Rondel par monseigneur ccxxv

220px-Charles_d'OrléansUn petit tour vers le XVe siècle en l’honneur de notre rentrée littéraire 1220 et des poussière… Charles d’Orléans, fils de Louis d’orléans et de Valentine Visconti, neveu de Charles VI, fut durant 25 ans prisonniers au royaume d’Angleterre avant d’épouser Marie de Clève et de devenir le père du futur Louis XII. Sa longue (vraiment longue) captivité lui permis de parfaire son oeuvre écrite principalement entre 1410 et 1465, ce qui le place dans nos poussières…

En la forêt de longue attente,

Par le triste vent de fortune

Je vois tant de bois abattu

Que, par ma foi, je n’y retrouve

A présent ni chemin ni sente.

Là, jadis, mon revenu de joie,

Jeunesse le payait comptant

Il ne m’y reste rien qui vaille

En la forêt de Longue Attente

Par le triste vent de fortune…

Vieillesse dit, qui me torture :

“Fais le deuil de ces sous et droits

Que tu as perçues autrefois ;

Tes, jours, mois et ans sont passés :

Qu’il te suffise et sois content

En la forêt de Longue Attente !”

Et pour les puriste…

En la forest de Longue Actente,

Par vent de Fortune dolente

Tant y voy abatu de bois

Que sur ma foy je n’y congnois

A present ne voye ne sente

Pieça y pris joyeuse rente :

Jeunesse la payoit contente ;

Or n’y ay qui vaille une nois,

En la forest de Longue Actente

Par vent de Fortune dolente

Vieillesse dit, qui me tourmente :

“Pour toy n’y a pesson ne vente

Comme tu as eu autresfois ;

Passez sont tes jours, ans et mois :

Souffize toy et te contente

En la forest de Longue Actente,

Par vent de Fortune dolente

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Snail upon the wall…

Ajourd’hui j’avais prévu de publier un billet sur No et moi, lu dans le cadre de la thématique livre ayant reçu un prix du club Lire et Délires, toujours fringant et bien vivant (le club). Mais après trois heures trente de devoirs (la sixième ça me tue) je crois que je vais plutôt créer une nouvelle catégorie pour ce blog : les poèmes de Tristan en sixième, qu’ils soient en français (ça va tout seul), en anglais (arghhhh !!!) ou en chinois (j’attends le cas sans aucune impatience)… L’avantage pour les contines en anglais c’est que je les connais par coeur bien avant lui, donc révisions possibles en tout temps,  voiture, métro, courses. Je me fais l’effet d’une mère cruelle, limite harceleuse. Enfin !

 

Have you got a pet ?

No, I haven’t yet !

But I want one, one day.

I don’t want a dog

or an snake, or a frog

Just a little pet

To stay in my pocket

all day

 

Inconnu

 

Ou encore celui-ci

 

Snail upon the wall

Have you got at all

anything to tell

about your shell

 

Only this my child,

When the wind is wild,

Or when the sun is hot,

il’s all I’ve got

 

John Drinkwater

 

Je ne peux même pas dire qu’aucun enfant n’a été maltraité pendant la rédaction, la honte !

 

 

 

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Le jeudi c’est citation (8)

Dans le cadre de l’excellente initiative de la glamourous Chiffonette

_ Et tu ne penses pas que ça peut être blessant, pour elles, d’être sifflées dans la rue ?

_ Blessant ? Mais non, c’est des hétéros, elles ont l’habitude d’être traitées comme des chiennes, elles trouvent ça normal. Ce qui les change, c’est que ça vienne d’une superbe créature, comme moi. Même si elles ne s’en rendent pas compte, ça allume une faible lueur d’utopie dans leur pauvres petites têtes asphyxiées par la beauferie hétérocentrée.

 

Virginie Despentes – Apocalypse bébé

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Toutes des Pénélopes

Stéphanie est une brillante étudiantes en fin de thèse de lettres classiques. Elle travaille en complément pour la maison d’édition Olympus, espère bien y décrocher un poste dès sa soutenance passée et de plus partage la vie d’un homme aussi séduisant que brillant. Bref tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. Mais Stéphanie est persuadée d’être l’objet d’une malédiction propre aux femmes, celle de Pénélope. Elle passe en effet son temps accrochée à son téléphone, guettant coup de fil et textos de son Ulysse personnelle, digérant lapins divers et annulations de dernière minute, bref elle vit dans une attente  constante sans autres dérivatifs que les multiples séries télé qu’elle regarde à longueur de temps.

Bon la Chick-lit n’est pas ma tasse de thé, cela se sait mais je m’étais dit qu’un petit divertissement entre Ackroyd et Despentes ne pourrait pas me faire de mal. Et effectivement, j’ai passé un moment plaisant mais non sans grincements de dents. Le premiers tiers de l’histoire à mis ma patience à rude épreuve, cette Stéphanie, je l’aurais volontiers étranglée ou du moins rudement secouée pour la faire réagir. Voici donc une fille intelligente (elle va obtenir sa thèse avec mention très bien et les félicitations du jury quand même), sympathique, drôle, jolie, (évidemment), dotée d’une famille et d’amies sincères mais capable de passer des heures dans un restaurant à attendre son tendre et cher pour leur anniversaire tout en se liquéfiant devant les serveurs apitoyés. Là j’ai du mal. Je songe à écrire une thèse sur l’utilisation abusive du mot orgueil par des lavettes masochiste mais passons. Ce qui sauve le livre, outre les circonstances qui vont brusquer la dite Stéphanie et l’obliger à bouger – en l’occurence bien sûr une maladresse de l’ami d’Ulysse révélant l’horrible comportement dudit, c’est sa manie d’octroyer à toutes les personnes de sa connaissance des surnoms mythologiques et d’en tirer de longues considérations sur leur vie, leurs aventures et leurs réactions. L’entendre parler familièrement de Zeus, Athéna, Iris ou Echo, ou suivre ses divagations comparatives entre tapisserie et télévision donne à cette histoire des plus classiques, une bonne dose de drôlerie ainsi qu’un certain cachet. Les derniers deux-tiers m’ont donc bien amusée malgré la fin téléphonée (et définitivement sexiste – elle aurait pu s’assumer la minette et chasser elle-même son gibier) et les quelques dérapages harlequinesques (l’effet que lui font certains baisers). Mignon, agaçant mais mignon !

 

Toutes des Pénélopes – Lisa Klimmt – 2010 – Fleuve noir

 

PS : J’ai eu un peu de mal aussi avec les abondantes références aux glandes sudoripares  de notre jeune thésarde, Pénélope n’aurait jamais commis une telle faute de goût !  

PPS : L’abominable yorkshire dénommé Télémaque m’a un peu tapé sur le système également, je n’ai jamais vu un chien adulte se conduire de façon aussi systématiquement destructrice. Je prescris une consultation chez un psy canin !

PPS : Pouvez-vous deviner en quel avatar mythologique notre heroïne va se transformer après avoir taté de l’Ariane et de la Pénélope ?

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William et Cie

Mary et Charles Lamb sont frère et soeur, londoniens, bien éduqués, intelligents mais sans guère de perspective d’avenir par manque de fortune. Lui occupe un poste sans intérêt dans un bureau quelquonque et se distrait le soir de pub en pub avec un petit groupe d’amis. Elle, reste confinée dans la maison, dissimulant au monde son visage marqué de petite vérole, s’ennuyant à mourir. Lorsqu’un jeune libraire, William Ireland, leur livre à domicile un ouvrage ayant appartenu à Shakespeare lui-même, débute une étrange amitié littéraire entre ledit William et la fantasque Mary. D’autant que, de par sa profession, le jeune bouquiniste a accès à bien d’autres trésors. Bientôt il confie avoir découvert, entre autres documents signés du Barde, une pièce complète et que l’on croyait perdue…

Peter Ackroyd est un auteur britanique prolifique, particulièrement connu pour ses biographies dont celles des monuments que sont Dickens, Shakespeare et Londres. Sans doute son intime connaissance des écrits du grand Will et de la littérature anglaise est-elle à l’origine de cette farce quelque peu cruelle qui fait revivre pour nous le Londres intellectuel mais un tantinet crasseux de la fin du XVIIIe siècle. A partir de l’histoire somme toute tragique de Mary et Charles Lamb, célèbres entre autre pour avoir écrit à quatre mains les fameux contes de Shakespeare (que tout écolier britanique se doit, dit-on, d’avoir lu) Peter Ackroyd brode une fantaisie littéraire faite de vers shakespeariens, de péroraisons avinés, de piques acidulées en direction de supposés “experts” littéraires et d’une peinture assez poignante de ce que pouvait être, à l’époque, le carcan d’une certaine jeunesse avide d’indépendance intellectuelle et de liberté créatrice mais prisonnière des convenances, des désidératats familiaux ou tout simplement de la faiblesse de ses moyens. Malheureuseusement certaines frustrations ne se compensent pas aisément et des actes que l’on croyait sans conséquence peuvent déclencher des réactions plus qu’inattendues. Ackroyd rend ici un bel hommage au Barde, chantre de toutes les libertés, dans un roman tout en légèreté. Séduisant !

 

William & Cie – The Lamb of London – Peter ackroyd – 2004 – traduit de l’anglais par Bernard Turle 2006 edition Philippe Rey

 

L’avis de Lou (de myloubook) et de Papillon

 

PS : J’ai lu partout que ce roman se passe au XIXe, mais si j’en juge par la date du fameux drame de la vie des Lamb qui sert de prétexte au roman, il se passe plutôt dans les années 1790… (je vous intrigue là ?)

PPS : Je connaissais déjà le nom de Charles Lamb par Helen Hanff du 84 charing cross road et par le Cercle littéraire des amateurs de tourtes aux amateurs d’épluchures de patate, il va falloir que je le lise un de ces jours…
PPPS : La fameuse pièce n’est PAS Peines d’amour gagnées mais il en est question, à bon entendeur…

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A Lullaby

Un dernier tour de piste pour WH Auden avant le retour à des poètes plus francophones, voici donc sa “berceuse“…

 

Lay your sleeping head, my love,

Human on my faithless arm;

Time and fevers burn away

Individual beauty from

Thoughtful children, and the grave

Proves the child ephemeral:

But in my arms till break of day

Let the living creature lie,

Mortal, guilty, but to me

The entirely beautiful.

 

Soul and body have no bounds:

To lovers as they lie upon

Her tolerant enchanted slope

In their ordinary swoon,

Grave the vision Venus sends

Of supernatural sympathy,

Universal love and hope;

While an abstract insight wakes

Among the glaciers and the rocks

The hermit’s carnal ecstasy.

 

Certainty, fidelity

On the stroke of midnight pass

Like vibrations of a bell

And fashionable madmen raise

Their pedantic boring cry:

Every farthing of the cost,

All the dreaded cards foretell,

Shall be paid, but from this night

Not a whisper, not a thought,

Not a kiss nor look be lost.

 

Beauty, midnight, vision dies:

Let the winds of dawn that blow

Softly round your dreaming head

Such a day of welcome show

Eye and knocking heart may bless,

Find our mortal world enough;

Noons of dryness find you fed

By the involuntary powers,

Nights of insult let you pass

Watched by every human love.

 

W. H. Auden

January 1937

 

Pose ta tête endormie, mon amour

Humaine sur mon bras infidèle ;

Le temps et les fièvres consument

La part de beauté

Des enfants pensifs et la tombe

prouve que l’enfant est éphémère ;

Mais que dans mes bras jusqu’au point du jour

Repose cet être vivant,

Mortel, coupable, mais pour moi

Beauté absolue.


L’âme et le corps n’ont point de bornes  ;

Aux amants étendus

Dans leur pâmoison coutumière

Sur la pente enchantée de son indulgence

Vénus gravement apporte la vision

D’une compassion surnaturelle,

Un amour, un espoir universels  ;

Tandis qu’une intuition abstraite

Eveille parmi les glaciers et les rocs

L’extase sensuelle de l’ermite.


Certitude, fidélité

Sur le coup de minuit passent

Comme les vibrations d’une cloche,

Et les fous à la mode poussent

Leurs cris ennuyeux de pédants  ;

Chaque centime de la dépense,

Tout de que prédisent les cartes redoutées

Sera payé, mais de cette nuit

Que pas un murmure, pas une pensée

Pas un baiser ni un regard ne soient perdus.


Tout meurt, la beauté, la vision, minuit :

Que les vents de l’aube qui demeurent

Soufflent sur ta tête rêveuse

Annonçant un jour d’une telle douceur

Que les yeux et le cœur qui cogne puissent louer

Ce monde mortel et s’en satisfaire  ;

Que les midis de sècheresse te voient nourri

Par les puissances irréfléchies,

Que les nuits d’insulte te laissent vivre

Sous la garde de tout amour humain.

 

Je ne sais hélas pas de qui est cette traduction mais elle me convient mieux que celle de mon livre, je vous la confie donc… enjoy !

Correction grâce à monsieur Lou, je sais maintenant que ce traducteur selon mon coeur est Jeant Briat. Merci à lui !

 

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Le jeudi, c’est citation (7)

les jeudis de Chiffonette

« Quel est celui d’entre nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »

 

Charles Baudelaire

Lettre à Arsène Houssaye

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La nuit de l’oracle

Peut-être que tout a commencé le jour où Sydney Orr, convalescent flageolant, est entré dans une papeterie pour acheter un carnet bleu, très solide, fabriqué au Portugal. Peut-être. C’est bien ce jour-là en tous cas, qu’il s’est remis à écrire, l’histoire d’un éditeur trentenaire qui quitte sa vie en emmenant un  manuscrit avec lui, La nuit de l’oracle, récit des malheurs d’un homme affligé du don de prévoir l’avenir. Mais écrire n’est-ce pas justement influer d’une façon ou d’une autre sur nos actes à venir ?

Je pensais être définitivement fâchée avec Paul Auster, depuis ma piteuse expérience avec la trilogie new-yorkaise dont je garde un souvenir gluant d’ennui. Et bien non ! Je me suis laissé séduire par ce vertigineux exercice de style, emboîtement d’histoires gigognes dont les thèmes se répondent autour d’un écrivaillon en devenir, sous l’aura tutélaire d’un auteur vieillissant mais reconnu dont le nom se trouve être l’anagramme d’Auster. Une belle réflexion sur les liens que tissent, volontairement ou non, les auteurs entre les mondes fictifs de leurs oeuvres voire entre vie réelle et créations littéraires. Inspirant


La nuit de l’oracle – Paul Auster – 2003 – traduit de l’américain par Christine Le Boeuf pour Acte Sud – 2004

 

PS et non, je ne parle pas toujours de Tolkien… oups ça m’a échappé !

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At last, the secret is out

Continuons avec Wystan…

 

At last the secret is out,

as it always must come in the end,

the delicious story is ripe to tell

to tell to the intimate friend;

over the tea-cups and into the square

the tongues has its desire;

still waters run deep, my dear,

there’s never smoke without fire.

 

Behind the corpse in the reservoir,

behind the ghost on the links,

behind the lady who dances

and the man who madly drinks,

under the look of fatigue

the attack of migraine and the sigh

there is always another story,

there is more than meets the eye.

 

For the clear voice suddenly singing,

high up in the convent wall,

the scent of the elder bushes,

the sporting prints in the hall,

the croquet matches in summer,

the handshake, the cough, the kiss,

there is always a wicked secret,

a private reason for this

 

WH Auden

 

(Traduction plus ou moins libre pour celles et ceux qui aient comprendre au moins l’idée général)

 

Enfin le secret est percé

Comme il doit toujours l’être à la fin

La délicieuse histoire est mûre

pour être raconté à l’intime ami

au dessus des tasses de thé et sur la place

la langue a son désir

l’eau-qui-dort coule profonde, mon cher

Il n’y a pas de fumée sans feu

 

Derrière le cadavre dans le reservoir

Derrière le fantôme dans ses chaînes

Derrière la dame qui danse

et l’homme qui boit à la folie

sous les marques de fatigue

la crise de migraine et le soupir

Il y a plus que ce que l’oeil peut saisir

 

Malgré la voix claire qui chante soudain

là-haut sur le mur du couvent

Le parfum des taillis de sureaux,

les gravures de chasse dans le vestibule

les parties de croquet pendant l’été

la poignée de main, la toux, le baiser

Il y a toujours un secret diabolique

une raison secrète derrière tout cela

 

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Le jeudi c’est citation (6)

Pour faire honneur à la fois aux citations du jeudi instituées par Chiffonette et à la rentrée littéraire 1220 à peu près chère à mon coeur, un petit morceau de Marie de France…

“Quand Dieu vous a donné la science

et un talent de conteur

il ne faut pas se taire ni se cacher

mais se montrer sans hésitation.

Lorsqu’un beau fait est répété,

il commence à fleurir,

et quand les auteurs se répandent en louanges,

alors les fleurs s’épanouissent.”

 

Marie de France (vers 1170) – prologue au douze lais

Qui Deus a duné esciënce

E de parler bone eloquence,

Ne s’en deit taisir ne celer,

Ainz se deit voluntiers mustrer.

Quant un granz biens est mult oïz,

Dunc a primes est il fluriz,

E quant loëz est de plusurs,

Dunc a espandues ses flurs.

 

(pour les puristes : la VO)

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