Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête !
Trente ans après la semaine sanglante qui mit fin à la commune de Paris, Marceau croit reconnaitre un figurant de l’un des premier western de l’histoire. Dana, condamné à mort par contumace, camarade de lutte, de folie et de beuverie. Peut-il être encore vivant, quelque part dans l’ouest profond ou beaucoup plus près, être encore lui-même quand les derniers communards s’éteignent, rangés, perdus ou amnésiques. Dans l’esprit confus de Marceau embrumé de laudanum, miné par le passé, l’obsession grandit, le lançant à la poursuite de ce qui pourrait bien être l’ombre d’un souvenir…
« C’est une sacrée histoire que celle-là. Vraiment. Pourtant, espérer qu’il la raconte serait aussi vain qu’attendre le retour d’un mort. L’homme, s’il a existé ailleurs que dans la fumée d’une pipe ou les sornettes d’un vieux, on se contentera d’en chercher la trace. Rien, ou presque, ne garde son empreinte. À croire qu’il marchait sur des semelles de vent. Comme l’autre, qu’il aurait connu jadis et qui, pareillement, a tout brûlé derrière lui. »
Est-ce donc polar ? je dirai non. Est-ce un roman noir ? peut-être. Une enquête ? c’est trop dire mais une quête certainement… Étrange livre que cette plaie ouverte qui nous met inlassablement dans la tête l’air du temps des cerises*. Tout d’abord, on ne sait trop où l’on est, ni où l’on va, encore moins quand… l’Ouest lointain, Calamity Jane, le Wild West Show, la main du mort de Wild Bill Hickock tout cela est bien confus. et puis peu à peu les choses s’installent, se décantent, on est en France pendant ces quelques semaines fiévreuses de mai, enthousiastes, fraternelles, tragiques, enivrées par l’espoir, noyées dans le sang. La Commune, encore aujourd’hui, est un lieu de fantasmes et de légendes – comme l’ouest américain maintenant que j’y pense – et l’auteur connait l’époque sur le bout du doigt. On y croise Courbet, Rimbaud, Vallès… On a beau savoir, pour un peu on espèrerait. On suit Marceau, à jamais survivant plus que vivant. Si je devais mettre un bémol à ce roman à la construction décoiffante et au style flamboyant, ce serait Marceau lui-même, narrateur dont on ne sait presque rien – mais peut-être est-ce aussi son cas – et auquel on ne s’attache pas plus. Alors évidemment, à trop balader ses lecteurs, on prend un risque, celui de les perdre en route tant il faut un certain temps pour entrer dans l’histoire… mais pour celles et ceux qui s’accrochent, c’est un plaisir. Foisonnant !
J’aimerai toujours le temps des cerises :
C’est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte !
Une plaie ouverte – Patrick Pécherot – 2015 – Gallimard
Les avis de l’oncle Paul et du Papou
*Si la chanson n’a pas été écrite pour la Commune, elle lui reste pour toujours associée et d’ailleurs Jean-Baptiste Clément n’était-il pas un communard… Tiens pour la peine, je vous laisse avec un souvenir de ma dernière balade au Père Lachaise (haut lieu de la Commune et du roman donc…)
Quelle période que celle de la commune! Ce roman me semble passionnnant mais un peu étrange aussi.
C’est tout à fait l’impression que j’ai voulu donner 🙂
L’auteur ne t’a donc pas perdu en cours de route.
Et non, je me suis accrochée et m’en suis bien trouvée 🙂
Merci pour ke lien, je suis heureux que ce roman t’ai plus.
Le Papou
oui beaucoup 🙂