Peu m’importe le commencement du monde

mardispoetiques

Peu m’importe le commencement du monde

Maintenant ses feuilles bougent
maintenant c’est un arbre immense
dont je touche le bois navré

Et la lumière à travers lui 
brille de larme

Philippe Jaccotet – Airs (1961-1964)

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Le braconnier du lac perdu

De retour sur son île natale après avoir dit adieu à la police, Finn Mcleod accepte un poste de garde pêche en chef sur le domaine, vaste exploitation qui possède la plus grande partie des terres de Lewis. Si son objectif principal est la chasse aux braconniers “industriels” qui dévastent les réserves de l’île, son propriétaire aimerait bien qu’il mette aussi au pas les “préleveurs” locaux et notamment Whistler – le pire de tous – qui se trouve être un ami d’enfance de Finn. Au cours d’une rencontre nocturne, tempétueuse et dévastatrice comme seule l’Ecosse sait les ménager, tous deux tombent sur l’épave d’un petit avion abritant le corps d’une star du rock celtique disparu vingt ans plus tôt. Seulement l’avion est intact et le corps montre des signes de meurtre, et cela change tout…

Ce troisième roman de la trilogie écossaise de Peter May est l’occasion d’une nouvelle plongée dans le passé de Finn, celui de son adolescence précisément, lorsqu’il était roadie pour un petit groupe de rock de Lewis qui allait conquérir le monde. Et là je suis assez d’accord avec Cryssilda, la façon dont l’auteur raccorde ses romans entre eux est un tantinet tiré par les cheveux et l’articulation entre l’enfance de Finn dans l’île des chasseurs d’oiseaux et son adolescence dans celui-ci n’est pas des plus transparentes.

Mais passé ce bémol, je me suis comme d’habitude régalée avec ce polar écossais qui est avant tout une déclaration d’amour à l’île de Lewis et l’occasion d’explorer ses paysages torturés et venteux. Mais il y a plus car les personnages de May sont plus attachants et profonds qu’il n’y parait et leur relation avec leur île, tiraillée entre amour et haine, est fascinante à observer. Peut-être Peter May – lui-même installé dans le sud de la France – a-t-il mis pas mal de lui-même dans ces aspirations contradictoires et contrariées, quoiqu’il en soit elles sonnent juste et donnent un relief particulier à ce qui pourrait être une histoire policière assez classique. Cette atmosphère et ces personnages associés à l’écriture fluide de l’auteur font de ce roman un excellent moment de lecture, fort bien construit dans ces alternances entre passé et présent, avec à la clé quelques plaisants questionnements sur le groupe de rock qui a bien pu lui inspirer cette histoire. Ecossais !

Le braconnier du lac perdu – Peter May – Le Rouergue – 2012 – traduit de l’anglais (mais non publié encore dans cette langue) par Jean-René Dastugue

L’avis de Cryssilda que je remercie quarante douze mille fois pour m’avoir fait connaitre cette trilogie et m’avoir prêté ce livre ci que j’attendais en trépignant littéralement

PS : Mention spéciale au final qui m’a personnellement beaucoup touché et qui d’une certaine façon donne au moins une des clés expliquant les relations entre les habitants et leur île natale.

PPS : je vous ai dit que j’étais allé spécialement contempler les figurines de Lewis au British Museum ? 

Dans les épisodes précédents:

L’ile des chasseurs d’oiseaux

L’homme de Lewis

 

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L’indien blanc

Lorsque Henri Standing Bear, son immutable ami, est invité à Philadelphie pour une exposition sur l’art amérindien, Walt Longmire saisit l’occasion pour passer quelques jours avec sa fille Cady, avocate en pleine ascension dans la cité de l’amour fraternel (oui c’est le petit nom de Philadelphie pour les non initiés). Seulement à son arrivée, Cady est plongée dans un coma profond après une agression et Walt se sent aussi incapable de la quitter que de rester simplement assis à attendre qu’elle se réveille. En cherchant à en savoir plus sur la vie de sa fille, il se retrouve entrainé dans une affaire aux ramifications profondes où son obstination aussi tranquille que désespérée va faire merveille d’autant qu’il dispose de quelques alliés précieux…

La troisième enquête de Walt Longmire après Little bird et Le camp des morts tient toutes les promesses des précédents opus. Certes cette fois Walt est un peu déplacé, arpentant les trottoirs d’une grande ville plutôt que les étendues plus ou moins désertes de son comté du fin fond du Wyoming, mais sa force tranquille est bien là. Comme ce flegme obstiné teinté de timidité et profondément humain qui en fait un enquêteur si attachant. Autour de lui quelques amis hauts en couleur et une ville qui est presque un personnage à part entière. J’avoue que c’est la première fois que Philadelphie m’apparait comme une destination attirante – à tort sans aucun doute mais que voulez-vous ? L’intrigue est bien construite, retorse, menée sans temps mort mais en laissant le temps aux personnages d’exister et à l’atmosphère de s’installer. Parfois le Nature Writing s’invite en ville... Urban cow boy !

L’indien blanc (Kindness goes unpunished) – Craig Johnson – traduit de l’américain par Sophie Aslanidès – Gallmeister noire – 2011

Dans les épisodes précédents
Little bird
Le camp des morts

PS : J’ai vraiment hâte au prochain épisode, je vais être o-bli-gée de passer à l’anglais, je le sens!

PPS : Et j’aime Walt et Henry, définitivement…

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A clear midnight

This is thy hour O Soul, thy free flight into the wordless,

Away from books, away from art, the day erased, the lesson done,

Thee fully forth emerging, silent, gazing, pondering the themes thou

lovest best.

Night, sleep, and the stars.

 

Walt Whitman – leaves of grass (1819-1892)

 

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Voici ton heure mon âme, ton envol libre dans un monde sans mots

Hors les livres, hors l’art, effacé le jour, leçon apprise,

Ta plénitude apparait, tu te tais, tu admires, tu

médites tes thèmes favoris,

La nuit, le sommeil, et les étoiles.

(ma traduction, avec toutes les réserves d’usage)

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Song

Pious Selinda goes to prayers

If I but ask the favour ;

And yet the tender fool’s in tears,

When she believes I’ll leave her.

 

Would I were free from this restraint,

Or else had hopes to win her ;

Would she could make of me a saint,

Or I of her a sinner

 

William Congreve (1670-1729)

 

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La pieuse Celinda va prier

Si je demande seulement une faveur,

Et pourtant la tendre folle est en larmes

Quand elle croit que je vais la quitter.

 

Pourrais-je m’affranchir de cette frustration

Ou alors avoir l’espoir de la conquérir;

Pourrait-elle faire de moi un saint,

Ou moi d’elle une pécheresse !

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La liste de mes envies

Jocelyne est à un âge charnière ; mariée depuis 25 ans, ses enfants élevés et partis, sa mercerie végètant tranquillement depuis des lustres, elle trouve du réconfort dans son blog de tricot – dixdoigtsdor – et dans la fréquentation de quelques copines. A l’heure des bilans, elle pose un regard désenchanté mais plutôt lucide sur son parcours, ses rêves d’enfant ne se sont pas réalisés mais elle a construit : un couple, une famille, un commerce et d’une certaine façon elle en est fière. Fière d’avoir surmonté les aléas, grands et petits, qui parsèment toute vie, serait-elle en apparence tranquille. Comme ses amies mais avec moins d’enthousiasme, elle liste parfois les envies qu’assez d’argent – le loto disons – lui permettrait de réaliser mais ce ne sont que chimères à ses yeux, jusqu’à ce que les circonstances la poussent à se poser vraiment la question…

Il parait que ce roman a fait le buzz il y a quelques mois mais je l’ignorais, j’ai dû passer cette période sur mars ou ailleurs comme cela m’arrive parfois dit-on. C’est donc tout à fait par hasard et sans a priori d’aucune sorte que j’ai entamé cette lecture… et que je l’ai terminée le même soir. Autant dire qu’elle m’a plu ! J’ai beaucoup aimé les tentatives un peu désespérées de Jocelyne de trouver un sens à sa vie, à ses épreuves et ses manques. Pour elle, tous ses renoncements doivent trouver leur justification quelque part. J’ai trouvé ce personnage étonnement crédible sinon complètement sympathique ; positive mais pourtant résignée, solitaire mais entourée, cette femme s’est coupée du monde jusqu’à la passivité et sans avoir l’air d’y toucher l’auteur nous offre une bien jolie variation sur cette fameuse crise de la quarantaine qui n’est peut être pas un mythe. L’écriture est fluide, simple en apparence presque parlée parfois mais l’auteur a le sens de la formule et nous offre de bien jolies citations. Dans l’ensemble un livre touchant et bien moins transparent qu’il n’y parait. Désenchanté !

La liste de mes envies – Grégoire Delacourt – J.C. Lattès – 2012

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Ginkaku-ji (fin hélas)

Finissons en beauté notre promenade, le jardin sec est bien difficile à prendre en photo et aucune des miennes ne me convient mais pour le reste…

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Je vous laisse juges…

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Pensez à faire le détour par Kyoto si d’aventure vous en avez l’occasion…

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Ginkaku-ji (la suite)

Au Ginkaku-ji, le fameux temple du pavillon d’argent donc, c’est la sérénité de l’ambiance qui marque… et le parc !

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J’ai peur d’avoir pris pas mal de photo de ce parc en fait… mais comment résister à tant de magnificence végétale.

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J’en suis encore toute rêveuse !

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De vieux os

Murray, professeur de littérature de l’université de Glasgow, entend consacrer son année sabbatique à la réhabilitation d’un poète écossais méconnu pour lequel il nourrit une véritable fascination. Ledit poète, hippie bon teint des années soixante-dix porté sur tous les excès, a trouvé une mort plus ou moins étrange à 25 ans sur une île perdue du nord de l’Écosse et Murray espère éclaircir quelques pans de son histoire personnelle. Cette recherche, a priori toute professionnelle, va très vite se transformer en une véritable quête dont on ne sait bientôt plus qui est le véritable sujet, Archie Lunan, le poète, ou Murray Watson, le chercheur….

De vieux livres poussiéreux, des cartons pleins de documents fanés et une enquête littéraire… Que demander de plus pour être heureuse quand on est une dévoreuse de livres patentée ? Je vous le demande, et je réponds, une île écossaise et c’est quasiment le bonheur.

Je redoutais un peu cette lecture car on m’avait parlé d’une histoire ennuyeuse. Mais pour moi la narration est plutôt bien maîtrisée, démarrant sur le modèle du Whodunnit façon dame Agatha ce qui, bien entendu, m’a tout de suite accroché : entretiens avec les amis du défunt – plus ou moins sincères, recoupements, contradictions, complications personnelles de l’enquêteur qui s’identifie de plus en plus au poète, voyage enfin sur le lieu de sa disparition ; cette île écossaise à la nature omniprésente et dangereuse et sans le moindre pub ! L’exploration un peu distanciée du passé se transforme peu à peu en une poursuite de la vérité un rien échevelée, doublée d’une vraie quête identitaire. Les personnages, pas forcément très sympathiques, se révèlent suffisamment complexes pour éveiller l’intérêt, l’évolution de Murray – à l’immaturité confondante, toujours prêt à rendre le monde entier responsable de ses propres carences et à condamner la paille dans l’œil du voisin quand il ferait bien se surveiller la poutre qui se dissimule dans le sien, est particulièrement fouillée. Mais les personnages secondaires, un frère probablement plus intéressant que le héros, un témoin clé muet ou trop prolixe, d’autres encore, forment une galerie plutôt variée dans laquelle les femmes se taillent la part du lion, les personnages féminins étant de loin les plus forts et les plus positifs du roman. Une belle réussite écossaise et littéraire !

De vieux os (Naming the bones) – Louise Welsh – Metailié – 2011 – traduit de l’anglais (Ecosse) par Celina Schwaller

Lu dans le cadre du célébrissime (et désormais pratiquement clos) prix kiltissime organisé par Dame Cryssilda Collins dont voici l’avis

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First Fig

My candle burns at both ends;

It will not last the night;

But ah, my foes, and oh, my friends—

It gives a lovely light!

 

Edna St Vincent Millay – A Few Figs from Thistles – 1920

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Je brule ma chandelle par les deux bouts ;

Je ne tiendrai pas la nuit ;

Mais ah, mes ennemis, et oh, mes amis –

Que cette lumière est belle !


(traduction de Celine Schwaller)

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