La Soeur de Judith

Été 68, c’est la révolution tranquille au Québec. Les temps changent, l’église perd de son emprise, les femmes veulent plus d’espace, plus d’éducation, plus d’influence mais aussi des jupes plus courtes et pouvoir s’amuser. Pour la meilleure amie de Judith, sa voisine en fait, c’est l’été charnière – adieu l’école primaire, à la rentrée ce sera le secondaire, ses peurs et ses mystères. En attendant, elle observe, s’ennuie et surtout admire la soeur de Judith, première personne de son entourage à aller jusqu’à Montréal ; une fille “dans le vent”, qui se maquille, passe des concours de danse, est fiancée au fils d’un docteur. Celle à qui elle aimerait tant ressembler, elle, la petite boulotte qui aime trop lire, a honte de sa mère – trop excentrique et coléreuse pour être une bonne maitresse de maison, et doit s’occuper de ses frères et soeurs plus jeunes…

Un été “plate” (ennuyeux donc) où tout va de travers, voilà ce que la narratrice nous dépeint mais en même temps c’est la fin d’une enfance et la fin d’une époque. Car en arrière-plan, c’est le Saguenay des années soixante, son petit monde coloré, fortement hiérarchisé, loin du tumulte des grandes villes mais dans le vent du changement qui souffle sur l’occident. Et ces remous nous sont contés dans le langage étonnament bien rendu d’une fillette de onze ans qui analyse tout à l’aune de ses rêves et de ses lectures. L’écriture de Lise Tremblay, d’une simplicité trompeuse, quasi magique,  nous entraine en douceur à travers le temps et l’espace dans le Chicoutimi d’une période pas si lointaine mais qui nous parait aujourd’hui un tantinet exotique. Parfum d’enfance !

La soeur de Judith – Lise Tremblay – Boréal – 2007

L’avis de miss Karine qui a grandi dans la même région voire la même ville que notre jeune narratrice…

PS : De la même auteure, j’ai plus qu’aimé La héronière et je ne compte pas en rester là, c’est simple je veux tout lire d’elle voilà !

PPS : Dernier billet du Québec en septembre karinesque de cette année (mais nous espérons bien le retrouver l’an prochain)…

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L’attachement

Anna jeune interne en médecine a perdu sa mère à quatorze ans. De passage dans la vieille maison familiale, elle découvre l’écritoire maternelle et à l’intérieur une longue lettre inachevée, destinée à celui qui fut le premier grand amour de cette mère perdue : son professeur de lettre alors qu’elle avait dix-sept ans et lui vingt de plus. Avide d’en apprendre d’avantage, Anna entame une sorte de quête, interrogeant sa grand-mère, sa tante, des amis perdus de vue, tentant à travers cette histoire d’amour de donner de la substance à une ombre…

J’ai eu envie de découvrir Florence Noiville dont on m’avait vanté l’écriture et ce fut une excellente idée. Dans une langue tout en finesse et élégance, l’auteure explore les rapports mère fille avec délicatesse, ajoutant à l’équation la mort à un âge où une fille n’envisage pas encore sa mère comme une personne à part entière (si tant est que ce jour vienne), encore moins comme une femme. En filigrane, on devine les préjugés et les pressions à l’oeuvre autour de cette jeune fille du passé, en marge par son obstination à vivre au grand jour un amour sinon interdit du moins plus que mal perçu. Un moment dans une vie – seulement cela car plus tard vint le mariage et les enfants – mais un moment assez fort pour marquer à jamais. Un très beau contrepoint où les voix de la mère et la fille se répondent et s’entrelacent, dans une vaine tentative pour expliquer l’inexplicable, ce lien – l’attachement – qui relie deux êtres. Doux-amer !

 

L’attachement – Florence Noiville – Stock – 2012

 

Les avis de Laure et de Solenn que je remercie pour le prêt.

PS : cela faisait longtemps que je n’avais pas utilisé mon bouton livre voyageur tiens, ça fait plaisir !

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La noyade du marchand de parapluies

Au XIe siècle à Arles, un jeune cordonnier est intrigué par marchand de parapluies qui lui confie un livre d’apparence ancienne accompagné de strictes instructions. Curieux, il s’aperçoit très vite que le livre a l’étranges pouvoirs de conter jour par jour le quotidien de son possesseur. De là à penser qu’une ligne d’écriture pourrait changer bien des choses il n’y a qu’un pas. Mais le nouveau propriétaire va très vite comprendre que s’il a de grands pouvoirs, le livre suscite également de nombreuses convoitises et que l’utiliser ne va pas sans risque.

J’attendais avec impatience de relire du Francis Malka qui m’avait positivement enchanté dans Le jardinier de Monsieur Chaos. Malheureusement cette fois la magie n’a pas opéré aussi efficacement. Si son style reste fluide et aisé, avec une touche de poésie toutefois bien moindre que dans mes souvenirs, on peine à s’intéresser à son personnage un rien velléitaire et trop effacé derrière sa trouvaille. De plus l’histoire, bien que riches de quelques bonnes idées, s’effiloche un tantinet, les différents épisodes se succédant à de longs intervalles sans que l’on voie bien le rapport entre eux et sans que le personnage en tire un quelquonque bénéfice en terme d’évolution. De bonnes idées donc, une ébauche de réflexion sur les écarts entre l’Histoire et les récits qui en sont faits, le tout dans un style aisé mais un roman qui n’a pas su m’accrocher faute d’une cohérence interne ou d’un fil rouge qui me permette de m’intéresser vraiment à l’ensemble. Dommage !

 

La noyade du marchand de parapluie – Francis Malka – Hurtubise – 2010

 

PS : Je ne saurais trop vous conseiller de lire Le jardinier de monsieur Chaos, une petite merveille, qui me souffle que je n’en ai pas fini avec cet auteur.

PPS : Des parapluies à Arles au XIe siècle, dès le départ cela m’a déstabilisée… Apparemment le parapluie a été inventé en France au XVIIIe siècle alors certes les Chinois utilisaient un dispositif similaire bien plus tôt mais pour autant…

PPPS : Lu dans le cadre de Mon Québec en septembre, organisé par très gentille et très glamour Karine

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Je vivais sans coeur

mardispoetiques

Je vivais sans coeur, tu vivais sans flamme,

Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;

Tu pris de mes sens, – je pris de ton âme,

Et tous deux ainsi nous nous partageâme :

Mais c’est toi qui fis le meilleur cadeau !

 

Oui ! c’est toi, merci… C’est toi, sainte femme,

Qui m’as fait sentir le profond amour…

Je mis de ma nuit dans ta blancheur d’âme,

Mais toi, dans la mienne, as mis le grand jour !

 

Je tombais, tombais… Cet ange fidèle

Qui suit les coeurs purs ne me suivait pas…

Pour me soutenir me manquait son aile…

Mais Dieu m’entr’ouvrit ton coeur et tes bras !

 

Et j’aime tes bras… tes bras mieux qu’une aile ;

Car une aile, hélas ! sert à nous quitter :

L’ange ailé s’en va, lorsque Dieu l’appelle…

Tandis que des bras servent à rester !

 

Jules Barbey d’Aurevilly (1807-1889)

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Ginkaku-ji

Le Ginkaku-ji est un sublime temple bouddhiste de Kyoto également connu sous le joli nom de Temple du pavillon d’argent. Fondé au XIVe siècle, il devait rivaliser de magnificence avec le Kinkaku-ji (le fameux pavillon d’or) mais ne fut finalement jamais recouvert d’argent ce qui ne l’empêche pas d’être aujourd’hui considéré comme l’un des plus beau temple du Japon.

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Un lieu d’une sérénité presque palpable…

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Et je ne vous parle pas des arbres… de pures merveilles

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La héronnière

Dans un village dont on ne saura pas le nom, la vie quotidienne s’étiole et s’enlise. Les seules animations sont le fait de la chasse, toujours populaire, et des “visiteurs de la ville” qui achètent des résidences secondaires et amènent vie et argent, mais ne seront jamais vraiment d’ici. Dans ce contexte un peu sombre, un peu triste, des hommes et des femmes se croisent, rêvent, se manquent, s’ignorent, s’inventent des histoires qu’ils pensent partagées mais sont souvent bien loin de l’être…

En général je n’aime guère les nouvelles mais quand Karine me conseille un livre, j’ai tendance à l’écouter ; il parait en effet que nous avons quelques goûts communs (du moins l’ai-je entendu dire). Et une fois encore j’ai eu bien raison de lui faire confiance car cette lecture fut un pur plaisir !

Quant à savoir si ce sont réellement des nouvelles, la question se pose. Ces histoires sont certes distinctes mais ensemble elles brossent, par leur unité de lieu et de ton, le portrait en creux et en sombre d’un village dans le Québec d’aujourd’hui. Un village un peu reculé, un peu loin, un peu déserté, devenu le petit coin de paradis de quelques citadins qui pensent y trouver nature et authenticité mais dont le rêve n’est que cela… un rêve. Car si désormais ce sont ces visiteurs qui assurent la survie du village, les “vrais” habitants ne l’acceptent guère, creusant l’incompréhension par une indifférence calculée, une ignorance cultivée, une méfiance affichée. Dans un langage tout simple en apparence et aussi lumineux que la nature alentour, l’auteure nous invite dans un univers clos, étouffant, tissé de non-dits et de frustrations, propre à générer les réactions les plus exacerbées. Prenant et même un tout petit peu effrayant !

La héronnière – Lise Tremblay – 2005 – Léméac – Acte Sud

Encore une bonne pioche pour le projet Mon québec en septembre lancé par ma Karine préférée

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Six ans !

Aujourd’hui mon blog a 6 (six) ans !

Déjà six ans, seulement six ans, qui peut le dire ? Il fait tellement partie de ma vie que j’ai du mal à m’imaginer sans lui, pour parler bouquin, exhiber mes photos, publier mes poèmes préférés et toutes ces choses qui embellissent ma vie depuis 2190 jours.

Pourtant cette année a été rude pour monsieur mon blog, trop de ses amis ont fermé leur porte (à mon grand dam, je ne citerais personne mais vous me manquez les gens), au point que j’ai pendant un temps pratiquement cessé d’écrire, perturbée que j’étais (mon petit coeur est du genre tout mou). Après quelques mois cependant, force m’est de constater que j’ai envie de continuer, de partager, d’écrire, de lire d’autres blogs (des anciens et toutes sortes de petits nouveaux), de découvrir des livres et des auteurs, bref d’aller mon petit bonhomme de chemin, peut être pas à la pointe des tendances blogosphériques (j’en rirais, moi l’éternelle en retard) mais en espérant intéresser quelques blogwalkers de choc (ou égarés c’est selon…).

Mais foin d’émotion, restons dans la tradition des anniversaires blogosphéresques en citant quelques chiffres : mes statistiques prétendent que j’ai reçu 232371 visiteurs (à mon avis elles sont en plein délire), bénéficié de 10588 commentaires (ouiiiiii encore), publié 1023 billets (quoi c’est tout !), participé à quarante douze mille challenges (comment cela, je ne sais pas compter ?) dont au moins un ou deux complété (quelle constance), sans parler des mois ceci ou cela (en ce moment le mois québécois grâce à la glamourous Karine), le prix de cela ou ceci (actuellement le kiltissime, grâce à pota Cryssilda), des défis divers (pour octobre, lire un auteur lusophone grâce au célébrissime Club Lire et Délire) et peut être quelques autres amuseries (ou folleries) que j’oublie à ce moment précis.

Allons bon, c’est reparti pour un an.

lotus.JPGBienvenue à vous qui passez par là et merci… vous embellissez ma vie !

 

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Scintillation

Sur la Presqu’ile tout vit et meurt par l’usine. Une usine morte à son tour mais toujours présente dans les arbres noirs de la forêt empoisonnée, dans les animaux devenus étranges, dans les ouvriers qui errent désoeuvrés, dans les gens qui meurent ou deviennent fous victimes de maladies sans nom. Dans l’Infraville, construite jadis pour loger les employés, avec la fermeture s’est éteint l’espoir, celui de trouver du travail, d’avoir un avenir ou même de pouvoir croire aux promesses d’inocuité des produits fabriqués et répandus à la grande époque. Plus d’illusion désormais, la Presqu’ile est empoisonnée jusqu’à la moelle, comme ses habitants, et nul n’imagine pouvoir quitter ce lieu délétère. Sans doute est-ce la raison pour laquelle personne n’a jamais vraiment cru la version officielle expliquant les disparitions. D’ici, même les jeunes garçons ne fuient pas volontairement. Chacun en silence le sait comme chacun sait aussi que personne jamais ne cherchera réellement à savoir ce qui s’est passé, ce qui se passe encore…

Je suis très partagée sur ce roman, mon premier Burnside. D’un côté j’ai apprécié la poésie de son écriture et mon goût pour les ruines urbaines et industrielles m’a rendue plus que sensible au charme méphitique de l’usine abandonnée, des arbres noirs, du chimiquier à moitié désagrégé, des hangars s’affaissant lentement rongés par quelque substance aussi pernicieuse que mortelle. Le personnage principal, Léonard, m’a plu également, un adolescent certes assez classique du roman d’apprentissage, à la fois paumé et intelligent, pragmatique et vulnérable, mais doté de suffisamment d’appétit de vivre pour apprécier la corruption poétique et symbolique de son lieu de naissance. Mais là où j’ai eu du mal à suivre l’auteur, c’est dans sa narration car finalement, hésitant entre roman symbolique voire métaphorique – la société rongé par la pollution, social – infraville et extraville définitivement séparées par la frontière invisible de la corruption à moins que ce ne soit celle de la pauvreté, policier – qu’est-il arrivé aux jeunes disparus, sans compter d’autres pistes que je n’ai pas toujours comprises mais qu’il m’a bien semblé reconnaitre – notamment sur la dimension sacrée de l’endroit, l’auteur a fini par me perdre et, ne concluant sur aucun point, par me laisser insatisfaite sur tous. Sauf sur l’insolite poésie de la pollution peut être… Un auteur fascinant par son style et ses thèmes mais qui m’a considérablement laissé sur ma faim.

 

John Burnside – Scintillation – Métailié – traduit de l’anglais par Catherine Richard – 2011

 

Lu dans le cadre du prix Kiltissime organisé par la gaéliquissime Cryssilda

PS : Au départ, je pensais que scintillation était un mot inventé pour l’occasion (le roman s’appelle Glitter en anglais) mais non, ce mot existement vraiment… je suis fort aise d’avoir amélioré mon vocabulaire !

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Et la mer et l’amour

Et si on reprenais nos rencontres poétiques du dimanche du mardi ou d’un autre jour… Après tout le mardi est un bon jour pour la poésie, nous parlerons donc de mardis poétiques désormais, en espérant que je trouverai suffisamment de poètes et de poèmes pour que ce rendez-vous dure un peu… (Et comment trouvez-vous mon nouveau logo ?)

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Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,

Et la mer est amère, et l’amour est amer,

L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,

Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

 

Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,

Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,

Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

 

La mère de l’amour eut la mer pour berceau,

Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,

Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

 

Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,

Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,

Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

 

Pierre de Marbeuf (1596-1645) :

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Shimogamo

Le Shimogamo Jinja est un des plus ancien sanctuaire shinto du Japon, fondé au VIe il fait partie d’un ensemble, le kamomioya-jinja, dédié aux esprits du tonnerre si j’ai bien compris. Situé au nord de Kyoto, au confluent de la Kamo et de la Takano, il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco et, à mes yeux, mérite le détour. D’autant que nous avons eu la chance de le visiter un jour de festival, celui du rituel du bain de pied censé assurer aux participants une excellente santé pour l’année (Le genre de chose qui ne se refuse pas) !

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Le rouge des sanctuaires Shinto, je ne m’en lasse pas… Et pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cette visite en ce jour de fête, j’ai concocté un diaporama pour changer.

Diaporama Kizoa : shimogamoDiaporama

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