” Relier, c’est bien, ça parle des gens et des livres qu’on relie, qu’on relit”.
Aujourd’hui Yvonne est morte et avec elle c’est une institution qui risque de s’éteindre. Celle des Livres, une petite librairie de Roubaix, fondée par les parents de la défunte et depuis toujours planche de salut pour les avides de connaissances que ce soit celle des livres ou celle des mots. Car chez les Lepage – libraires de père en fille, on ne dédaigne pas les apprentissages de base et bien des gens du coins quelles que soient leurs origines leur doivent d’avoir appris à lire. Yvonne, tout naturellement pourrait-on dire, a tout légué à Abdel Duponchelle, professeur de lettres et client assidu depuis ses cinq ans quand il réglait royalement ses achats avec des pièces de 20 centimes. Mais pour quoi faire finalement ? Tout liquider, faire table rase du passé ou sauver ce qui peut l’être ? Voilà les questions que se pose Abdel et bien d’autres vont s’y ajouter. Ainsi il a toujours su qu’Yvonne ancienne photographe talentueuse n’avait plus touché un appareil depuis 62 mais pourquoi ? De même qu’il savait que son père était mort tragiquement la même année mais pas vraiment les détails ? Et de toutes façons, peut-on encore sauver une librairie de quartier à Roubaix – ville la plus sinistrée de France – par les temps qui courent ?
Apaise le temps est un tout petit livre – moins d’une centaine de pages – qui tient le pari de brasser en un tout étonnamment lumineux de multiples thèmes étonnamment sinistres. Misères urbaines, illettrisme, médiocrité ambiante, commerce sauvage et sans âme – l’irruption d’une monstrueuse librairie en ligne à la surface démentielle ! à Roubaix ! mais à quoi peut-il bien faire allusion, on se le demande ? – solitude des déplacés et soudain au milieu de ce peu réjouissant tableau les fantômes de la guerre d’Algérie qui s’invitent. Et pourtant, pourtant il y a de la lumière dans tout cela, dans ces personnages, au premier chef Abdel Duponchelle dont le nom est un pont en soi, mais aussi Zina l’albanaise diplômée des métiers du livre qui ne se fait pas à sa reconversion en manœuvre déshumanisée de la grande multinationale “culturelle”, Rosa l’assistante sociale qui ne lit pas pour ne pas rêver et Saïd le vieil exilé qui collectionne les mots. À eux quatre, c’est qu’ils nous redonneraient foi en l’humanité si on n’y prenait garde. Alors certes les allusions à la guerre d’Algérie me sont parfois passées au dessus de la tête, je le connais mal ce conflit et Michel Quint ne s’attarde pas à remettre le contexte mais c’est égal, rien que pour son humanité, son amour de la lecture qui relie et son style incroyable – que je découvre, qu’il m’a fallu apprivoiser et qui m’a finalement conquise – c’est un roman qui vaut le détour. Apaisant !
Apaise le temps – Michel Quint – 2016 – Phébus
J’ai déjà lu quelques Michel Quint, c’est vrai qu’il faut s’habituer à sa langue mais quelle humanité ! Tu me donnes envie de lire celui-ci.
Comme c’est mon premier, je ne peux pas comparer mais il m’a beaucoup plu 🙂
Lumineux, tu as trouvé le mot juste pour qualifier ce très beau petit roman ! J’adore la plume de Michel Quint !
Oui vraiment, il faut s’habituer mais quelle merveille 🙂
J’avais adoré Effroyables jardins, je note celui-ci!
Je crois que je vais lire Effroyable jardin maintenant 🙂
chaque fois que je croise un titre de cet auteur, je culpabilise parce que je le considérais comme un de mes auteurs fétiches et que je l’ai laissé tomber. Il faut que j’y remédie!
C’est qu’il y a tant et tant à lire 🙂
Un roman qui fait du bien , oui !
Carrément 🙂
Tu as raison, je l’avais trouvé apaisant également.
On ne va pas refuser un peu d’optimisme par les temps qui courent 🙂
Je pense que c’est le genre de livres que j’affectionne. Je me le note et j’espère m’y plonger un jour…
J’espère qu’il saura te plaire 🙂
je ne connais pas mais après vous avoir lu , qu’est ce que ça fait envie !
Je te souhaite de l’aimer autant que moi 🙂