
“à l’heure où les réseaux sociaux imposent une vitesse supersonique à nos échanges, de préférence limités à cent quarante caractères, (…) un essai sur la relecture, éloge inévitable de la lenteur et hommage à la récidive, passera pour une provocation.”
Pour certains c’est une évidence, pour d’autres une perte de temps voire une incongruité. Relire, alors qu’il y a temps à lire, tant de nouveautés, tant de livres en attentes dans nos mémoires, nos étagères ou les rayons des librairies et bibliothèques. “Une expérience du contretemps, voire un acte de résistance, comme un luxe face à l’immensité des possibles” (P31) Dans ce petit essai, Laure Murat après nous avoir conté comment elle en est venue à s’intéresser au sujet – Ah les expériences de relecture et leurs trahisons – en vient à sa façon de s’y attaquer : en envoyant un questionnaire – assez précis ma foi – à quelque 200 intellectuels connus (et français ce me semble ou du moins francophones), écrivains, journalistes, éditeurs, libraires… Certains n’ont pas répondu, d’autres abondamment, certains ont suivi le questionnaire, d’autres l’ont raccourci ou se sont lâchés. La première partie fait donc la synthèse et l’analyse de leurs retours (avec quelques chiffres, mais aussi des questions de fond, Que relit-on et pourquoi ? et Proust dans tout ça ?), tandis que la seconde contient une partie des questionnaires complétés, ceux d’Agnès Desarthe, Stephane Audeguy, Olivier Rolin, Annie Ernaux et tant d’autres.
Dès que j’ai vu cet essai, chez dame Cuné sauf erreur, j’ai su qu’il était pour moi. Car au delà de toutes ces personnes fascinantes ou non qui ont répondu, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur ses propres pratiques, or il se trouve que je suis de celles qui lisent, relisent et relisent encore (et encore encore, mais si c’est possible). Et nos pratiques, on les retrouve bien sûr, en partie du moins. On se reconnait ici ou là, on s’interroge aussi sur les différences bien sûr ; pourquoi si peu de femmes citées comme relues ? Neuf seulement contre 125 hommes. Les résultats auraient-ils été différent ailleurs ? disons sans aller très loin, outremanche ? Ou si l’enquête s’était adressée à des lecteurs qui ne font pas profession d’écrire ? Mystère. Et les traductions ? les différentes traductions entrent-elles dans la catégorie des relectures ? pour moi certainement mais le débat est ouvert et fort passionnant. Bref toutes sortes de cogitations bien agréables qui débouchent au détour d’une page sur les fameux questionnaires complétés, une vingtaine au total, j’en attendais beaucoup, trop peut être. Disons qu’au delà de toutes ces théories diverses et variées et souvent fortement psychanalytiques, j’aurais aimé un tantinet plus de plaisir et de passion mais c’est personnel après tout. Quoi qu’il en soit j’ai noté quelques auteurs et titres parmi les relectures citées, mention spéciale tout de même à Stephane Audeguy qui connait l’art de clore une lettre avec élégance. Intéressant !
Relire – enquête sur une passion littéraire – Laure Murat – Flammarion – 2015


24 réponses à Relire