« Au commencement il n’y eut que cette terre de taïga, au bord de la mer, entre cap Sec et cap Sauvagine. Toutes les bêtes à fourrure et à plumes, à chair brune ou blanche, les oiseaux de mer et les poissons dans l’eau s’y multipliaient à l’infini. »
1982, au coeur de la nuit, le révérend Nicolas Jones, pasteur d’une minuscule bourgade côtière entre cap sec et cap sauvagine, veille et se souvient. Est-ce le vent ou les fantômes des temps passés qui font trembler murs et fenêtres à moins que ce ne soient des souvenirs, ceux du si bref et si bel été 1936 qui finit dans le drame et sonna le glas de la petite communauté, repliée sur elle-même, des Jones, des Brown, des Atkins et des MacDonald. Car le 31 du mois d’août de cet été là, par une soirée encore tiède, Nora et Olivia Atkins ne rentrèrent pas…
Je me promettais depuis longtemps de relire ce merveilleux roman de Anne Hébert et d’un certain point de vue, ce fut comme une première lecture car si je me souvenais de l’atmosphère et de la puissance de l’écriture, de l’odeur salée des embruns et du rugissement du vent, j’avais oublié en grande partie l’histoire et j’avoue que ce fut un délice de m’interroger. Mais que c’était-il donc passé dans cet improbable village perdu entre terre et mer au cours de l’été 1936 ? Étrange récit, raconté cinq fois par cinq acteurs différents, le pasteur tourmenté devenu grabataire, un survenant écrivant de longues lettres en manière de journal intime, un être à l’âme d’enfant égaré dans la complexité du monde, quelques autres, un fantôme peut-être… On se laisse happer par cette écriture puissante comme la mer omniprésente, comme le vent sans fin et par cette histoire simple comme la cruauté du monde. Et s’il fallait en dire plus, je dirais qu’on parle souvent de ces incipit célèbres qui entament de grands romans (Longtemps je me suis couché de bonne heure comme disait mon très cher Marcel) mais il faudrait parler parfois des excipit (néologisme I know) et dire que le dernier paragraphe de ce chef d’œuvre est lui-même, dans son laconisme lapidaire, quelque chose comme un chef d’œuvre*. Incontournable !
Les Fous de Bassan – Anne Hébert – 1982 (prix fémina de la même année)
Lu dans le cadre de la LC Anne Hébert de Québec en novembre organisé par Karine et votre humble yueyin, moi-même donc.
*Oui j’ai répété chef d’œuvre, même que je l”ai fait exprès
Ah tu me rappelles de bons souvenirs!
Anne Hébert laisse des souvenirs marquants et ce roman est particulièrement puissant je trouve 🙂
J’en avais beaucoup entendu parler à l’époque, sans jamais le lire. Comme tu dis que même des années après il est toujours aussi bien, je le note.
Je crois qu’on peut déjà le considérer comme un classique de la littérature québécoise 🙂
Lu il y a déjà longtemps mais j’en garde le souvenir d’une écriture éblouissante Votre blog me donne envie de le relire Vous avez au Québec des écrivains majeurs et fabuleux ! (je suis française et vit en france mais adore ce pays )
Je suis française aussi et je vis à Toulouse mais j’ai vécu au Québec où ma famille vit encore et j’ai de forts liens avec la belle province et sa superbe littérature 🙂
une histoire marquante!
et une écriture sublime 🙂