Peu m’importe le commencement du monde
Maintenant ses feuilles bougent
maintenant c’est un arbre immense
dont je touche le bois navré
Et la lumière à travers lui
brille de larme
Philippe Jaccotet – Airs (1961-1964)
Peu m’importe le commencement du monde
Maintenant ses feuilles bougent
maintenant c’est un arbre immense
dont je touche le bois navré
Et la lumière à travers lui
brille de larme
Philippe Jaccotet – Airs (1961-1964)
This is thy hour O Soul, thy free flight into the wordless,
Away from books, away from art, the day erased, the lesson done,
Thee fully forth emerging, silent, gazing, pondering the themes thou
lovest best.
Night, sleep, and the stars.
Walt Whitman – leaves of grass (1819-1892)
Voici ton heure mon âme, ton envol libre dans un monde sans mots
Hors les livres, hors l’art, effacé le jour, leçon apprise,
Ta plénitude apparait, tu te tais, tu admires, tu
La nuit, le sommeil, et les étoiles.
(ma traduction, avec toutes les réserves d’usage)
Pious Selinda goes to prayers
If I but ask the favour ;
And yet the tender fool’s in tears,
When she believes I’ll leave her.
Would I were free from this restraint,
Or else had hopes to win her ;
Would she could make of me a saint,
Or I of her a sinner
William Congreve (1670-1729)
La pieuse Celinda va prier
Si je demande seulement une faveur,
Et pourtant la tendre folle est en larmes
Quand elle croit que je vais la quitter.
Pourrais-je m’affranchir de cette frustration
Ou alors avoir l’espoir de la conquérir;
Pourrait-elle faire de moi un saint,
Ou moi d’elle une pécheresse !
Jocelyne est à un âge charnière ; mariée depuis 25 ans, ses enfants élevés et partis, sa mercerie végètant tranquillement depuis des lustres, elle trouve du réconfort dans son blog de tricot – dixdoigtsdor – et dans la fréquentation de quelques copines. A l’heure des bilans, elle pose un regard désenchanté mais plutôt lucide sur son parcours, ses rêves d’enfant ne se sont pas réalisés mais elle a construit : un couple, une famille, un commerce et d’une certaine façon elle en est fière. Fière d’avoir surmonté les aléas, grands et petits, qui parsèment toute vie, serait-elle en apparence tranquille. Comme ses amies mais avec moins d’enthousiasme, elle liste parfois les envies qu’assez d’argent – le loto disons – lui permettrait de réaliser mais ce ne sont que chimères à ses yeux, jusqu’à ce que les circonstances la poussent à se poser vraiment la question…
Il parait que ce roman a fait le buzz il y a quelques mois mais je l’ignorais, j’ai dû passer cette période sur mars ou ailleurs comme cela m’arrive parfois dit-on. C’est donc tout à fait par hasard et sans a priori d’aucune sorte que j’ai entamé cette lecture… et que je l’ai terminée le même soir. Autant dire qu’elle m’a plu ! J’ai beaucoup aimé les tentatives un peu désespérées de Jocelyne de trouver un sens à sa vie, à ses épreuves et ses manques. Pour elle, tous ses renoncements doivent trouver leur justification quelque part. J’ai trouvé ce personnage étonnement crédible sinon complètement sympathique ; positive mais pourtant résignée, solitaire mais entourée, cette femme s’est coupée du monde jusqu’à la passivité et sans avoir l’air d’y toucher l’auteur nous offre une bien jolie variation sur cette fameuse crise de la quarantaine qui n’est peut être pas un mythe. L’écriture est fluide, simple en apparence presque parlée parfois mais l’auteur a le sens de la formule et nous offre de bien jolies citations. Dans l’ensemble un livre touchant et bien moins transparent qu’il n’y parait. Désenchanté !
La liste de mes envies – Grégoire Delacourt – J.C. Lattès – 2012
Finissons en beauté notre promenade, le jardin sec est bien difficile à prendre en photo et aucune des miennes ne me convient mais pour le reste…
Je vous laisse juges…
Pensez à faire le détour par Kyoto si d’aventure vous en avez l’occasion…
Au Ginkaku-ji, le fameux temple du pavillon d’argent donc, c’est la sérénité de l’ambiance qui marque… et le parc !
J’ai peur d’avoir pris pas mal de photo de ce parc en fait… mais comment résister à tant de magnificence végétale.
J’en suis encore toute rêveuse !
Murray, professeur de littérature de l’université de Glasgow, entend consacrer son année sabbatique à la réhabilitation d’un poète écossais méconnu pour lequel il nourrit une véritable fascination. Ledit poète, hippie bon teint des années soixante-dix porté sur tous les excès, a trouvé une mort plus ou moins étrange à 25 ans sur une île perdue du nord de l’Écosse et Murray espère éclaircir quelques pans de son histoire personnelle. Cette recherche, a priori toute professionnelle, va très vite se transformer en une véritable quête dont on ne sait bientôt plus qui est le véritable sujet, Archie Lunan, le poète, ou Murray Watson, le chercheur….
De vieux livres poussiéreux, des cartons pleins de documents fanés et une enquête littéraire… Que demander de plus pour être heureuse quand on est une dévoreuse de livres patentée ? Je vous le demande, et je réponds, une île écossaise et c’est quasiment le bonheur.
Je redoutais un peu cette lecture car on m’avait parlé d’une histoire ennuyeuse. Mais pour moi la narration est plutôt bien maîtrisée, démarrant sur le modèle du Whodunnit façon dame Agatha ce qui, bien entendu, m’a tout de suite accroché : entretiens avec les amis du défunt – plus ou moins sincères, recoupements, contradictions, complications personnelles de l’enquêteur qui s’identifie de plus en plus au poète, voyage enfin sur le lieu de sa disparition ; cette île écossaise à la nature omniprésente et dangereuse et sans le moindre pub ! L’exploration un peu distanciée du passé se transforme peu à peu en une poursuite de la vérité un rien échevelée, doublée d’une vraie quête identitaire. Les personnages, pas forcément très sympathiques, se révèlent suffisamment complexes pour éveiller l’intérêt, l’évolution de Murray – à l’immaturité confondante, toujours prêt à rendre le monde entier responsable de ses propres carences et à condamner la paille dans l’œil du voisin quand il ferait bien se surveiller la poutre qui se dissimule dans le sien, est particulièrement fouillée. Mais les personnages secondaires, un frère probablement plus intéressant que le héros, un témoin clé muet ou trop prolixe, d’autres encore, forment une galerie plutôt variée dans laquelle les femmes se taillent la part du lion, les personnages féminins étant de loin les plus forts et les plus positifs du roman. Une belle réussite écossaise et littéraire !
De vieux os (Naming the bones) – Louise Welsh – Metailié – 2011 – traduit de l’anglais (Ecosse) par Celina Schwaller
Lu dans le cadre du célébrissime (et désormais pratiquement clos) prix kiltissime organisé par Dame Cryssilda Collins dont voici l’avis
My candle burns at both ends;
It will not last the night;
But ah, my foes, and oh, my friends—
It gives a lovely light!
Edna St Vincent Millay – A Few Figs from Thistles – 1920
Je brule ma chandelle par les deux bouts ;
Je ne tiendrai pas la nuit ;
Mais ah, mes ennemis, et oh, mes amis –
Que cette lumière est belle !
(traduction de Celine Schwaller)