existait celui-là).

24) Un livre qu’on vous a conseillé

journal_accoucheuseLe Journal d’une accoucheuse de Priyamvada N. Purushotham conseillé par la très luminescente Cuné.

25) Plusieurs livres d’un même auteur

Expiation-Atonement-McEwan-Ian-9782070306138Je dispose de trois Ian McEwan (j’ai été fascinée par le Jardin de ciment by the way) Expiation, Samedi et Sur la plage de Chesil sauf erreur et d’autant de Douglas Kennedy (jamais lu, me souviens plus des titres), des Thomas Day, des Elizabeth Vonarburg, des Neil Gailman, non vous ne voulez pas tout savoir…

26) Un livre avec le mot « secret » dans le titre

cartographe-gfLe secret des cartographes de Sophie Marvaud conseillé par mon papa qui est aussi le papou du hibou

27) le dernier livre que vous avez acheté

exquise planèteExquise planète de Pierre Bordage, Jean-Paul Demoule, Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer chez Odile Jacob. un livre composite qui me semble du meilleur aloi…

28) Un autre livre Pocket Jeunesse

Toujours pas

29) Un livre que vous avez acheté pour la couverture

cuisine medievalDu fait de cuisine – Traité de gastronomie médiévale de Maître Chiquart par Florence Bouas et Frédéric Vivas chez Acte sud– Il est beau non ? Bon d’accord le sujet me bottait aussi… Un traité de cuisine médiévale, comment voulez-vous résister à cela, je vous le demande…

30) Plus de livres que vous n’en lisez en un an (la question vaut 5 points) ?

Évidemment… J’ai au moins 400 euh 500 livres dans ma PAL papier et je ne vous parle même pas de la pal virtuelle qui se cache dans mon ordi et ma liseuse… Rien qu’en papier, je pourrais tenir deux ou trois ans, en comptant les ebook, dix sans doute mais il faut compter avec les envies, les nouveautés, ceux dont je n’ai pas encore entendu parler, ceux qui sont en cours d’écriture, ceux qui ne le sont même pas encore… Comme disait plus ou moins ce cher Jules, quand je penses à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être heureuse. Ce qui me fait penser que je lirai bien son Journal au Jules, va falloir que je me renseigne…

journal

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Madame Homais

monodMadame Bovary se terminait sur l’annonce de la Croix d’honneur du pharmacien Homais, Madame Homais débute à la veille de la cérémonie de remise de cette croix alors que le pharmacien est en pleine rédaction de son – long – discours de remerciements et que sa femme procède à un examen de conscience aussi pointilleux que laïque en voltairienne convaincue ; peut-être en effet n’a-t-elle pas été complètement irréprochable lors des événements dramatiques qui ont endeuillé la commune de Ry. Peut-être aurait-elle pu aider cette Delphine Bivarot qu’elle n’aimait guère mais dont les ragots se sont grassement nourris avant de la pousser au suicide. D’autant qu’il se murmure qu’un écrivain se serait inspiré de cette histoire et que tout Paris s’en ferait les gorges chaudes…
Dès le mois de novembre 1856, on se mit à chuchoter de tous côtés que la triste histoire du docteur Bivarot et de sa femme semblait avoir été utilisée par un écrivain. La publication d’un roman aurait même déjà commencé, disait-on, dans une “revue de Paris” ; l’auteur serait un certain M. Fobert, ou Foubert […] ; bref, on ne le connaissait pas. Et on n’avait pas particulièrement envie de connaître un personnage indiscret et dissimulé, qui se serait procuré, Dieu sait comment, des informations sur la vie privée de personnalités rilloises.”
Ah le délicieux plaisir de l’intertexte… Genette avait proposé de “récrire ‘Madame Bovary’ en quittant le point de vue d’Emma”, Sylvère Monod choisit celui de l’épouse de l’outrecuidant pharmacien Homais – archétype du petit bourgeois aussi sot qu’imbu de lui-même, en fait une femme à l’exigeante honnêteté et lui fait raconter sa vie – moins simple et monolithique qu’on eut pu le croire – et les événements quelque peu dramatiques mais somme toute banals qui ont agité sa petite ville au point d’en faire un modèle des “moeurs de province”. L’auteur connait son Flaubert sur le bout du doigt et s’amuse avec malice et élégance, dans une langue sublime qu’on ne peut guère comparer qu’à son modèle, entrainant son lecteur dans une farce drolatique mais non exempte de réflexion. L’analyse des relations entre personnages en particulier l’a semblé singulièrement profonde. Il est vrai que j’ai toujours eu une relation étrange avec Emma. Pendant longtemps, j’ai été incapable de lire ce roman, ennuyeux au possible – et puis un jour – car j’ai tendance à m’obstiner quand un livre unanimement célébré me reste inaccessible – révélation, épiphanie, foudroiement – à trente-cinq ans enfin, je l’ai fini et adoré. Sans doute, comme le dit si bien Sylvère à propos de Marie, me fallut-il “des années pour me faire à l’idée qu’une personne privée soudain d’un plaisir vil est peut-être exposé au même déchirement que si le plaisir avait été d’une sublime noblesse ; et qu’on est parfois appelé à montrer de la compassion, et à en éprouver, pour quelqu’un qu’on n’en juge pas digne.” Je me demande encore ce que cela m’apprend sur moi-même (trop de moi dans cette phrase my bad).
Quand on appartient à l’étrange espèce de ceux pour qui les personnages de papier ont autant de réalité voire plus que ses voisins de palier, l’intertextualité est toujours un petit plaisir coupable, mais quand elle est écrite avec autant de talent dans le style, la narration et le propos, c’est le bonheur tout simplement. Magistral !
Madame Homais – Sylvère Monod – 1987 – Belfond
Mille mercis Cuné pour cette découverte et ce prêt. Sylvère est grand !

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Les Années cerises

année cerisePierre-Jean, pour ses copains, c’est l’Anéanti… Non tant parce qu’il collectionne les zéros à l’école et que le maître a renoncé à lui enseigner quoi que ce soit qu’à cause de sa maison. Une maison dangereusement perchée sur les bords de l’ancienne carrière fermée depuis longtemps. Un énorme trou aujourd’hui sans vie mais à qui le maire a redonné une certaine utilité en la louant pour incinérer les déchets.
Alors quand l’Anéanti trompe sa solitude sur la balançoire accrochée au cerisier du jardin, baignant dans les effluves délétère de la décharge, ses pieds surplombent le gouffre qui bientôt sans doute engloutira son jardin, sa maison et qui sait, lui peut être…
Après Une part de ciel – grand coup de cœur – et Les Déferlantes, j’ai unilatéralement décidé de lire tout Claudie Gallay mais doucement, en prenant mon temps (une fois n’est pas coutume). J’ai donc par hasard ouvert ce petit livre, au départ publié en éditions jeunesse avant d’être réédité par Babel, et comme il se doit, je me suis régalée. Alors certes, c’est un roman court et relativement simple en comparaison d’Une Part de ciel puisqu’il nous plonge dans les pensées d’un petit garçon solitaire, un peu écorché, un peu perdu, plus ou moins abandonné à lui-même et à ses pensées justement… des pensées parfois douces, quand il s’agit de ses grands-parents et de leurs animaux, parfois fébriles quand il songe à la grande soeur de son meilleur ami, souvent désespérées quand elles tournent en rond autour de sa mère brutale, de son père absent, de sa maison qui se délite peu à peu, prête à sombrer – comme sa famille – dans le gouffre malodorant qui peu à peu grignote la terre alentour, le jardin, le pommier, la tranquillité de tous, son sommeil… Un petit roman tendre et cruel comme l’enfance qui ne se laisse pas lâcher facilement. Poignant !
Les Années cerises – Claudie Gallay – Le Rouergue 2004 – Babel 2011

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