Québec en novembre – le bilan 2015

logo québec2Quelques jours ont passé depuis la fin de notre mois québécois mais enfin il fallait bien que je me repose de ce rythme inusité de publication, si peu dans ma manière. Cela dit, je n’ai pas oublié ma promesse de faire un petit bilan congratulationnesque. Alors un grand bravo à tous, joyeux participants, car nous avons publié, au cours de ce mois échevelé, pas moins de 181 billets tout pleins de romans, auteurs, recettes, chansons, bd et poèmes québécois… Que du bonheur !
J’aurais bien compté les auteurs aussi, grâce à qui nous pouvons lire et découvrir, j’étais même parti pour, mais compter n’est vraiment pas mon fort (si quelqu’un s’y colle j’éditerai mon billet) en tout cas ils furent fort nombreux à l’honneur. Mieux, je pense que nous pouvons compter sur quelques prolongations, chez Karine déjà avec la femme qui fuit de Anaïs Barbeau-Lavalette, et bientôt chez moi avec Pomme S de Eric Plamondon (si si c’est prévu). Comme notre but, à Karine et moi-même, est justement de les faire connaitre, ces écrivains, disons que nous sommes ravies.
Et cela ne s’arrête pas là bien sûr car, même si le monde est grand (voyez le mois kiltissime de Cryssilda (sur la littérature écossaise, parfaitement) ou le challenge Lire le monde organisé par Yspaddaden de tête de lecture), il n’en reste pas moins que Lire québécois, ce n’est pas qu’en novembre… J’avais un logo avec ce slogan malheureusement il est resté en septembre, mais je le referai promis.
En attendant, bonne lecture à toutes et tous, encore merci d’avoir participé, belles découvertes sur tous les continents et beaucoup de plaisir…

Edit du 8 décembre, On me dit que je n’ai pas fait la liste des contributions, mais si, mais si, la liste (complète, espérons-le) des 181 billets est Ici

scène d'hiverà pointe saint-CharlesScène d’hiver à Pointe Saint-Charles – Miyuki Tanobe
Galerie Valentin

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Méchant party

logo québec2Aujourd’hui pour le dernier jour de Québec en novembre, nous avons décidé – avec tous les participants qui musaient sur notre joyeux groupe il y a quelques temps – d’organiser une mégateuf, autrement appelé méchant party… Mais quel party ? On ne savait pas trop. J’ai successivement envisagé de vous parler de mes abandons du mois mais ça ne me paraissait pas très festif, puis de 1984 la délicieuse trilogie de Eric Plamondon, puis de mon plus gros coup de coeur québécois de tous les temps (si jamais j’étais capable de n’en sélectionner qu’un), mais rien de tout cela ne me semblait assez décoiffant… Alors en attendant les comptages, récapitulations et congratulations qui viendront bientôt, en préludes aux très probables prolongations (car il me reste de beaux romans à commenter), je vous laisse avec la très fantabuleuse Barcelone du très ébouriffant Jean Leloup pour qui j’ai – avouons-le – un petit faible et qui, me semble-t-il, est doté d’un mega sens de la mégateuf qui dépote ! Ce fut un bien beau mois québécois, grand merci à tous d’avoir participé, à bientôt pour de nouvelles aventures et… Enjoy !

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La danse juive

dansejuiveA Montréal, une jeune pianiste, accompagnatrice dans une école de danse, tente de mener sa vie selon ses propres règles, malgré une obésité qu’elle refuse de “traiter” comme la société tente de le lui imposer et une histoire familiale profondément dysfonctionnelle. Malheureu-sement, même pour un esprit qui se veut libre, le monde et ses normes ne se laissent pas facilement ignorer et la pression peut s’avérer très forte, trop peut être…

Lise Tremblay signe avec La Danse juive un roman acide et féroce sur la difficulté de vivre sa différence dans un monde corseté par l’apparence et la norme – et ceci même pour une femme prête à assumer  jusqu’à l’autodestruction voire la monstruosité. Cette narratrice, solitaire, intelligente, souvent hostile, parfois drôle de part son implacable sens de la dérision et du dérisoire, est un personnage profond et complexe dont on ne sait bien si son poids l’a poussée à l’écart d’un monde plein de mépris ou si sa personnalité atypique, opposante et rebelle à l’extrême, l’a conduite, face à une famille trop conventionnelle, à se dissimuler dans son propre corps, remparé comme une forteresse contre toute tentative d’assimilation, d’aliénation ou même simplement d’affection. Une histoire sans complaisance, dérangeante et forte qui pose de multiples questions et ne laisse pas indemne. Bousculant !

La Danse juive – Lise Tremblay – 1999 – Léméac

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Le long retour

gamache_10_unlongretour_c1_portrait1435693122Enfin à la retraite dans le doux village de Three Pines, l’ex inspecteur-chef Gamache entend couler des jour paisibles et tenter d’oublier les affres et tempêtes qui ont marqué la fin de sa carrière. Mais Clara, son immuable amie et maintenant voisine, est inquiète pour son mari Peter, parti depuis un an pour trouver un remède à sa jalousie artistique. Et Clara n’est pas de celle à qui Gamache pourrait refuser son aide, voici donc une improbable équipe formée de Clara l’artiste, Myrna la psycholibraire, le terre-à-terre Jean-Guy et le désormais retiré Armand sur les routes du Québec et du temps à la recherche d’un homme qui semble avoir perdu son chemin depuis bien plus longtemps qu’on ne le penserait…

Un peu de calme après la tempête – la dernière enquête officielle* de l’inspecteur chef s’était conclu dans une apothéose de sang, de neige et de feu ; ce roman-ci s’inscrit dans un registre beaucoup plus intime dans un contraste des plus agréables. L’auteure nous entraîne, sur les traces d’une troupe quelque peu bancale, dans une recherche de soi, de l’art et de l’autre à travers le monde – mention spéciale à l’incursion mirifique au bien réel Jardin de la spéculation cosmique de Dumfries** – mais surtout dans les sublimes paysages de Charlevoix et de la Basse-côte-nord si bellement représentés par Clarence Gagnon***. Un voyage de retour vers la normalité après de cruels traumatismes****, une promenade à travers l’art qui blesse mais qui répare, une enquête intime comme Louise Penny en a le secret. Délicieux !

Un long voyage de retour – Louise Penny – traduit de l’angalis par Lori Saint-MArtin et Paul Gagné – 2014 – Flammarion Québec 2015

La Faille en toute chose – Louise Penny 2014
** Inscrit désormais dans la liste : “Mes jardins à visiter absolument”
***Encore une belle découverte artistique que je dois à Louise Penny
**** tel un Ulysse confortable mais néanmoins durement éprouvé cherchant sa route (l’allusion à Ulysse est de l’auteure)

D’autres enquêtes de l’inspecteur chef Gamache par ici

baie saint paul Matinée d’hiver à Baie Saint Paul – Clarence Gagnon (entre 1926 et 1934)

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Le vieux Chagrin

vieux chagrinJim vit seul dans la maison de son enfance au bord du fleuve, pas très loin de Québec. Tous les matins dans son grenier, il écrit, debout devant une boite à pain, une histoire d’amour qui lui résiste. Alors quand il est fatigué d’attendre que ses personnages agissent à son gré, il va se promener sur les battures, accompagné de son chat, le vieux Chagrin. Jusqu’au jour où, au détour d’un rocher, il découvre dans une petite grotte habituellement vide, des traces de campement et un exemplaire des contes des Mille et une nuits avec un nom tracé à la première page, Marie K., Marika…

Dans un roman de Jacques Poulin, il y a toujours des chats un peu partout, un homme qui fait profession d’écrire, des passantes qui parfois s’installent, le fleuve-mer en arrière plan, de longues promenades, des livres – beaucoup –  voire de l’Hemingway… Et avec ces ingrédients, il tisse à chaque fois une nouvelle histoire, à moins que ce ne soit un peu la même mais autrement, sur la difficulté d’écrire, de créer des relations avec les autres, de les maintenir, de savoir qui on est, d’où l’on vient et si cela a de l’importance, de la difficulté enfin de faire la part des choses entre réalité et imagination. Et le mystère perdure, tout comme le charme, car on ne saura jamais vraiment si… et cela est très bien ainsi. Ravissant !

Le vieux Chagrin – Jacques Poulin – Lémeac Acte sud – 1989

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Whisky et paraboles

paraboleElie, la trentaine, a décidé de tout recommencer. Elle a tout vendu, tout liquidé, a acheté une maison au fond des bois… toute meublée pour éviter les souvenirs. Mais la distance ne fait rien à l’affaire quand on se fuit soi-même. Reste le whisky et les voisins, car même dans les villages reculés il y a des voisins, et l’humanité ne se laisse pas facilement écarter surtout quand elle est représentée par un gros gras grand musicien au talent immense, un amérindien poète ou une petite fille perdue… surtout une petite fille perdue.
Whisky et paraboles explore avec talent l’esprit d’une femme en quête de sens. Décidée à faire table rase du passé, elle brode en fantaisie, à la place de ses souvenirs bannis, des histoires et méditations de son cru tant pour elle que pour la petite Agnès qui devient vite la nouvelle ancre de son existence. J’ai eu plaisir à retrouver la poésie toute imprégnée de nature et d’eau de Roxanne Bouchard et son talent pour créer des personnages attachants. Ce roman est sans doute moins abouti que Nous étions le sel de la mer écrit plusieurs années plus tard et qui m’a tant enchanté. L’histoire manque un peu de tenue, comme si l’auteure avait voulu brasser trop de choses sans réussir à tout maitriser et l’écriture, quoique déjà puissante, est un peu trop chaotique encore, abusant de tournures qui après m’avoir séduite son devenues un peu trop systématiques à mon goût. Tel quel c’est un beau roman tout imprégné de littérature et de musique québécoises et qui annonce une superbe auteure à suivre absolument. Sylvestre !

Whisky et paraboles – Roxanne Bouchard – 2005 – VLB – 2008 – Typo

L’avis de Karine

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C’t’à ton tour, Laura Cadieux

c-t-a-ton-tour,-laura-cadieux-391780Comme tout les mercredis depuis dix ans, Laura Cadieux traverse quasiment Montréal pour pour aller s’assoir dans la salle d’attente du docteur, du gynécologue précisément, qui traite son obésité à l’aide de piqures, pelules et conseils divers. Pour elle, c’est quelque part la grande affaire de la semaine cette consultation, voyage et attente comprise car il faut bien compter trois ou quatre heure de patience, un moment passé entre femmes – ou presque – à jaser, tricoter, lire des magasines, penser, se chicaner, regarder la télé mais surtout jaser…

Michel Tremblay aime à servir des tranches de vie sur canapé ou, en l’occurrence, sur chaises d’attente et jamais on ne s’y ennuie. Comment fait-il cet homme pour réussir à nous enchanter si bien ? Mystère.  Pendant quelques heures, il nous invite dans les pensées et méditations d’une femme très ordinaire, ni très éduquée ni très tolérante, aux sujets d’intérêt bien étroits et pourtant, par la magie du verbe et de l’empathie, c’est toute une vie qui s’ouvre à nous, une vie, une époque, un point de vue, illuminée par cette bienveillance, cette absence de jugement qui est sa marque et sa force. Et au détour de ce parlé populaire, de cette drôlerie qui pétille à chaque page, un éclair d’émotion se fraie un chemin devant cette grande gueule, remparée derrière une corpulence qui l’isole et lui fait honte, un peu susceptible et agressive mais solide aussi, pudique, battante comblant avec les moyens du bord une vie finalement bien vide et solitaire mais dont elle essaie de s’arranger le mieux possible. Drôle !

C’t’à ton tour Laura Cadieux – Michel Tremblay – 1973

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Les peaux cassées

Layout 1Il était une fois un tailleur de peaux et une femme poisson. L’un réparait les peaux encore en état de l’être, l’autre soignait les âmes qui lui laissait en échange des seaux de larmes bien encombrants… C’est que dehors sévissaient la crise, la faim et l’assèchement et que les esseulés qui passaient – musicien bossu, enfants de gouttière ou voisins en tout genre, avaient bien des tristesses à déposer. Mais toute la misère du monde peut-elle s’épancher dans un appartement, si douillet soit-il, quand la ville croule et que les étoiles s’éteignent ?

Ce qui m’est venu à l’esprit en lisant ce délicieux roman, c’est un peintre naïf à la palette acidulée esquissant l’apocalypse. Dehors l’épouvante règne – les foules affamées se traquent et se dévorent, les guillotines travaillent dur, les vieux s’élancent des balcons comme autant de feuilles mortes et la noirceur peu à peu efface les étoiles. Dedans, l’appartement du narrateur, forteresse et refuge, résiste au chaos, le café y est chaud, la cuisine embaume, les lits sont douillets et il y a toujours de la place sur le toit pour quelques seaux de larmes. Face à l’horreur, l’indifférence cruelle devant la misère dévorante et ses conséquences, chacun réagit à sa façon. Certains rêvent de bombes, le narrateur, lui, cherche à réparer ce qui peut encore l’être. Le cas semblerait-il aussi désespéré que celui de l’épouvantable crucifié au coin d’une rue qui insulte tout un chacun, récoltant en retour moult horions. Et c’est ainsi que, dans ce monde en déliquescence, filtre une lumière qui enchante – par la poésie des images et des jeux de langage, par une inventivité qui élude superbement les explications et un parfum de surréalisme qui flambe comme une invocation au divin Boris*. Et contre toute attente, on referme le livre un sourire au cœur et l’œil rêveur. Magique !

Les  Peaux Cassées – Richard Dallaire – Alto – 2013

L’avis de Karine qui m’a donné envie

*Vian (who else !)

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No man’s land

Gingras_150DPID’un côté il y a Eden, à peine adolescente et déjà durcie au feu de la faim, mâchoires serrées, yeux vigilants, occupée à survivre entre une mère en perdition, des aînés sans tendresse et une petite sœur à protéger. De l’autre il y a Jeanne, en âge d’être sa grand-mère et en plein désespoir d’amour après une rupture trop dure. Entre les deux, un no man’s land de désespoir, là où les mots n’ont ni sens ni objet mais où peut-être – peut-être – deux solitudes peuvent se rencontrer, se reconnaître, et qui sait…

Sur une trame, hélas connue, entre enfance maltraitée et vieillesse solitaire, Charlotte Gingras brode un très joli roman d’une extrême délicatesse – délicatesse des sentiments, ceux d’une jeune fille qui envers et contre toute réalité tente de croire au prince charmant, délicatesse d’un regard, celui d’une femme qui se refuse à juger, délicatesse d’une évocation, celle de la nature dont les recommencements laissent filtrer un filet de lumière, délicatesse du style enfin qui glisse d’une narratrice à l’autre, se moule dans chaque langage, chaque personnalité, jusqu’à les doter chacune d’un visage, d’une personnalité, âpre certes mais attachante. Poignant !

No man’s land – Charlotte Gingras – Druide – 2014 

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Kamouraska

kamouraskaAlors que son mari agonise, Elizabeth d’Aulnière, épouse Rolland, respectable mère de 11 enfants, digne fille d’une bourgeoisie des plus aisées, revit les heures les plus orageuses de son passé, celles qui l’ont conduite à épouser le doux, le gentil Jérôme maintenant à l’article de la mort, et peu à peu les souvenirs se transforment en cauchemar…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture de Kamouraska que j’avais intérieurement catalogué comme roman d’une grande passion, a été une vraie surprise. Alors certes, il y a de cela mais c’est loin d’être l’essentiel, et s’il y a bien de la passion dans ces pages, une passion fébrile et cruelle, on ne sait si c’est d’amour qu’il s’agit ou s’il s’agit seulement de cela. Mais ce qui frappe par dessus tout dans ce roman, c’est l’écriture, dense, serrée, fiévreuse, étouffante, qui asphyxie lentement le lecteur à mesure qu’il sombre avec Elizabeth dans ce qui est peut-être un cauchemar, peut-être une hallucination, peut-être la folie.

En lisant l’histoire de cette grande bourgeoise capricieuse et fantasque, pas vraiment sympathique mais marquée par le destin, j’ai souvent pensée à Madame Bovary et j’imagine que ce n’est pas une coïncidence si ce roman est lui aussi tiré d’un fait divers qui scandalisa le Québec au début du XIXe siècle. Oh certes le destin d’Elizabeth n’est pas celui d’Emma mais toutes deux partagent cette sorte de rage désespérée qui les fait se débattre comme des oiseaux affolés, piégés, étranglés par le carcan d’une condition imposée et d’une éducation superficielle et – mais sans doute est-ce inévitable – avec aussi peu de discernement. Un grand roman, magnifiquement écrit et somptueusement noir. Halluciné !

Kamouraska – Anne Hébert – 1970

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