Depuis que ce blog existe, soit un peu plus de dix ans maintenant, j’ai déjà eu l’occasion de parler de ma très chère et très aimée Amélia Peabody Emerson mais à la faveur d’une relecture extensive et chronophage de toute la série de ses enquête criminello-archéologiques (d’où la jachère actuelle de ces humbles pages), il me semble qu’il est temps de proclamer une fois encore à la face de l’internet mon attachement inconditionnel à ce magnifique personnage de papier et aux non moins attachants romans qui content ses aventures.
Amélia Peabody est née en 1884 à l’âge de trente-deux ans (âge qu’elle et son auteure regretteront hautement d’avoir si imprudemment livré dans Un crocodile sur un ban de sable, premier volume de ses enquêtes), célibataire studieuse au caractère trempé, un rien tranchée dans ses opinions et peut être un tantinet excentrique, elle se trouva cette année-là orpheline et maitresse d’une jolie fortune. Qu’à cela ne tienne, l’occasion était belle d’aller voir de plus près ce que le monde, qu’elle avait si assidument étudié dans les livres, avait à lui offrir. Et le fait est qu’il allait lui offrir beaucoup et tout d’abord un mari et associé hors du commun en la personne de Radcliffe Emerson, brillant égyptologue aussi irascible que passionné – j’aurais pu ajouter quelque peu bruyant ainsi que son surnom égyptien de maître des imprécations le laisse à penser. En vérité je ne spoile guère en vous révélant ce mariage car s’ils se rencontrent dans le premier tome – Amélia se faisant vertement tancée dans le musée du Boulag par le-dit Emerson qu’elle remet dument à sa place, petite passe d’armes apéritive pour leurs volcaniques relations à venir – la saga compte quelque chose comme vingt tomes, on se doute donc rapidement que leur relation est appelée à un bel avenir. De fil en aiguille, ou plutôt de cadavres frais en momies millénaires, leur bouillante association charmera les lecteurs – enthousiaste en ce qui me concerne – durant quelque 40 ans puisque la série se clôt pendant la saison de fouille 1922-1923 restée célèbre pour la découverte de la sépulture royale et néanmoins intacte de Toutankhamon. Mais c’est aller un peu vite, car au cours de ces 39 années d’aventures essentiellement égyptologiques mais avec plus qu’un soupçon d’enquêtes criminelles (à moins que ce ne soit l’inverse), Amélia connaitra les joies de la passion partagée – tant amoureuse que professionnelle, celle plus douteuse de la maternité – un fils unique des plus surprenants (Ah Ramsès) et une fille adoptive tout à fait inattendue, des enquêtes criminelles à ne savoir qu’en faire, une oasis perdue dans la meilleur tradition d’Henri Ridder Haggard, une lutte assidue contre un maître du crime (n’ayons pas peur des mots), des remous politiques, une grande guerre, des petits-enfants, que sais-je encore, sans se départir ni de son ombrelle – instrument fort pratique tant pour se frayer un chemin ou assommer un malotru que pour s’abriter du soleil, ni de son humour. Inlassablement intéressée par l’étude de la nature humaine – dans une tradition très christienne, les allusions à dame Agatha sont un plaisir supplémentaire pour moi – et toujours prête à se mêler des affaires d’autrui qu’elles soient d’ordre archéologique, criminelle ou sentimentale, dotée d’une ahurissante confiance en elle et d’un aplomb désarmant, Amélia – qui doit son nom à Amelia Edwards, tout comme son mari partage nombres de traits avec l’égyptologue Flinders Petrie qui posa les bases de l’archéologie scientifique si l’on peut dire – est un personnage de papier tout à fait plaisant à suivre et bien difficile à oublier.
Êtes-vous relecteur ? Je le suis ! Tout à coup, soudainement, sans raison valable sinon un fragment de dialogue entendu ou une image fugace, me vient l’envie de me replonger dans une œuvre et lorsqu’il se trouve que l’œuvre en question court sur 20 tomes couvrant quarante années de vie, c’est d’une sorte de plongée en eau profonde qu’il s’agit. Pendant deux semaines, j’ai vécu en Égypte – une Égypte d’un autre siècle magnifiquement restituée par une auteure égyptologue elle-même, pris le thé à cinq heures, rêvé de sandwich au concombre, pesté contre les conventions vestimentaires toujours défavorables aux femmes – vous ai-je dis que Amélia était une suffragette convaincue sinon assidue – découvert des tombes oubliées, réformé des criminels endurcis et le grand concepteur sait que je n’avais pas envie d’en sortir. Comment revenir de si loin ensuite pour se retrouver tout benoitement dans un quotidien sans la moindre momie (à propos je soupçonne fortement le gamin de la momie 2 – film réjouissant – d’être directement inspiré du fils prodigue d’Amélia et Radcliffe, Ramsès, mais à vrai dire je soupçonne aussi que le-dit Ramsès avait été plus ou moins inspiré par un fugace personnage de dame Agatha, le Carmichael de Rendez-vous à Bagdad – oui je soupçonne beaucoup, c’est mon côté Amélia). Enfin cela m’aura permis (pendant ce voyage temporel impromptu) de relire les tomes dans l’ordre – leurs éditions françaises ayant été des plus anarchiques – voire de compléter la série car j’ai enfin lu les deux derniers en anglais, ceux-ci n’étant toujours pas, trois fois hélas, traduits. Dernière chose assez amusante, Amelia et Radcliffe ont inspirés des avatars steampunk des plus amusants en les personnes d’Alexia Tarabotti et Lord Maccon sous la plume de Gail Garriger dans son Protectorat de l’ombrelle. Et oui les livres parlent toujours de livres et peut être même discutent-ils entre eux…
Les aventures d’Amélia Peabody ont été publié en anglais entre 1975 et 2010 (l’auteure nous a quitté en 2003) ; en français elles ont paru au livre de poche
Crocodile on the sandbank – Un crocodile sur un banc de sable
1884 – Première visite d’Amélia en Égypte, rencontre avec Evelyne et les frères Emerson
The curse of the pharaohs – La malédiction des pharaons
1892-1893 – retour en Égypte pour les Emerson après une interruption dû à la naissance de Ramsès.
The mummy case – Le mystère du sarcophage
1894-1895 – première saison (hilarante) pour les Emerson avec Ramsès
Lion in the valley – L’ombre de sethos
1895-1896
The deeds of the disturber – La onzième plaie d’Égypte
Eté 1896 à Londre – rencontre avec Margareth Minton
The last camel died at noon – Le secret d’Amon-Râ
1896-1897 – rencontre avec Nefret dans l’oasis perdu
The snake, the crocodile and the dog – Le maître d’Anubis
1897-1898 – retour à Amarna sans Ramsès et Nefret restés en Angleterre
The hippopotamous pool – La déesse hippopotame
1900 – rencontre avec David
Seeing a large cat – L’énigme de la momie blonde
1903 Ramsès a seize ans environ
The ape who guards the balance – Le papyrus de Thot
1906-1907
Guardian of the horizon – Les aventuriers de l’Oasis perdue
1907-1908 Retour à l’Oasis où Nefret a été élevée
A river in the sky – non traduit (hors série publié sur le tard même en anglais)
1909-1910 saison en Palestine
The falcon at the portal – La pyramide oubliée
1911-1912 saison à Gizeh – rencontre avec Sennia
He shall thunder in the sky – Le frère des démons
1914-1915 La grande guerre fait rage et l’Egypte est plus qu’un enjeu entre empires ottoman et britanique sans compter les nationalistes arabes
Lord of the silent– Le retour de Sethos
1915-1916
The golden One – La Nécropole des singes
1916-1917
Children of the storm – La vengeance d’Hathor
1919-1920 une saison en compagnie des petits-enfants Emerson
The serpent on the crown – non traduit
1921-1922 Où l’on se dit qu’une tombe royale bien cachée reste peut-être à découvrir dans la vallée des rois
The tomb of the golden bird – non traduit
1922-1923 Toutankhamon was here