Prairie

fleur

Saint-Lary – Avril 2015

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Et je danse aussi

bondouxmourlevatUn écrivain – célèbre – reçoit – un beau jour – une grosse enveloppe avec comme expéditeur une simple adresse électronique. Persuadé d’avoir affaire à un écrivain du dimanche avide de faire lire son manuscrit, il répond – fort poliment – par une fin de non recevoir et propose de renvoyer l’objet sans l’ouvrir. S’engage entre Pierre-Marie l’écrivain et Adeline l’expéditrice une correspondance électronique et néanmoins proprement épistolaire, d’abord distante, puis drôle, puis quelque peu échevelée et ce n’est qu’un début…
Vous me voyez venir avec cette rencontre courrielesque mais halte là, ce n’est pas ce que vous croyez et je ne vous en dirai pas plus. Installez-vous, tout comme moi, dans cette relation à distance que vous penserez peut être avoir déjà lu quelque part mais que nenni, la surprise est au tournant de la page et tout prend une autre saveur, une autre profondeur. Certes j’ai une certaine faiblesse pour les roman épistolaires, c’est une forme qui me parle (qui m’écrit, devrai-je dire), des Liaisons dangereuses* (un de mes classiques préféré de tous les temps) à Quand souffle le vent du nord (ah Léo) en passant par Inconnu à cette adresse** (j’en ai encore froid dans le dos), Septuor*** (je vous laisse juge mais quelles plumes) ou 84 Charing Cross (encore un de mes tout préférés), je suis cliente c’est un fait. Ce roman partait donc avec un a priori des plus positifs et il a largement tenu ses promesses. La narration, très enlevée, sait venir nous chercher dans le rire quand on attend du pathos, dans l’émotion quand on attendait une pirouette et quant à la construction, fort astucieuse, elle nous maintient dans l’incertitude avec une efficacité certaine. C’est vif, c’est touchant, c’est questionnant, on en ressort le sourire aux lèvres, prêt à donner un coup de balai et vivre – selon l’expression consacrée –  le premier jour du reste de nos vies. Étonnant !

Je danse aussi – Anne Bondoux & Jean-Claude Mourlevat – 2015 – Fleuve noir

Les avis enthousiastes de Cuné et Clara (qui m’ont donné envie, merci à elles), celui très mitigé de Mylène (qui par nos échanges m’a donné envie d’écrire ce billet à une vitesse quasiment supersonique, merci à elle).

* Oups pas chroniqué, à ma décharge je l’ai lu longtemps avant d’avoir ouvert ce blog. Bon je l’ai relu depuis d’accord, shame !
** Non plus, c’est mal…
*** Toujours pas, mais que fais-je de mes journées ? Ah oui je lis ! mais j’ai honte me tout de même, si si si !

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Manderley forever

DUM31907, dans une famille fort aisée et quelque peu artiste de la bonne société londonienne – le père est un acteur connu, le grand-père un célèbre auteur et dessinateur – nait une petite fille rêveuse, fantasque et terriblement indépendante. Obsédée très tôt par les mondes imaginaires et les langages qu’elle crée avec ses soeurs, par le théâtre qui est une affaire de famille et par l’écriture dont elle rempli très vite feuillets et carnets, elle le sait, elle s’en doute, elle sera écrivain et plus encore sa vie est un roman…
Ah remettre Daphné Du Maurier au goût du jour, elle qui m’a enchantée avec Rebecca*, l’Auberge de la Jamaïque et surtout le Général du roi et qui semble si injustement oubliée de nos jours, quelle idée enthousiasmante ! Et c’est bien ce qui pourrait se produire grâce à cette très belle biographie-roman de Tatiana du Rosnay. Biographie-roman dis-je car ne nous y trompons pas, même si tout est vrai dans ce livre – nourri de recherches, d’enquêtes et de l’immense correspondance de Daphné, l’auteure de Manderley forever a su insuffler vie à son sujet – son personnage, son héroïne peut être – qui devient ici le centre du roman de sa vie – et Agatha**** sait qu’elle s’y prête cette vie.
On pourrait, par bien des aspects, le lire comme un conte de fée, l’histoire d’une petite princesse gâtée par la vie, qui fit toujours ce qu’elle voulait, épousa son prince charmant, en eut beaucoup d’enfants, les éleva dans le château** de ses rêves et devint un écrivain célèbre et admiré par la planète entière. Mais tout comme dans ses livres, en filigrane se dessine une ombre, une fine noirceur qui s’étend et s’étale. Derrière la femme comblée,  se cache une écrivaine mélancolique, éprise de solitude, écartelée entre son besoin de routine et ses aspirations passionnées, guettant l’inspiration, transformant ses modèles, moulinant la réalité, extirpant ses obsessions puis s’enfermant dans son sujet, s’isolant de sa famille pour s’immerger dans l’écriture jusqu’à ce qu’enfin le livre soit terminé et qu’elle s’en détache. On sent Tatiana de Rosnay littéralement habitée par son sujet, par cette femme malmenée par la critique qui ne lui pardonna jamais le succès de Rebecca et la catalogua à jamais comme auteure à l’eau de rose***, elle qui savait comme personne distiller la noirceur et en ligoter ses personnages. Passionnant !

Manderley Forever – 2015 – Tatiana de Rosnay – éditions Héloïse d’Ormesson – Albin-Michel

* C’est  là que je m’aperçois que je n’ai pas écrit de billet sur Rebecca, Mea maxima culpa et toute cette sorte de chose.
**Le très fameux Menabily dont elle s’inspira pour Manderley (oui c’est dans Rebecca, le roman que je n’ai pas chroniqué, shame shame shame) et qui est l’un des personnage principaux du Général du roi (si c’est possible, lisez vous verrez).
*** Il n’y a aucun mal à être auteur de romance, j’en connais de lumineuse que j’aime d’amour, mais si vous pensez que Rebecca est une romance, vous ne l’avez pas lu. Et comme ça tombe, une nouvelle traduction sort ces jours-ci, où vous pourrez découvrir le célèbre incipit “La nuit dernière, j’ai rêvé que je retournais à Manderley…” et en savourer l’exaltante angoisse qui séduisit le grand Hitchcock***** soi-même (1940).
**** Christie oui, j’ai beaucoup pensé à Dame Agatha pendant cette lecture, ces deux contemporaines issues de milieu similaire ont de nombreux points communs, leur amour de la littérature et des maisons, leurs voyages, leur manière de vivre la maternité, leur façon de transposer personnes et événements… Je sais qu’elles se sont rencontrées, mais se sont-elles parlé ?
***** Hitch qui adapta également L’Auberge de la Jamaïque (1939) et les Oiseaux (1963) de Daphné mais avec qui il semble qu’elle ne se soit guère entendu…
****** J’aime les notes de bas de page, alors je peux faire des notes dans les notes et les mettre dans l’ordre qui me sied, parfaitement.

menabily

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Fleurs de pommier

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Fleurs de pommiers – Saint-Alban – 2015

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La Part des flammes

la-part-des-flammes-580356-250-400Mai 1897, dans le Paris mondain il n’est question que de la grande vente du Bazar de la Charité, l’événement de la saison. Pour chaque femme ou fille bien née, se montrer derrière un de ces comptoirs pour jouer à la marchande en faisant son devoir de bonne chrétienne, est une nécessité qui justifie manigances et subterfuges en tout genre. Au mépris de la bienséance bourgeoise, la duchesse d’Alençon – soeur cadette de la célébrissime impératrice d’Autriche – a accordé ce précieux privilège à deux jeunes femmes à la réputation chancelante, l’une pour son passé opaque, l’autre pour avoir tenu tête à sa famille et rompu ses fiançailles ; ce qui ajoute un rien de piment supplémentaire aux ragots en vogue. Et comme distraction supplémentaire, on annonce une démonstration du tout nouveau cinématographe. Hélas c’est de là que viendra l’étincelle qui ravagera le tout Paris féminin en quelques minutes d’enfer et de flammes. Pour les rescapées, le monde en sera changé à jamais et l’épreuve ne fait peut-être que commencer…
J’ai une tendresse tout à fait spéciale pour ce roman et ses personnages dont j’ai attendu avec l’impatience d’un lecteur de feuilleton du XIXe, la suite des aventures de semaine en semaine. Plusieurs année ont passé et pourtant Sophie, Violaine et Constance sont restées bien vivantes dans ma mémoire. Autant vous dire que j’ai sabré* le champagne quand j’ai su qu’enfin, enfin, ce superbe roman allait être publié et que tout un chacun pourrait s’en régaler. Gaëlle Nohant sait insuffler vie et chaleur à ses personnages, ses cadres et ses atmosphères. Avec elle nous plongeons dans le Paris tout en contrastes de la Belle Époque, elle nous fait vivre la condition de ces femmes de la bonne société, si privilégiées par certains aspects et si étroitement corsetées par les règles implicites d’un milieu qui réprime et châtie sans pitié le moindre écart, fut-il involontaire. On grince des dents devant ces psychiatres si pleins de bons sentiments, si profondément pervers, on plaint ces bibelots de prix peut-être mesquines mais qui se croyaient aimées et n’étaient qu’admirées, on suit avec fascination la mécanique implacable des médias toujours en mal de sensations. Autour de ces thèmes – et de bien d’autres encore, l’auteure tresse les destinées de ses personnages en une intrigue passionnante, rondement menée voire haletante à la toute fin,  dans une écriture élégante et subtile mais vigoureuse aussi et étonnamment sensuelle. Admirable !

La part des Flamme – Gaëlle Nohant – 2015 – Héloïse d’Ormesson

* métaphoriquement s’entend, je préfère ouvrir les bouteille de manière conventionnelle, je sais c’est un tantinet mesquin mais que voulez-vous, gâcher du champagne, c’est mal.
PS : Gaëlle Nohant est également l’auteur de L’Ancre de rêves, un petit bijou de roman que vous devriez déjà avoir lu, mais si ce n’est le cas, réjouissez-vous, il est sorti en poche chez Pocket…
PPS : Son recueil de nouvelles L’homme dérouté n’est pas mal non plus, voire fort bon et même excellent…
PPPS : Bien que La part des flammes soit un authentique roman, tous les détails relatifs à l’incendie du Bazar de l’Hôtel de Ville sont authentiques. il existe sur les lieux, rue Jean Goujon, une chapelle dédiée à la mémoire des près de 200 victimes, essentiellement des femmes de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie parisienne, que fit cet incendie. L’événement eut, à l’époque, le retentissement qu’aura plus tard la catastrophe du Titanic. Le cinématographe, jugé responsable, faillit ne pas s’en remettre.
PPPPS : Courez vous l’acheter que diable…

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Le Principe

le principeEn 1932, un jeune allemand, Werner Heisenberg, obtient le prix Nobel pour avoir inventé – si l’on ose ainsi dire – la physique quantique et le principe d’incertitude. Soixante ans plus tard, un apprenti philosophe raté, s’interroge sur les choix de vie du physicien dans l’horreur de la première moitié du XXe siècle.

Dans un long monologue qui tient à la fois de l’épître et de la méditation, Jérôme Ferrari réussit une étonnante mise en abime de l’homme destructeur s’opposant à la beauté du monde. A travers sa vision de Heisenberg et de ses choix discutables, il lie intimement deux  périodes de dévastation – l’une ravagée par la guerre, l’autre par la finance, toutes deux par la folie des hommes et les péchés de la science, la physique qui mènera les hommes à Hiroshima et les mathématiques mises au service d’un capitalisme sauvage ; deux ères de désolation et de chaos et sans cesse la question fondamentale de l’importance des choses : la mort et l’argent, le pouvoir et la connaissance ou plus simplement la grâce oubliée, négligée, défigurée peut-être d’une musique ou d’un paysage ! Dans une langue dense, un style d’une élégance et d’une concision extrême, l’auteur nous aspire dans un maelstrom de réflexion et d’interrogations sur ces choses qui comptent vraiment, la force, la vérité ou la beauté qui sait. Sublime !

Car “il existe un second mouvement, plus secret, plus profond. A la monotonie du chaos, il oppose seulement la calme persistance de son déploiement imperceptible, qui suffit peut-être pour que ne soit pas abandonné aux seuls adorateurs de la mort le soin de décider ce qu’est la vérité.”

Le principe – Jerôme Ferrari – 2015 – Acte sud

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C’est le printemps les gens…

arbre en fleurs
Saint-Alban – Mars 2015

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Sur les ossements des morts

ossementsDans un village des sudètes polonaises dépeuplé par l’hiver, la mort absurde d’un vieux braconnier – étouffé par l’os d’une biche qu’il avait tué et mangé – semble préluder à un enchainement de morts étranges, visant des notables peu ragoûtants, tous chasseurs de surcroît. Pour Janina Doucheyko, une des rares habitantes permanente du village, ingénieure en retraite, férue d’astrologie et fervente protectrice de la nature sous toutes ses formes, une seule explication possible : les animaux ont commencé à se venger…
Que voilà un étrange roman à la croisée des genres ! Sur une trame de polar plutôt réaliste et retorse, l’auteur se glissant dans l’esprit quelque peu particulier de la narratrice – Janina qui n’aime pas son prénom et renomme gens et choses en fonction de l’harmonie qu’elle perçoit – tisse un manifeste écologique dont on ne sait s’il relève du pamphlet social, du conte traditionnel, du fantastique ou de la psychiatrie toute crue. Lisant le monde dans les étoiles et construisant ses théories plus ou moins fantaisistes avec la rigueur toute scientifique de l’ingénieure qu’elle fut, Janina nous livre peu a peu son interprétation du monde, tour à tour loufoque ou lucide, parfois cruelle, souvent poétique – lorsqu’elle passe et repasse la frontière de Tchéquie pour célébrer le temps d’avant ou un tel acte semblait à jamais impossible. Un roman étonnant qui accroche et dérange et dont la fin laisse un petit goût mi-figue mi-raisin. Surprenant !
Sur les ossements des morts – Olga Tokarczuk – 2010 – traduit du polonais par Margot Carlier – Noir sur blanc 2012
L’avis d’Ys qui m’a donné envie

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Salon du livre et des belles rencontres

salon_livre_paris_affichesLe Salon du livre c’est fini… mon premier ! J’en ressors éreintée comme après un marathon (enfin je suppose, courir le marathon ne m’est jamais venu à l’idée, je l’avoue), heureuse au possible avec la tête dans les étoiles et des idées de lecture pour plusieurs vies. J’ai retrouvé pendant trois jours le goût merveilleux des rencontres entre blogueurs, entre blogueurs et auteurs, entre lecteurs tout simplement qui se croisent sur la toile et font des étincelles quand ils se rencontrent in real life (d’où l’abondance de liquide divers pour contenir les flammes, c’est bien normal quand on y pense).
Car j’ai discuté avec des auteurs (et ça c’est nouveau). Normalement devant un écrivain tout ce qui me vient aux lèvres c’est un genre de borborygme ressemblant vaguement à « j’aime beaucoup ce que vous faites » et bien là non, j’ai papilloné autour d’Emma Foster, Angela Morelli, Gaëlle Nohant, Karine Gobled et Bertrand Campeis sans la moindre appréhension (Joker, d’accord je triche et d’ailleurs le roi n’était pas mon cousin (expression qui ravit ma twinette) d’avoir trois amies très chères en dédicace (peut être même quatre, ça se discute et comme dit Boris, rien n’est intéressant comme une discussion) (Bertrand je l’ai rencontré à cette occasion)). Mais, amis mis à part, j’ai réussi à discuter avec Eric Plamondon (et le représentant des éditions le Quartanier dont j’ai oublié le nom mea maxima culpa) de Québec en septembre et du fait que j’ai tellement aimé ses livres qu’il m’a fait lire Brautigan (lisez Hongrie Hollywood express et Mayonnaise et vous comprendrez) ; j’ai dit bonjour à Peter May (grâce à Cryssilda), discuté littérature japonaise avec Eleonore de Fernaye et Modiano avec Julien Tubiana, croisé Jacques Weber et salué Tatiana de Rosnay, que sais-je encore ? (je pourrais vous raconter notre arrêt au stand de la lecture érotique connectée peut-être ? Ou pas, mais sachez qu’un avenir vibrant se prépare !) Un seul regret, avoir raté Catherine Leroux, qui était malheureusement malade, et Jean-Philippe Blondel dont j’ignorais tout bêtement qu’il fut là (Vous ai-je dit que le concepteur du site internet du SDL devrait, selon moi, être pendu par les pieds et peint en vert pour jet d’incompétence critique ?)

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Quant aux blogueurs, je n’avais pas connu pareille fête depuis les jours lointains de Books and the City c’est dire… Et du coup j’ai envie de dire merci à la vie, à l’univers et à Fabienne, Isil, Gaëlle, Lhisbei, Stephie, Tamara, Mo, Noukette, Framboise, Jérôme, Cryssilda, Lou de myloubook, Laurie, Caroline, Sarah, Mylène, Karline… (et si j’oublie quelqu’un que je sois fouettée comme dirais Emma herself). Il y eut un monde fou, des signatures roses et violettes, des flots de parole, de rires, de caïpirinhas (le brésil était à l’honneur après tout) et de mojitos (en after les deux derniers évidemment que croyiez-vous donc) (Ce fut au reste un banquet quasi médiéval et digne de Beowulf comme me le faisait remarquer ma très chère Mo qui s’y connait), de l’amitié surtout qui fait chaud au cœur et me rappelle ce que je dois à internet, aux blogs et à toute cette sorte de chose. Lucky me comme dirait Karine qui nous a bien manqué !

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Le mur mitoyen – Le Guide des âmes perdues

guides des amesComme vous le savez peut-être, je vis une grande histoire d’amour avec les romans de Catherine Leroux (un de mes regrets du Salon du livre, c’est de l’avoir ratée, trois fois hélas), et comme son Mur mitoyen ressort ces jours-ci en France sous le titre Le Guide des âmes perdues, j’ai pensé repêcher des sombres profondeur de ce blog, le billet ébloui que ce bijou de livre m’avait inspiré en son temps…

Elles atteignent la rue et comme chaque fois, elles quittent instantanément l’univers domestique. Il n’y a pourtant pas de clôture entre la cour et l’avenue. Mais il y a cette palissade invisible qui permet d’ignorer ce qui survient de l’autre côté…

A Bathurst, Madeleine attend Edouard en parlant toute seule ; à Montréal Ariel et Marie forment un couple fusionnel dont l’union semble plus solide que le roc ; à San Francisco Carmen et Simon veillent leur mère mourante en espérant qu’elle leur parlera enfin. En filigrane, à moins que ce ne soit dans un autre temps, deux petites soeurs marchent seules, main dans la main dans une rue de Savannah, une rue qui penche, prête à basculer…

Parler d’un roman de Catherine Leroux est toujours – enfin pour la seconde fois – un défi… Comment parler de ce foisonnement, de cet éclatement, de ce motif éparpillé, qui se cache, qui interroge et puis qui apparait tout à coup – noir et brillant comme le sort ? Trois histoires distinctes, peut être quatre, huit destins, peut être plus, une narration à voix multiples qui nous entraine dans l’intimité de chacun, ses doutes, ses interrogations, ses failles… Mais bien sûr tout est lié. Oh pas vraiment, pas essentiellement mais qu’importe une fois qu’on ouvre la boite de Pandore, il est bien tard pour se demander si cela en valait la peine.

Après sa magnifique Marche en forêt, premier roman puzzle et familial, Catherine Leroux interroge et creuse la filiation, la fratrie, le lien génétique fantasmé, le double surtout, le silence aussi… Et cette fois encore c’est la construction parfaitement maitrisée du récit qui frappe dès l’abord. Impossible de savoir où l’on va, on redoute de se perdre mais quelque part dans l’ombre, une main nous guide aussi sûrement que celle d’une grande soeur bienveillante mais qui ne saurait nous protéger de tout. C’est une histoire dont il ne faut rien révéler, non qu’il soit question d’un simple suspens, mais pour le plaisir de voir les pièces s’ajuster sans bruit – un petit grincement douloureux peut être – mais inéluctablement. Cela suffirait sans doute à en faire un roman passionant mais il y a plus encore et peut être mieux. Car à cette maitrise, Catherine Leroux ajoute des personnages étonnament vrais et touchants – même quand on meurt d’envie de les secouer – et un style simplement magnifique, simple, lumineux, presque photographique parfois, précis voire prosaïque dans le détail et pourtant poétique. Une merveille que je vous conseille toute lecture cessante. Chatoyant et sombre !

Le mur mitoyen – Catherine Leroux – Alto – 2013

L’avis de Karine (qui m’a fait connaitre l’auteure, merci encore), de Suzanne (qui a aimé) et de Lou (qui a  aimé lui aussi, enfin il me semble bien…)

PS : J’aurais pu vous parler aussi de l’arrière plan parfois un rien corrosif de ces histoires, un Canada futur qui ne nous fait pas honneur par exemple…

PPS :J’aurais surement dû vous parler du mur, celui qui sépare mais qui soude aussi quand il est mitoyen…

PPPS : j’aurais pu vous parler de plein d’autres thèmes que Catherine Leroux aborde au passage, juste comme ça, discrètement pour tout  dire…

PPPPS : J’aurais pu vous citer la moitié du livre aussi mais vous pourriez le lire tout simplement…

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