
Dans un futur qui nous est proche, le cataclysme a bien eu lieu mais tout autrement qu’on l’attendait. Soudain la mer morte a gonflé, enflé, comme si les profondeurs de la terre vomissaient sa colère ou celle d’un autre, la mer morte a rejoint la méditerranée, engloutissant au passage, l’est de l’Asie, le nord de l’Afrique et le sud de l’Europe. Et avec l’eau a jailli le sel, un sel mauve aux propriétés fascinantes, séduisantes, addictives… et la compagnie des Soixante-quinze fut. La compagnie s’assura la propriété de toutes les terres entourant le cratère d’où avait surgi manne et destruction, fonda la colonie pour l’exploiter et la peupla de ses salariés – un refuge offert aux millions de réfugiés poussés sur les routes par la dévastation ou encore à ceux qui avaient de bonnes raisons de s’écarter du monde. Car l’extraction du sel a ses impératifs, nulle technologie ne fonctionne, la brume mauve étouffe tout ce qui vit, rien ne s’enfonce dans la mer violine où se trainent péniblement quelques pataches de plastique – à peine des bateaux, seuls lien avec le monde extérieur ; un lien bien lent au demeurant car trois semaines, au bas mot, sont nécessaires pour rejoindre le nouveau port méditerranéen de Paris, siège des soixante-quinze. Mais qu’arriverait-il dans un endroit aussi isolé et où la seule loi est le règlement de la compagnie si la direction disparaissait brusquement, l’ordre perdurerait-il ou…
Quelle bonheur que cette année grecque qui me permet de découvrir des pépites que je n’aurais jamais rencontrées autrement. Car ce livre est une pépite d’une richesse incroyable, tant par les thèmes – nombreux – qu’il brasse, que par son histoire palpitante et sa construction retorse, parfaitement – et astucieusement – maitrisée. Le gouverneur Bera – nom du dernier roi de Sodome – est donc mort, et les notables de la colonie se trouvent sans instruction, sans chef, sans procédures, totalement perdus dans une situation hautement kafkaïenne. Le roman se partage donc entre les rapports qu’ils écrivent pour la Compagnie – chacun séparément car ils ne se font nulle confiance – et la lecture lointaine qu’en fait un petit personnage étrange, décrypteur de lettres de son état, engagé par la dite-compagnie – mais avait-il le choix – pour y comprendre quelque chose. Les témoignages sont grinçants, horrifiques, peut-être délirants, à la limite du grotesques, l’analyse en est sarcastique voire cynique. Et à mesure qu’on pénètre plus avant dans les arcanes de la nouvelle Sodome gouvernée par le profit, régie par la brume et le secret jusqu’à l’absurde, isolée par la peur des épidémies et des raids d’indigènes agressifs, divisée règlementairement en classes qui n’ont pas à se fréquenter, on se dit tout en tournant fébrilement les pages pour savoir ce qui va se passer – ou plutôt ce qui s’est effectivement passé, que ce futur est peut-être déjà là mais qu’heureusement, il y a toujours une petite lueur d’espoir au fond de l’humanité, serait-elle chétive et un tantinet corrompue. ébouriffant !
Qu’a-t-elle vu, la femme de Loth ? Ioànna Bourazopoulou – 2007 – traduit du grec par Michel Volkovitch – Ginkgo éditeur 2011
PS : Tiens encore une grecque qui détruit le Parthénon, enfin là elle ne fait pas dans le détail, elle rase toute l’antiquité occidentale, Grèce, Italie, Narbonnaise; Moyen-Orient, Egypte… tout vous dis-je… et bien sûr, ce n’est certes pas innocent…
Lu dans le cadre de l’année gr
ecque organisée par la très appréciée cousine Cryssilda et moi-même. ainsi que dans celui du défi diversité de Lhisbei car il s’agit bien de SF (ou du moins d’anticipation nécessitant suspension d’incrédulité) écrite par une femme, traduite et se passant en orient (enfin ce qui l’a remplacé), ce qui me permet quand même de toper un nouvel item, le 7 et hop 12/20


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