Dans la pimpante bourgade de Pagford, la mort soudaine d’un conseiller paroissial, plus qu’une tragédie du quotidien, marque une redistribution d’influence dans la politique de la ville. Autour de la place du défunt, charismatique et progressiste, aspirations et intrigues vont allègrement s’enchevêtrer, remuant la fange que cache toute petite ville, fut-elle proprette, et faisant ressortir le pire bien plus que le meilleur chez tout un chacun…
Alors tout d’abord un mot sur l’inévitable comparaison avec le célébrissime Harry, je confirme donc que Une place à prendre n’a rien à voir avec les aventures du jeune sorcier, tout au plus peut-on noter que l’auteure excelle toujours dans le maniement de personnages adolescents. Quant à l’idée que ce nouveau roman donnerait dans la noirceur pour rompre avec les précédents “livres pour enfants” de l’auteure, je suis un tantinet surprise. Rappelons que le cycle en question commençait par un jeune garçon témoin du meurtre de ses parents, élevé sous un escalier par une famille indigne qui l’affamait et le maltraitait … arrêtons nous là, certains n’ont pas encore lu la suite (j’ai des aveux).
En toute honnêteté, j’ai d’abord hésité devant ce pavé de 700 pages, un peu refroidie par les critiques négatives qui m’étaient tombées sous les yeux. Fort heureusement, dès la première page la magie Rowing a de nouveau fonctionné et j’ai dévoré ce foisonnant roman en deux temps trois mouvements – bon disons trois jours et n’en parlons plus. J’y ai retrouvé ce que j’aime chez cette auteure, une construction impeccablement huilée, un style plus que plaisant et des personnages magnifiques sinon sympathiques (ce qu’ils ne sont pas dans l’ensemble, autant prévenir tout le monde), crédibles, vivants, réels, dotés, quelque soient leurs âges ou leurs conditions, d’une voix, d’un ton, d’un langage unique et impossible à confondre.
Alors oui c’est noir, noir comme une comédie de moeurs où l’hypocrisie ordinaire va exercer ses ravages, ceux de l’égoïsme, de l’indifférence et de la médiocrité. Car la plupart des acteurs ne sont que cela, ordinaires, et sans doute est-ce ce qui dérange. Seraient-ils des tueurs assoiffée de sang, on pourrait les détester en paix. Mais non, ce ne sont dans l’ensemble que de banals citoyens, ni vraiment bons, ni franchement mauvais, tout occupés à faire triompher qui sa cause qui son intérêt sans trop de soucier des dégats collatéraux que ceux-ci concernent des inconnus ou leur propre famille – et le retour de bâton sera pénible pour tous. Du moins pendant un temps car tout bien considéré, les conséquences seront bien loin d’être équitablement réparties et certains sont plus que d’autres marqués pour souffrir. Et la description féroce que Rowling fait de la société anglaise et de ses problèmes – conflits sociaux, pauvreté, division de classe, drogue, solitude adolescente, impuissance des services sociaux, que sais-je encore – coupe un tantinet le souffle, tant par sa justesse que par sa cruauté. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre de ses tours de force d’avoir réussi un portrait si intimement anglais et si évidemment universel, car l’histoire pourrait se passer n’importe où, dans une de ces petites villes coquettes et prospères où il ne se passe jamais rien.
Terminons malgré tout sur une note moins sombre, car étrangement j’ai trouvé ce roman obsédant, passionant mais certainement pas déprimant car s’il y a du drame, il y a aussi de l’espoir et quelques pointes d’humour bienvenues qui contribuent à l’équilibre de l’ensemble. Mention spéciale à une des plus belles crises de la quarantaine féminine que j’ai eu l’occasion de lire. Magistral !
Une place à prendre – J.K. Rowling – 2012 – traduit de l’anglais par Pierre Demarty
Lu dans le cadre du match de la rentrée organisé par Prime Minister que je remercie pour ce beau cadeau et comme l’impose cet exercice, je lui attribue 18/20 car, pour moi, on frôle le chef d’oeuvre.